Lundi 23 Décembre 2024
(Photo BNIC / Fabrice Schäck)
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Date
09.11.2018
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Non, la filière du cognac ne sortira pas de l’agrochimie dès demain, comme ça, d’un coup de baguette magique. Mais elle s’emploie à réduire les intrants, en diminuant notamment le recours drastique aux herbicides et aux fongicides. On l’a vérifié, ce jeudi 8 novembre, lors de l’habituelle « Journée technique » de la Station viticole, le département scientifique du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC). La formule de l’événement a d’ailleurs changé. Il faut désormais l’appeler « Cognac 2025, innovons ensemble ».
La série de causeries avec d’éminents agronomes se déroulait au Castel, à Châteaubernard près de Cognac (Charente). Le fil rouge : une production viticole durable. En préambule, un chiffre : à ce jour, 1 600 des 4 500 viticulteurs du bassin Charentes-Cognac participent à un « référentiel de certification environnementale », dont certains objectifs sont plus ambitieux que ceux du plan national Ecophyto 2. Ces exploitants se sont engagés à des pratiques culturales plus respectueuses de la nature.
Ci-dessus : Les premiers débats « Cognac 2025, innovons ensemble » ont réuni 300 professionnels le jeudi 8 novembre 2018 à Châteaubernard, près de Cognac.
Crédit : BNIC / Stéphane Charbeau
Le retrait programmé du glyphosate
Parmi les thèmes abordés jeudi, il fut d’abord question du retrait programmé du glyphosate et des alternatives à l’entretien des sols. Comment désherber entre les rangs et sous le rang ? Avec quels outils ? Des disques ou des bineuses ? Des désherbeurs thermiques à flamme nue ou à vapeur ? Faut-il d’ailleurs désherber ? Privilégier une couverture végétale hivernale ou permanente ?
Une certitude : le travail mécanique est long et coûteux. « Là où deux ou trois pulvérisations dans l’année suffisaient, comptez désormais douze à quatorze passages », a témoigné Julien Georget, le responsable des vignobles Rémy Martin.
« Il n’existe pas de stratégie d’entretien ‘standard’. Les choix sont spécifiques à chaque exploitation et doivent rester évolutifs, en fonction des terroirs et des saisons », a ajouté Loïc Pasdois, ingénieur à la Chambre d’agriculture de Gironde. Ce dernier a ajouté : « Chez nous, nous sommes confrontés à une pénurie de main d’œuvre. Il est difficile de trouver des conducteurs de tracteur ! »
Un casse-tête : désherber sous le rang
Un constat : le plus difficile demeure le désherbage mécanique sous le rang, ce cavaillon à l’accès compliqué par la présence des piquets et des ceps. D’aucuns préconisent un enherbement limité, avec des tontes fréquentes ou du paillage, mais le phénomène de concurrence (1) semble trop importants. D’autres recommandent l’utilisation de nouveaux produits au meilleur profil écotoxique, comme l’acide pélargonique. « Notre réseau de coopératives a testé une substance de bio-contrôle à base d’acide nonaoïque, qui agit par simple contact. Les résultats n’ont pas été probants », a dit Léa Duffau, consultante chez Agrosolutions.
Quels que soient les choix retenus, il convient d’agir. « Dès 2020, notre cahier des charges interdira le désherbage ‘en plein’ et celui des tournières (2) », a précisé Laëtitia Four, responsable du pôle développement durable du BNIC.
Ci-dessus : Laëtitia Four, responsable du pôle développement durable du BNIC.
Crédit photo : BNIC / Stéphane Charbeau
Des cépages aux noms d’espions
Enfin, on a beaucoup parlé jeudi de nouveaux cépages appelés 1D10, 3G3, 3B12 et 2E5, aujourd’hui expérimentés par la filière cognac, avec le soutien de l’Institut national de la recherche agronomique de Montpellier (Inra) et l’Institut français de la vigne et du vin (IFV).
Ces cépages aux noms d’espions sauveront peut-être un jour le vignoble du cognac des assauts de l’oïdium et du mildiou. Ils ont été été obtenus par pollinisation de l’ugni-blanc (le cépage emblématique du Cognaçais) avec le RV4 résistant du chercheur Alain Bouquet. Il ont été conçus pour résister à ces deux maladies cryptogamiques de la vigne, aujourd’hui soignées par pulvérisation de fongicides.
Ci-dessus : Cette vigne est « l’enfant » de l’ugni blanc et d’une obtention résistante conçue par l’Inra de Montpellier.
Crédit photo : BNIC / J. BRUNETEAU
A l’horizon 2030, lorsque ces nouveaux cépages seront cultivés à grande échelle, les traitements seront réduits de 90%.
Jacques Gautier, ingénieur à l’Institut national de l’origine et de qualité (INAO), a confirmé que les viticulteurs pourraient bientôt participer aux expérimentations, en introduisant lesdites variétés sur leur exploitation, à hauteur de 5 % de l’encépagement et de 10 % de l’assemblage final. Un préalable : que les nouveaux cépages soient agréés et inscrits sur les cahiers des charges des AOC candidates.
1) L’herbe absorbe l’eau et l’azote dont la vigne a besoin.
(2) La tournière est cet espace en bout de rang où le tracteur fait demi-tour.
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