Lundi 23 Décembre 2024
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10.04.2019
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« Nous restons Britanniques, donc nous n’allons pas arrêter de boire! », s’exclame en riant Tom Young devant un magasin d’alcool près de Calais. Comme lui, de nombreux Anglais amateurs de vin font des provisions outre-Manche avant un possible « Brexit dur » qui les laisse dans l’incertitude.
Sous une pluie fine, ce sexagénaire charge 300 bouteilles de vin dans le coffre de sa voiture avant de rentrer dans l’Essex, au nord-est de Londres. « C’est pour un mariage », s’empresse-t-il de préciser alors que son épouse ramène de nouveaux cartons sur un chariot. Le couple profite de ses voyages réguliers en France pour y acheter du vin, « de bonne qualité et meilleur marché en raison des très fortes taxes au Royaume-Uni ». Mais cette fois, le contexte diplomatique a accéléré leur emploi du temps.
« Le Brexit n’a pas influencé notre achat, mais il a eu un impact sur son timing : nous voulions être sûrs d’avoir le vin avant vendredi où il y a une possibilité de sortie sans accord », explique Tom. « Après, qui sait ce qui peut se passer… On ne pourra peut-être plus faire ça. »
Initialement prévu le 29 mars, le Brexit, voté par référendum par les Britanniques en juin 2016, a déjà été repoussé au 12 avril. Mais le flou persiste sur le calendrier et la forme que prendra ce divorce historique.
A l’entrée de ce magasin d’alcool de Coquelles, près de Calais, des chariots alignés et remplis de bouteilles attendent leurs futurs propriétaires. Sur les murs et les rayons, de grandes affiches vantent les promotions… en anglais et en livres Sterling : ici, 99% de la clientèle est britannique. « Il y a davantage de choix et les prix sont plus intéressants » en France, justifie Rory Hope, 53 ans. Pour l’heure, il ne se soucie pas de possibles taxes ou de voir le Royaume-Uni se tourner vers d’autres marchés. « C’est tellement confus qu’on ne peut rien prévoir », résume-t-il.
« Rebond » des achats
Deuxième client des alcools français derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni a importé pour 1,3 milliard d’euros de vins et spiritueux de France en 2018, selon la Fédération des exportateurs français. Chez les commerçants, la possibilité d’un « Brexit dur » n’inquiète pas outre mesure, même si beaucoup ont récemment constaté une recrudescence des achats.
« Lorsque le report a été annoncé, on a tous senti un rebond », rapporte Guillaume Pigniez, directeur du magasin « Terre de boissons » au centre commercial Cité Europe de Calais, dernière étape pour les touristes britanniques avant de reprendre le ferry ou le tunnel sous la Manche.
Ces derniers s’inquiètent « de savoir s’ils vont toujours pouvoir en acheter autant sans devoir payer plus de taxes », en cas de « No Deal ». « Du coup, beaucoup ont pris les devants et sont venus acheter rapidement pour leurs besoins de l’année », note-t-il. Mais pour lui, le Brexit – avec ou sans accord – ne changera pas la donne. « Même si les volumes baissent, ils continueront d’acheter car, quoi qu’il arrive, ils ne produisent pas de vin et seront toujours obligés d’importer ».
« Je ne crois pas que le Brexit changera quoi que ce soit », renchérit Marcello Vargiu. « C’est dans l’intérêt des deux pays de limiter au maximum les taxes. Les Français ont besoin de vendre, les Britanniques d’acheter », ajoute cet Italien habitant à Londres, qui vient tous les trois mois s’approvisionner en champagne et en vin.
Originaire du Kent, Sue Elworthy se dit elle « inquiète d’une possible hausse des taxes » ou d’une limitation de la quantité de marchandises autorisées à l’achat. « Au-delà de l’alcool, je crains aussi de voir mon secteur, l’agriculture, affecté. En tant que productrice de pommes, cette incertitude est difficile à vivre », lâche-t-elle, désabusée. Avant d’ajouter : « J’avais voté pour rester dans l’Union… »
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