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Chiroulet : bousculer l’héritage

Auteur

La
rédaction

Date

05.08.2013

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Philippe Fezas, passionné par les secrets de l’alchimie entre le bois et le vin, est l’un des pionniers gersois du vin rouge. Sa première cuvée fut celle de son mariage.

Si le domaine Chiroulet a remporté huit médailles en 2013, c’est parce qu’un jour, au début des années 90, Philippe Fezas s’est couché devant le camion qui s’apprêtait à emmener le vin de son père dans le bordelais. Les négociants girondins achetaient alors du vin rouge gersois pour « améliorer » certains bordeaux.« S’ils servaient à améliorer, c’est donc que nos vins étaient bons » avait déduit Philippe Fezas, l’un des pionniers des côtes de Gascogne en rouge. C’est donc pour empêcher son père de vendre le vin rouge dans lequel il sentait un fort potentiel que le jeune vigneron s’est couché devant les roues de la citerne.

Conflit de générations

Comme sur de nombreuses autres exploitations viticoles gersoises, et pour les mêmes raisons, le domaine Chiroulet connaissait là ses premiers conflits de générations.

« Ma jeunesse a été marquée par l’image que les vins rouges ne se vendaient pas, qu’ils n’étaient pas reconnus » narre le consultant pour la tonnellerie Seguin-Moreau. Dans les années70, le Gers accentue sa spécialisation dans le vin blanc.Les viticulteurs cheminent vers davantage de qualité. Le rouge a quasiment disparu deu Gers à cette époque.

Le domaine Chiroulet, en 1977, avec Michel à sa tête - le père de Philippe, que l’on croise si l’on se rend au domaine, jamais inactif - fait du floc rosé sa spécialité. Or, pour le floc, on pratique une saignée. Quelques heures après que le raisin a été foulé, on tire un peu de jus de la cuve (le moult) que l’on assemble avec de la blanche d’armagnac de l’année précédente. Il reste donc dans la cuve un jus de raisin très concentré en arômes et en tanins. « C’est en goûtant ce jus très fruité que j’ai compris que notre avenir résidait dans le vin rouge » avoue Philippe Fezas. De plus, les sols du domaine se situent sur les coteaux argilo-calcaires (les peyrusquets), « beaucoup de parcelles biscornues, en pente et caillouteuses », inhospitalières pour les vins blancs. Une fois le père acquis à sa cause, Philippe Fezas travaille le vignoble pour le rendre moins productif, enherbe « pour aérer le sol ». « C’était parfois même tellement enherbé que j’ai failli faire crever des vignes et mon père s’arrachait les cheveux, me disant « je te l’avais bien dit » ! Il est vrai que je me suis fait peur. Chez nous, le rouge a été au cœur du conflit de génération. Pour mon père, mettre le vin en barrique pour le garder alors qu’il était vendu en vrac, représentait un risque. De nos colères sont nées de jolies choses. »

En 1995, Philippe se marie et ne conçoit pas qu’il n’y ait pas de bouteille Chiroulet sur la table des noces. La cuvée « Coup de cœur » est mise en bouteille. En 1996, naît « Grande réserve », dès la première année noté par Robert Parker -«Une grande révélation»- puis « Terra Nostra » et « Terroir Gascon ».

Aujourd’hui, Chiroulet impose son style marqué par l’onctuosité sur l’attaque, le caractère et la fraîcheur. Pour ce faire, il aura fallu que Philippe Fezas sache, parfois, s’opposer à son père pour bousculer l’héritage acquis à force de labeur.

Gaëlle Richard