Jeudi 19 Décembre 2024
(Photos Pierre Martinez)
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Date
11.12.2017
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Portrait de deux néo-vignerons présents sous la bulle des bordeaux et bordeaux supérieurs ce dimanche, qui participaient pour la première fois au festival des grands vins organisé par « Terre de Vins ».
Avant, ils n’étaient pas vignerons. Mais ça, c’était avant. Le vignoble bordelais regorge de belles histoires de reconversions dans le vin. Le château Haut Peyrat (AOC bordeaux supérieur) et le domaine de Valmengaux (AOC bordeaux), présents ce dimanche à « Bordeaux Tasting » sont deux exemples de ces changements de vie. Rencontre.
Château Haut-Peyrat
L’envie de « relever de nouveaux défis » s’est imposée à Didier Gil alors qu’il dirigeait encore la BNP. Cet amateur éclairé, qui avait « toujours rêvé de vin, mais n’en avait pas eu les moyens avant » décide de se lancer en 2013. Avec son épouse Isabelle, ils cherchent une propriété à acquérir à Bordeaux. Et tombent sous le charme d’un domaine à Cambes, aux portes de l’Entre-Deux-Mers, dotée d’un vignoble en coteaux dominant la Garonne et avec un « magnifique terroir composé de quatre sols, graves, argilo-graveleux, argilo-calcaires et argiles pures ». Ils l’acquièrent en 2014, et rebaptisent ce domaine « château Haut-Peyrat ». L’aventure vigneronne est lancée.
« La propriété était dans son jus, il y avait tout à reprendre » se remémore Didier Gil. Patiemment, ils entament une refonte de fond. Le vignoble de 20 ha (merlot, cabernets franc et sauvignon) est restructuré, et aujourd’hui exploité en culture raisonnée. Un cuvier et un chai sont créés pour vinifier la vendange, jusque là portée en coopérative, et une équipe recrutée, emmenée par Lucas Froment, directeur technique (et ancien du château Haut-Bailly). Pas d’oenologue-consultant pour créer les vins, « afin de garder notre identité et notre spontanéité » précise Didier Gil, mais les précieux conseils de leur ami Jean-Luc Zuger (et à la tête du château Malescot Saint-Exupéry, à Margaux).
2015, premier millésime embouteillé de la propriété était décliné hier sous la bulle en deux cuvées, à 70% merlot, 15% cabernet sauvignon et 15 % cabernet franc. Deux styles bien distincts, la cuvée « Prélude », assemblage de vignes de 25 ans passé 6 mois de barriques (9,50€), fruitée et aisément accessible, et le grand vin « Haut-Peyrat », assemblage de vieilles vignes, avec un an de barriques (13,90€) à la belle complexité, gourmand et frais à la fois, avec une belle longueur en bouche. Avec ses vins, Didier Gil entend bien « faire comprendre que dans cette appellation de bordeaux supérieur, on peut aussi faire de grands vins ». Et il se donne les moyens de faire passer le message. « Je veux faire vivre la marque en accentuant les efforts en terme de communication enclenchés depuis mai dernier, grâce notamment à la participation à de nombreux salons et dégustations. » Et ses efforts paient : « j’ai de bons retours sur les salons, les gens trouvent nos vins très bons et pas chers ! » constate-t-il. Prochaines étapes, la création d’une cuvée rosée et d’une cuvée blanche à partir du millésime 2017. Et l’ouverture croissante à l’œnotourisme. Aujourd’hui, le nouveau vigneron « s’éclate et n’a « aucun regret », tout en concédant en riant « en baver encore parfois. » Mais tempère immédiatement en précisant : « c’est parce qu’on a des ambitions importantes. Si on se contentait d’ambitions plus moyennes, ce serait plus simple! »
Domaine de Valmengaux
« J’aime le vin à la base. A la moitié de ma vie professionnelle , j’ai voulu creuser cette piste. C’était le moment ou jamais de me mettre en danger » raconte David Vallet, ex-contrôleur de gestion en région parisienne, débarqué depuis à peine un an à Bordeaux avec son épouse pour reprendre le domaine de Valmengaux, à Vérac, près de Fronsac. Tenté par l’aventure vigneronne, mais pas pour autant inconscient, David Vallet a d’abord expérimenté le terrain avant de se lancer dans le monde viticole. Il fait ses armes en Anjou puis dans le Saumurois pour appréhender toutes les facettes de l’activité, culture, chai, aspects économiques… et conforter son choix. Convaincu par l’Anjou, et désireux d’exploiter en agriculture biologique, il cherche un domaine à acquérir dans cette région, « où le réseau bio est déjà très développé. » Ne trouvant pas son bonheur, c’est finalement à Bordeaux qu’il pose ses valises. « C’est un gros changement de vie. On y est allé sans sécurité arrière. On a signé la promesse de vente du domaine, on n’avait même pas vendu notre maison en région parisienne, se souvient David Vallet. On croise les doigts pour que ça marche ! » La propriété compte actuellement 2,4 ha en exploitation. Les vignes de 30 à 60 ans, 90% de merlot et 10 % cabernets sauvignon et franc sont plantées en coteaux orientés nord-est, orientation « garantissant acidité et belle fraîcheur » aux vins. A la vigne, le propriétaire pratique l’agriculture biologique, et « essaie d’être le moins interventionniste possible au chai. » En dégustation ce dimanche à « Bordeaux Tasting », les deux cuvées rouges 2015 du domaine, assemblages dominé par le merlot, et avec un élevage de 18 mois en barriques pour la cuvée Valmengaux (18€) et en jarre en terre cuite d’Italie pour la cuvée « Valmengaux en jarre » (20€).
Parmi les priorités du nouveau propriétaire, celle de travailler à une diversification de la gamme. En plus des 2,4ha en exploitation, il s’apprête à replanter d’ici un an 1,6 ha, dont 0,4 ha de chenin et 0,6 de malbec (et le reste en merlot). Il ambitionne de créer une troisième cuvée rouge, à base de malbec, seul ou en assemblage, ainsi qu’une cuvée blanche à base de chenin, réminiscence de ses premiers pas dans le vignoble de Loire. Il compte également « réaménager d’ici un an une partie du chai, notamment pour accueillir les visiteurs à la propriété. » Une démarche indispensable, aux côtés des salons et dégustations telles que « Bordeaux Tasting » pour « faire connaître le vin, vendu du temps des anciens propriétaires seulement chez des grossistes et à l’export. Je veux diversifier la distribution à l’export sur de nouveaux pays, et venir au contact des amateurs pour développer la vente aux particuliers » précise David Vallet. Nul doute, pour venir rencontrer les amateurs, David Vallet était au bon endroit ce week-end à « Bordeaux Tasting » !
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