Mardi 5 Novembre 2024
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26.03.2013
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Face à la contrefaçon en Chine, la lutte des Bordelais s’intensifie : sur ce marché clé, il s’agit de préserver l’image et les intérêts des exportateurs. La crainte de scandales alimentaires fait aussi évoluer les autorités locales.
Qui aurait dit, il y a quelques années, qu’une assemblée générale des négociants girondins porterait sur la lutte contre la contrefaçon, en particulier en Chine ? C’est pourtant ce thème pointu – mais ô combien capital – qui vient d’occuper l’essentiel des débats à l’Union des maisons de Bordeaux, structure rassemblant 91 négociants présidée par Allan Sichel. Rappelons que si les vignerons produisent le vin, l’essentiel de sa commercialisation est effectuée via ces structures spécialisées.
« Plus d’une bouteille sur dix produite en Gironde est expédiée en Chine, désormais notre principal marché d’exportation. Il s’agit d’y défendre notre capital le plus précieux : la marque Bordeaux », explique Christophe Chateau, en charge du dossier à l’interprofession (CIVB). « Les autorités chinoises évoluent : être copié était peu condamnable autrefois, désormais, avec les nombreux scandales alimentaires défrayant la chronique (lait frelaté…), notre combat reçoit un meilleur écho. »
Il faut dire que, à côté des vraies bouteilles, on trouve de tout sur les linéaires de Pékin, dans les restaurants de Shanghai ou chez les cavistes de Canton. Étiquettes fausses, flacons farfelus, supposé vin sans une goutte de jus de raisin, plaquettes commerciales bidonnées… Des bricoleurs locaux aux mafias organisées, copier un produit est toujours un business potentiellement juteux, et le vin n’échappe pas au phénomène.
Bernard Médina voit régulièrement arriver sur son bureau, pour examen, des bouteilles prélevées sur des lieux de vente du vaste Empire du Milieu. Cet expert reconnu dirige à Pessac (33) le Service commun des laboratoires (SCL), émanation des administrations des fraudes et des douanes. Une cinquantaine de techniciens y traquent les dérives en tout genre, essentiellement au sujet du vin.
Du vin sans raisin…
« Nous avons par exemple reçu un « Bordeaux 2005, AOC Minervois, cépage pinot noir ». Un cas facile à régler », s’amuse-t-il. Le Minervois étant dans le Languedoc, et le pinot noir un cépage essentiellement bourguignon, le contenu ne peut être que douteux, et la contrefaçon manifeste. Autre cas, un « Saint-Émilion Castor » qui, à l’analyse, contenait des taux d’acidité incompatibles avec les normes en vigueur.
Mais le fraudeur chinois peut aller plus loin. Comme ce « Merlot AOC » en même temps produit à Saint-Émilion, Pauillac et dans le Médoc ! Ou cet autre liquide indéfini composé d’alcool de sorgho et d’extraits d’orange, bien loin d’un vin girondin – l’essentiel de la fraude porte sur les bordeaux, la référence -, mais pouvant être vendu comme tel auprès d’une clientèle peu au fait des subtilités viticoles.
Face à ce fléau, la société Castel a pris le taureau par les cornes. « Dans notre bureau en Chine, trois personnes travaillent à plein-temps pour traquer les fraudeurs et pour préserver nos intérêts. En 2011, nous avons intenté 188 actions en justice, qui ont conduit, à ce jour, à six condamnations », détaille Corinne Oury, en charge de ces questions chez le numéro un du vin en France, dont le siège est à Blanquefort, aux portes de Bordeaux.
« Petit Castel », « Casite », « Castel Ceo »… les équipes de ce négociant ont glané de multiples imitations de leurs bouteilles dans les provinces chinoises ; y compris de la fausse documentation commerciale (illustrée par de vraies photos capturées sur le Web) et même des sites Internet plagiés.
« Depuis juin dernier, toutes nos bouteilles expédiées en Chine portent des scellés. D’abord, ils peuvent dissuader les fraudeurs ; ensuite, saisi par un doute, un client peut les flasher, se connecter à notre site et authentifier le numéro affiché sur ces scellés », explique la technicienne.
L’idée qu’un jour toutes les bouteilles bordelaises partant pour la Chine portent de tels scellés est même en réflexion. C’est toute une culture de la sécurité qui se développe dans le monde viticole. « Je conseille aussi à tous les professionnels de déposer leur marque auprès des autorités chinoises avant d’y mener des affaires », complète Christophe Chateau. Car un fraudeur peut déposer légalement même un nom de château qui ne lui appartient pas.
César Compadre
Photo © Vinexpo
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