Vendredi 27 Décembre 2024
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22.02.2018
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A un peu plus d’un mois de la semaine des Primeurs, durant laquelle une bonne partie du monde du vin viendra découvrir le premier aperçu du millésime 2017 à Bordeaux, revenons sur l’impact qu’a eu l’épisode de gel du printemps dernier.
A l’heure où beaucoup dormaient d’un sommeil profond, les vignerons de France et d’Europe, scrutaient le ciel et s’obligeaient à croire que la gelée n’allait pas s’abattre sur les vignes. Malheureusement, nous connaissons la suite de ces sombres heures de la fin avril 2017.
Les articles qui ont suivi n’ont eu de cesse de relater une situation catastrophique. En France, près de 14% de baisse de production en moyenne et 40% à Bordeaux, si l’on compare avec le généreux millésime 2016.
Mais baisse de rendements signifie t-elle automatiquement une baisse de qualité ? Une question « stratégique » à l’heure où les invitations des dégustations primeurs commencent à arriver chez les professionnels.
Commençons par les secteurs qui n’ont pas gelé. Avec un cycle végétatif normal, des pluies au bon moment et une chaleur estivale qui a vu un manque d’eau sans engendrer de stress hydrique, tout est réuni pour réaliser un grand millésime voire un très grand millésime. « Tous les voyants sont au vert » confirme Thomas Duclos, œnologue libournais et membre de l’équipe Oenoteam.
Le discours est plus nuancé sur les terroirs qui ont souffert du gel. Que le gel soit complet ou partiel, l’intérêt du vigneron devait se porter sur les grappes de deuxième génération. Après éradication des premiers bourgeons, la vigne a produit de nouvelles pousses, donnant des grappes que l’on appelle de deuxième génération. Moins qualitatives que celles de première génération, elles ont surtout l’inconvénient d’arriver à maturité avec un décalage. Pour ceux qui ont eu le malheur de connaitre un gel complet, « le manque de maturité et les stades phénoliques très tardifs ont affiné les pellicules et rendu l’ensemble très fragile », constate Thomas Duclos, rendant les peaux peu résistante à la pourriture grise, notamment après les pluies qui se sont abattues sur le bordelais en deuxième partie de vendanges.
Concernant le gel partiel, un travail de fond très couteux en temps et en main d’œuvre était possible. Travail que tous les domaines ne peuvent, malheureusement, effectuer. Marquage des pieds, voire des grappes touchées, ramassage à la main en évitant les grappes de deuxième génération font partie des travaux permettant de limiter l’impact qualitatif, mais ayant un forte incidence sur le coût de revient futur. Une stratégie que seuls certains domaines peuvent se permettre.
Un autre outil est venu au secours des vignerons : le bain densimétrique. Le but est de plonger les raisins dans un bain chargé en sucre et d’encuver les baies atteignant un certain degré de maturité. Une technique qui présente quelques « bons résultats » selon notre œnologue mais qui n’est pas à la portée de toutes les bourses. « Il convenait de réaliser des choix techniques pour ce millésime, même si je comprends parfaitement ceux qui ne pouvaient pas ».
Des choix délicats donc, souvent couteux, d’autant que le gel, s’il peut affecter la qualité, engendre surtout une baisse de rendements et fragilise les équilibres économiques des propriétés.
En conclusion, les terroirs qui n’ont pas souffert du gel pourraient s’en sortir par le haut, c’est indéniable. Pour les autres, l’impact des choix techniques et des moyens mis en œuvre sera, sans aucun doute, un élément de différenciation. Une situation au cas par cas, dans laquelle les dégustations primeurs seront, plus que jamais, un élément de concorde ou de discorde.
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