Dimanche 17 Novembre 2024
(Photo JC Gutner)
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16.02.2019
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Les acheteurs et dégustateurs britanniques sont là, mais ils ne parlent pas. Dans les allées du salon Wine Paris, qui s’est tenu cette semaine pour soutenir l’exportation viticole, un mot commence à faire trembler les vignerons : Brexit.
Deuxième client des alcools français derrière les Etats-Unis, la Grande-Bretagne a importé pour 1,3 milliard d’euros de vins et spiritueux de France en 2018, selon les chiffres de la Fédération des exportateurs français dévoilés mercredi. Soit un tout petit recul de 0,6% en valeur malgré les fluctuations de la livre sterling, illustrant le goût des Britanniques pour les crus français les plus fins et les plus chers.
Mais les volumes, eux, ont déjà chuté l’an passé : -7,2% pour les vins et -23,7% pour les ventes de cognac et autres alcools fins outre-Manche. « Nous sommes à 43 jours de la date fatidique, et nous ne savons toujours pas ce qui va se passer » s’inquiète Philippe Casteja, PDG du groupe Borie Manoux, qui possède plus de dix châteaux dans le Bordelais, de Saint-Emilion à Pomerol en passant par Saint-Estèphe.
Censé quitter l’Union européenne le 29 mars, le Royaume-Uni est en plein flou quant à la forme que prendra ce divorce historique, les députés britanniques ayant massivement rejeté le 15 janvier l’accord négocié pendant de longs mois avec Bruxelles par Theresa May.
Au salon Wine Paris, l’inquiétude touchait les autres vignerons européens, l’Italie et l’Espagne étant avec la France les trois principaux producteurs mondiaux de vins et alcools.
Risques de substitution d’origine
« Avec 27% de nos ventes en Grande-Bretagne, il est très important pour nous de continuer à travailler avec ce pays » explique à l’AFP Nazareno Vicenzi, responsable du consortium « delle Venezie » qui réunit les vins de Vénétie, du Frioul et du Trentin, notamment le célèbre pinot grigio.
Les craintes portent sur les risques de blocage des camions aux frontières, qui ralentiraient les flux, mais aussi sur l’instauration de nouvelles taxes, ou sur un ralentissement de l’économie britannique et une fluctuation de la livre sterling qui freineraient la consommation.
Pour les risques immédiats d’embolie du trafic routier, « heureusement le gouvernement britannique a annoncé que des entreprises pourraient faire du dédouanement à l’arrivée, avec seulement une démarche d’identification en douane », se rassure Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportateurs français : « Cela permettra de fluidifier le trafic ».
Une autre inquiétude, plus sourde, se fait jour. Et si les Britanniques profitaient du Brexit pour passer des accords commerciaux avec d’autres pays producteurs de vins, notamment ceux issus du Commonwealth, comme l’Australie ? « Les Britanniques aiment le vin et ils ne vont pas arrêter du jour au lendemain d’en boire, mais à l’occasion du Brexit, ils vont peut-être faire des substitutions d’origine » suggère à l’AFP le nouveau directeur-général de l’Organisation internationale des vins (OIV), l’Espagnol Pau Roca.
« L’Australie a déjà exporté plus qu’elle n’avait à disposition l’an dernier ; elle ne peut pas à l’infini abreuver les marchés, car sa production est limitée », tempère M. Ozanam.
« Le préféré de Churchill »
Du côté de Bordeaux, on se rassure comme on peut en misant sur les « centaines d’années » de relations entre le Bordelais et les importateurs britanniques. M. Casteja prédit que « nous devrions pouvoir continuer à exporter, d’autant que la cuvée 2018 s’annonce exceptionnelle ».
Certains importateurs britanniques ont anticipé en faisant venir plus de vin que d’habitude début 2019 pour couvrir leurs besoins pendant la période critique du printemps. « On a vendu comme des fous en Grande-Bretagne fin 2018 et début 2019 » confirme Franco Cristoforietti, président du Consortium des vins de la région de Vérone, en Italie.
Les exportations en Grande-Bretagne du vin pétillant prosecco, produit en Vénétie, ont ainsi passé pour la première fois la barre des 100 millions de bouteilles en 2018 (109 millions), selon le consortium Prosecco. Apparemment, « ils ont de quoi alimenter les restaurants londoniens jusqu’en septembre, mais cela ne va pas beaucoup plus loin », observe un producteur français.
Comme pour conjurer le sort face aux risques potentiels d’un Brexit dur pour la filière viticole européenne, la FEVS a servi un champagne Pol Roger mercredi à l’issue de sa conférence de presse annuelle à Paris : « le préféré de Churchill », souffle M. Ozanam.
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