Lundi 23 Décembre 2024
Jean Béraud. Diner aux Ambassadeurs, 1880. Huile sur bois, 37,5 x 45 cm. Musée Carnavalet, Histoire de Paris. © Musée Carnavalet / Roger Viollet
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22.03.2017
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« Balzac a dit : le comptoir d’un café est le parlement du peuple. Par les temps qui courent, vive le café ! », par ces mots non dénués d’ironie dans notre actualité politique, Alain Juppé, maire de Bordeaux, a inauguré la première exposition temporaire de la Cité du Vin ouverte au public depuis le 17 mars, et ce jusqu’au 21 juin.
« Bistrot ! De Baudelaire à Picasso », avec le tableau de « La Petite Lina » par Charles Camoin en tête d’affiche, est une réunion de 100 œuvres de grande renommée mêlant peinture, photographies, cinéma et littérature… Une façon d’aborder ces cafés et bistrots comme lieux de convivialité, mais surtout comme symboles constitutifs de notre société.
Ci-dessous = Charles Camoin La petite Lina (Marseille, Musée Cantini)
Bistrots et cafés, symboles d’une époque moderne
Un parti-pris artistique et sociétal que Stéphane Guégan, historien de l’art, conservateur au Musée d’Orsay, et commissaire de cette exposition temporaire, explique à l’occasion du vernissage de l’exposition en s’adressant à Laurence Chesneau-Dupin, directrice de la culture de la Fondation pour la culture et les civilisations du vin : « Quand vous êtes venue me voir, il y a deux ans, à Paris, vous m’avez parlé de la vie de café, en pensant que c’était un sujet propice à rapprocher la vie moderne de l’art moderne. Je me bat pour une vision élargie de l’art moderne, qui brasse toute la culture du XXème siècle. Et dans cette culture moderne, le café a une place centrale. Cette exposition montre que les artistes se sont tout de suite intéressés à l’invention et à la multiplication des cafés. Baudelaire, en 1848, chante non seulement le café mais le vin : le vin démocratique, le vin qui rapproche les classes, le vin qui donne l’ivresse, le vin qui décuple nos capacités créatrices. En ces temps où on cherche à se redéfinir ou plutôt à se reconsolider notre républicanisme, il m’a semblé que Baudelaire avait toute sa place à Bordeaux, et dans cette exposition. »
Un sujet social qu’Alain Juppé remet au goût du jour : « Dès qu’on me présente un nouveau quartier, je leur dit toujours : où est la place du quartier, où est la place du village ?Ou sera le bistrot, où sera le café ? Parce que la mixité, elle se fait là. Le café c’est le lieu des intellectuels, des artistes, mais c’est aussi le café des ouvriers, le café des joueurs, à Paris ou à Bordeaux, et j’espère que cette tradition se maintiendra. ».
Ci-dessous : « Le Vin », Léon Lhermitte (Reims, Musée des Beaux-Arts)
Baudelaire, Rothko, Dix, Aragon, Picasso…
Dans cette grande salle de 700m², le visiteur traverse les œuvres et les époques. « Atmosphère, atmosphère », ces mots que Marcel Carné a rendu célèbre par la bouche d’Arletty, inaugurent le voyage…De textes du 18ème, à la peinture du « Café au Bois de Boulogne » d’Edouard Vuillet, la première partie de l’exposition introduit l’espace et le climat des cafés. Ou comment ces lieux ont-ils pu impacter les rencontres entre artistes, les scènes de vie quotidiennes, ou encore les moments sociétaux fondamentaux à la constitution de notre espace public actuel.
La création artistique de la fin du 19ème siècle constitue le cœur de l’exposition : caricatures de Daumier, crayonnés de Caumont, plusieurs dessins de Picasso, coups de pinceaux d’Edouard Manet, de Toulouse-Lautrec, extraits de Zola, cinéma de Claude Autant-Lara, etc. Le niveau artistique est haut, très haut et le message limpide : le café, en tant qu’institution et lieu de rassemblement public, est avant tout un objet 100 % politique. « Peint par Edouard Manet, dessiné par Ronald Searle, raconté par Francis Carco, chanté par Jean Ferrat, filmé par Jean Eustache, le café nous dit en effet beaucoup de ce qui meut une société », explique Pascal Ory, membre du comité scientifique de l’exposition « Bistrots » et professeur d’histoire à la Sorbonne.
Ci-dessous : Mark Rothko, Composition (Collections of Kate Rothko Prizel and Christopher Rothko)
Entre « L’Ivresse à deux sous », « Magnétismes » et « Une bohème de rêve », les trois espaces suivants de l’exposition abordent autant de thèmes que l’humanité est capable d’en générer : séduction, féminisme et féminité, ivresse, dépendances, marginalité, rassemblement politique, conversations animées, rencontres et luttes de classes, pamphlets, publicités et affiches d’idéologies, danse, écriture ou création artistique…. Véritable bijou de l’exposition, « le portrait de la journaliste Sylvia Von Harden », du peintre expressionniste allemand Otto Dix, en est une parfaite synthèse.
Quant à Picasso, incontestable symbole de l’art moderne européen, il se découvre au fil de l’exposition sous un nouvel angle : «C’est un autre Picasso que nous avons choisi, attaché au réel et non pas au concept, qui cherche dans les années 1840 à retrouver cette culture du vin populaire, au temps où il cheminait avec le parti communiste », livre le commissaire Stéphane Guégan.
Une exposition temporaire appréciée du gouvernement
Une exposition « très réussie », que Matthias Fekl, secrétaire d’état et représentant du gouvernement, a souhaité commenter lors de sa venue à Bordeaux pour le vernissage : « Vous avez rassemblé des œuvres majeures : régionales, nationales, européennes, internationales. Dans les différents domaines d’expression artistiques : la caricature, les affiches, les tableaux, avec des chefs-d’œuvre ». Rappelant que « le vin est un produit de civilisation, en lui-même, mais aussi par la richesse des œuvres de l’esprit qu’il a inspiré », le représentant du gouvernement s’est satisfait de constater que « la Cité du Vin remplit pleinement le rôle que ses concepteurs avaient imaginé, c’est à dire, faire connaître le vin, faire aimer le vin ». Avant de conclure, « Venez boire cette exposition, venez boire cette magnifique Cité du Vin et revenez-y souvent », clin d’œil à l’épitaphe qu’Antoine Blondin s’était choisi : « Allez boire ailleurs si j’y suis ».
Autour de l’exposition temporaire « Bistrot ! De Baudelaire à Picasso » qui se tient jusqu’au 21 juin, toute une programmation culturelle a été pensée pour les visiteurs de la Cité du Vin : lectures, art vivant, conférences, projections cinématographiques…. De nombreux rendez-vous, dans l’auditorium Thomas Jefferson ont été imaginés pour prolonger le thème, toute la programmation culturelle sur www.laciteduvin.com
Ci-dessous : Otto Dix, « Portrait de la journaliste Sylvia von Harden » (Centre Pompidou, Paris)
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