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18.10.2018
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Il y a cinq ans, cinq étudiants du Pays basque espagnol se sont lancé le défi de révolutionner un secteur et ont choisi celui du vin, considéré comme parmi les plus conservateurs, en créant un vin… bleu.
La trouvaille d’Imanol, Iñigo, Gorka, Aritz et Taig, qui a nécessité deux ans de recherche et développement avec l’aide de chimistes, est l’une des nombreuses innovations qui fleurissent dans un monde du vin encore très traditionnel.
Leur entreprise Gik Live!, fondée en 2015 et qui compte désormais douze salariés, a vendu 30.000 bouteilles dès la première année et près de 500.000 en 2017. Elle compte aujourd’hui des clients dans 21 pays, son premier marché étant les États-Unis, et son deuxième… la France, haut-lieu du vin.
« Nous comprenons que pour beaucoup de gens, le vin, c’est quelque chose avec lequel on ne joue pas. Le vin, c’est sacré », raconte l’un des fondateurs de cette start-up, Taig Mac Carthy, mi-Irlandais, mi-Basque, au bar du siège de l’entreprise, à Portugalete, près de Bilbao.
« Mais nous, on aime changer les choses et on n’a pas peur d’essayer », dit-il, alors que dans la pièce d’à côté, où trônent une batterie et des guitares, des employés pianotent sur leur ordinateurs.
Pigments et édulcorants
Rien que la vue d’un verre de vin bleu pourrait suffire à faire hurler beaucoup de sommeliers. Il est pourtant fabriqué dans plusieurs propriétés espagnoles en suivant peu ou prou les mêmes étapes que le vin « classique ».
La recette ? Mélanger beaucoup de vin blanc avec un peu de vin rouge et du moût, cette mixture obtenue par pressage des raisins et pas encore fermentée. Puis, pour obtenir une coloration bleu électrique, ajouter des anthocyanes, des pigments bleus que l’on trouve dans la peau des raisins rouges, et du carmin d’indigo, un colorant bleu naturel extrait de l’indigotier.
L’entreprise n’en dit pas plus au nom du « secret industriel », précisant juste que la fabrication combine « nature et technologie ».
Elle utilisait auparavant des édulcorants mais les a remplacés par du vin liquoreux pour conserver le goût sucré du produit.
D’autres producteurs s’y sont mis en Espagne. Même du cava bleu, ce vin pétillant typiquement espagnol, est arrivé sur le marché. Quant aux jeunes entrepreneurs de Gik Live!, ils ont décidé d’innover encore, avec du vin au thé ou un vin rouge épicé baptisé « Bastarde ». Une bouteille coûte en général 11 à 13 euros en ligne, et la clientèle est surtout âgée de 25 à 45 ans.
Des jeunes à conquérir
Du côté des consommateurs, les réactions sont mitigées. Jean-Michel Deluc, ancien sommelier du Ritz à Paris, trouve le vin bleu « surprenant ». « C’est pas mon goût, je dois l’admettre, mais c’est pas mauvais quand même, c’est plutôt bien fait », dit-il dans une vidéo postée sur le blog Le Petit Ballon, consacré à l’actualité du vin.
Mais en août, le critique du journal britannique Daily Telegraph l’a qualifié de « gadget. (…) Très doux. Trop doux ». Pour Rafael del Rey, directeur général de l’Observatoire espagnol du marché du vin, ce vin bleu bouscule un secteur « conservateur, avec des consommateurs conservateurs et des producteurs conservateurs ».
Le vin en général séduit moins « les jeunes et les femmes » et moins les gens urbains, souligne-t-il. Ces derniers ont un « mode de vie différent en termes d’horaires, moins de temps pour les repas, ont besoin de produits plus légers, allant vers des saveurs un peu plus sucrées. (…) Beaucoup d’entre eux n’ont pas trouvé un vin qui les attire », poursuit-il. Ce qui a permis l’émergence de produits comme le vin bleu, ou, dans une autre veine, du vin peu alcoolisé.
En Europe, la société a dû étiqueter son Gik Blue comme « boisson alcoolisée » car les autorités ont exclu de le nommer « vin ». « Nous le considérons comme une nouvelle catégorie », explique Aritz Lopez, cofondateur de Gik Live!, au milieu des vignes de la propriété viticole qui fabrique ce vin bleu dans la province de Saragosse, au nord-est de Madrid.
Par peur des critiques, le vigneron, qui produit aussi du vin traditionnel, refuse que le nom de son domaine et celui de son village ne soient révélés. « Nous savions depuis le début que le Gik Blue serait un produit qui polariserait beaucoup les opinions », reconnaît Aritz Lopez.
Pour autant, l’entreprise s’attend à faire 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires cette année, un résultat très honorable pour une société lancée il y a trois ans à peine. La rançon du succès ? Taig Mac Carthy raconte avoir trouvé, dans une boutique espagnole, des contrefaçons du Gik Blue… fabriquées en Chine.
Par Marianne BARRIAUX pour AFP
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