Vendredi 20 Décembre 2024
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09.05.2017
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Une blonde « puissante, longue en bouche » ou une brune aux « notes de pain d’épices, de chocolat, de pain grillé » : au cœur d’un vignoble bourguignon victime des intempéries, Ludovic Belin, viticulteur, s’est mis à brasser de la bière bio, une diversification encore rare en France.
Depuis 2013 « j’ai eu beaucoup de petites récoltes, dues à la grêle. J’ai eu des moins 40%, moins 50% », raconte-t-il. En avril 2016, c’est le gel qui a anéanti 80% de sa production.
Attiré depuis longtemps par l’idée de faire de la bière, le viticulteur de 43 ans se met alors à brasser dès l’été : il a fallu apprendre vite, mais « toutes les étapes de fermentation, le rôle des enzymes, tout ce qui était chimie, je connaissais par cœur ».
À quelques centaines de mètres de son domaine, il a converti une petite bâtisse en brasserie artisanale, perchée sur les hauteurs du village de Pernand-Vergelesses (Côte-d’Or). En face, le flanc de colline déroule les vignes du prestigieux Corton-Charlemagne, dont il possède quelques rangs. « Je voulais m’orienter vraiment sur du haut-de-gamme. À Pernand, on est sur des grands crus. Je n’allais pas m’orienter sur une bière qui ne me plaît pas », insiste M. Belin. « Une bière de vigneron, c’est toute l’expérience du viticulteur mise au profit du brasseur, au niveau de la fermentation, de la recherche d’arômes, de la profondeur en bouche. »
Un des pionniers
Avec précision, il prépare le malt de Belgique et le houblon de République tchèque qui entrent dans la recette de sa « pils de Bourgogne », l’une des six bières bio qu’il a conçues avec un maître brasseur belge. Ce jour-là, Elliott et Léo-Paul, ses deux fils de 6 et 10 ans, lui prêtent main forte, ainsi que Laetitia Bornier, sa compagne de 46 ans, petite-fille d’un vigneron du village voisin.
Henri Darnat, un autre viticulteur de 52 ans basé à Meursault, à une quinzaine de kilomètres de là, s’est lui aussi lancé sur ce créneau depuis deux ans, en faisant fabriquer une bière vieillie en fûts de chêne par une brasserie de Vézelay, dans l’Yonne.
« Je voulais une bière qui se boive comme du vin, avec une minéralité, une tension et quelque chose de très léger », décrit-il.
Si le vieillissement de la bière en barriques de vin ou de spiritueux (whisky, calvados, etc.) est déjà assez tendance, Ludovic Belin est le premier de la région à brasser lui-même, parallèlement à son métier de viticulteur, selon le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).
Les vignerons-brasseurs sont d’ailleurs rares en France. Un domaine viticole d’Amboise (Indre-et-Loire), La Closerie de Chanteloup, s’est lancé en 2015, tandis qu’un vigneron vient de s’y mettre à Villié-Morgon, dans le Beaujolais.
L’intérêt du Japon
À terme, la bière devrait représenter 15% de l’activité de Ludovic Belin, de quoi lui assurer une petite sécurité face aux aléas de la vigne. Son partenaire japonais, qui distribue d’habitude ses bouteilles de vin sur l’archipel nippon, a été son premier client.
« Ça l’a tout de suite intéressé : l’argument d’un viticulteur bourguignon qui fait de la bière, c’était un argument très fort, surtout pour le Japon », explique-t-il. Il lui a ainsi expédié sa première commande vers l’Asie en octobre, quelque 2.000 bouteilles de 33 centilitres.
Le vigneron mise aussi sur une distribution locale, notamment sur les bonnes tables de la région, pour écouler les plus de 14.000 bouteilles qui seront sorties de sa microbrasserie fin mai.
« Je vais commencer à commercialiser deux mois, deux mois et demi » après avoir commencé à brasser, précise-t-il. Un temps court qui fait figure de « miracle » pour le vigneron.
Car « pour faire du vin, entre le moment où on taille une vigne et la commercialisation de la bouteille, il se passe pratiquement deux ans et demi, dans le meilleur des cas. »
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