Lundi 23 Décembre 2024
(Photo Archive Sud-Ouest)
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21.02.2018
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Sous pression de l’opinion, la filière viticole française tente de réduire son usage des pesticides, mais le défi est grand pour cette culture emblématique de la gastronomie française, l’une des plus grosses utilisatrices de produits phytosanitaires.
La vigne est l’une des activités agricoles utilisant le plus de produits phytosanitaires par rapport à la surface : 20% des fongicides utilisés dans l’Hexagone sont ainsi pulvérisés sur 4% de la surface cultivée.
L’une des mesures phares du plan de filière présenté par les viticulteurs à l’issue des États généraux de l’alimentation conclus en décembre est l’engagement de diminuer de 50% l’usage des produits phytosanitaires d’ici 2025, grâce à des produits alternatifs et au remplacement des deux tiers du parc des pulvérisateurs d’ici cinq ans par des pulvérisateurs confinés (avec panneaux récupérateurs).
S’ajoute la promesse de développer l’agriculture biologique et de certifier 50% des exploitations sous le label « Haute valeur environnementale » (HVE) d’ici 2025.
« Nous avons entendu les attentes par rapport à la santé », indique Jean-Marie Barillère, président du comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine (CNIV), mais « il n’y aura pas de transition écologique s’il n’y a pas de développement économique », prévient-il. Il faut qu’un « vigneron qui ne met pas en œuvre un plan de viticulture durable gagne moins que celui qui le fait, or ce n’est pas le cas aujourd’hui ».
Au-delà du besoin de valorisation de cette démarche auprès des consommateurs, commune à toute les filières agricoles, la viticulture française a la particularité d’être un monde « en silo » où l’on réfléchit par bassin de production.
« Nous sommes dans des productions régionales, il n’y a pas de viticulture nationale », rappelle M. Barrillère, aussi « le plan ne se développera que par région », et dépendra des efforts déjà réalisés par les différentes appellations.
Phénomène d’accélération
Les vignobles du Bordelais se sont par exemple engagés depuis deux ans dans un vaste plan de transition écologique. Si des initiatives existaient déjà, le président du Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), Allan Sichel, ne cache pas que la diffusion en février 2016 de l’émission Cash Investigation (France 2) sur les pesticides a « remué la filière » et provoqué un « phénomène d’accélération » des pratiques vertueuses.
Sept prestigieuses appellations (Saint-Emilion, Entre-deux-Mers, Graves, Côtes de Bordeaux, Union des côtes, Médoc et Bordeaux-Bordeaux supérieur) ont ainsi décidé de modifier leur cahier des charges, ou sont en passe de le faire, pour intégrer des mesures agro-environnementales, et donner la possibilité d’utiliser jusqu’à 5% de cépages oubliés ou résistants aux deux maladies les plus fréquentes des vignes, le mildiou et l’oïdium.
« Il y a quatre ou cinq ans, ce n’était pas un sujet », selon le vice-président du CIVB, Bernard Farges. « Quand on parlait des phytos, c’était comme une réunion des alcooliques anonymes, aujourd’hui l’état d’esprit est plutôt à la fierté de trouver des solutions », raconte-t-il.
Ces mesures doivent cependant encore passer l’étape de l’autorisation de l’Institut national des appellations d’origine (INAO), véritable gardien du temple de la spécificité française.
« Aujourd’hui on a trop tendance à figer les choses, sauf que le monde bouge. Il faut nous permettre d’innover, sinon on est mort », commente M. Barillère.
« Il est important de constituer des groupes de viticulteurs leaders qui vont entraîner les autres », assure Jérôme Despey, président du Conseil Spécialisé Vins de FranceAgriMer.
« Ce qu’on constate, c’est que le développement de la bio entraîne aussi le développement d’une agriculture conventionnelle qui va vers une réduction des phytos », souligne à l’AFP le directeur de l’Agence Bio, Florent Guhl. « Quand les agriculteurs conventionnels, par exemple les viticulteurs du Bordelais, auront opéré cette phase de réduction, ils seront de très bons candidats potentiels à une conversion vers l’agriculture biologique ».
Mais pour l’instant les vignobles qui ont sauté le pas du bio sont plutôt ceux du sud-est qui avaient besoin de se démarquer, selon M. Guhl alors que « quand vous êtes sur de grandes appellations AOC ou AOP, la question ne se pose pas de la même façon. Même si maintenant, ça commence à être aussi un besoin, notamment à l’export, (…) de montrer qu’on a du bio dans la gamme de produits qu’on commercialise ».
Par Emmanuelle TRECOLLE pour AFP
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