Dimanche 22 Décembre 2024
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24.06.2015
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C’est un géant de Bourgogne qui a l’allure d’une ballerine. Avec 200 hectares dans le Chablisien, dont le tiers certifié en bio, le vignoble Jean-Marc Brocard n’hésite pas à se remettre en question pour conquérir le monde. Dix compagnies aériennes, et non des moindres, ont déjà référencé ses vins.
Dans un vignoble bourguignon où les propriétés sont généralement de taille modeste, peu nombreux sont les opérateurs ayant un réel intérêt à s’offrir un stand sur un événement international comme Vinexpo. Jean-Marc Brocard fait partie de ces « happy few ». Avec 70% de son chiffre d’affaire réalisé à l’export (dans une cinquantaine de pays), le domaine est un incontestable poids lourd de la Bourgogne. Sa présence la semaine dernière à Vinexpo lui permettait de consolider ses relations avec les importateurs qui lui sont déjà fidèles, mais aussi d’explorer de nouveaux marchés : celui des compagnies aériennes semble particulièrement prometteur, et la maison Brocard collabore déjà avec dix d’entre elles (Fly Emirates, British Airways, Air France, Cathay Pacific, ou encore tout dernièrement, All Nippon Airways…)
La marche vers le bio
Mais il n’y a pas que sur le volet business que le domaine Jean-Marc Brocard se montre très actif. Couvrant aujourd’hui 200 hectares à Chablis, ce qui en fait le premier opérateur privé de l’appellation, le vignoble a opéré depuis une quinzaine d’années une évolution en profondeur. Jean-Marc Brocard, parti de rien en 1973, a façonné la reconnaissance et la réussite commerciale de son domaine. Son fils Julien, qui l’a rejoint à la fin des années 90, a amorcé une orientation vers le bio, la biodynamie, tout en affinant la gamme, qui compte aujourd’hui près d’une quarantaine de références (entre Chablis, Petit Chablis, les premiers crus, les grands crus, l’Auxerrois, plus trois cuvées « géologiques », voir détail ici).
« Mon père avait construit quelque chose d’extraordinaire, de très solide », explique Julien Brocard. « A mon arrivée en 1997 nous nous sommes demandé comment entamer un travail en profondeur pour renforcer la qualité des vins, pour mieux connaître nos terroirs, pour consolider une homogénéité de style ». Ce travail en profondeur a consisté à « avancer méthodiquement, par parcelles, par îlots, et à lancer une conduite en bio, voire en biodynamie, partout où c’était possible. Certains terroirs s’y prêtent mieux que d’autres ».
Aujourd’hui, la moitié du vignoble est conduite en bio, 70 hectares sont certifiés, et le cheminement continue. Certaines parcelles sont également conduites en biodynamie, comme le 1er Cru Côte de Léchet ou le Grand Cru Les Preuses. « C’est une approche d’anticipation, de prévision, de réflexion », explique Julien Brocard, « mais qui nous permet d’avoir une constance dans le style des vins, quel que soit le profil du millésime. Cela permet de préserver l’acidité sur un 2003, et de maîtriser les rendements sur un 2011, par exemple. Et cela nous aide à aller toujours vers la fraîcheur, la minéralité, la finesse ».
La preuve est dans le verre
Le chablis « Vieilles Vignes » 2014 (13, 50 € prix caveau) est un modèle d’expression du chardonnay sur Kimméridgien, avec une acidité maîtrisée, beaucoup de netteté en bouche, un profil iodé.
Avec le 1er Cru Montmains 2014 (pris sur cuve, prix ind. 17, 50 €) on a une matière plus ciselée, davantage de gras, d’ampleur, mais toujours une jolie tension qui soutient l’ensemble. Intéressant à comparer avec le millésime 2009, forcément plus évolué, qui déploie de séduisants amers.
Le 1er Cru Vaulorent 2013 (22 €), proche des grands crus, se révèle plus riche et complexe, avec au nez des notes parfumées de fleurs blanches et de petits fruits jaunes. La bouche est mûre, évoquant la pêche jaune, le coing, l’ensemble est d’une très belle longueur et extrêmement digeste.
Le 1er Cru Montée de Tonnerre 2014 (quel nom magnifique… pris sur cuve, prix ind. 22 €) séduit par son classicisme, entre structure et finesse. C’est onctueux, fin, délicat, légèrement beurré / pâtissier en finale.
Enfin, le Grand Cru Les Clos 2012 (40 €), élevé 18 mois en foudre, frappe immédiatement avec son caractère généreux, ses notes abricotées et de pomme confite, avec un nez de pierre à fusil, le gras et la minéralité se marient de façon harmonieuse.
La dégustation se termine avec un autre « bébé » de Julien Brocard (l’étiquette arbore d’ailleurs son nom et non celui de son père) : sa cuvée 7ème, en biodynamie et sans soufre. C’est la cinquième année que Julien produit ce vin, à hauteur de 2000 bouteilles, qui peu à peu a séduit son père. Derrière le nez de fruits exotiques, de fruits au sirop, d’ananas rôti, on trouve une bouche ultra classique, très tendue, ciselée, salivante. Un chablis très pur (13, 50 € prix ind.) qui fait un peu office de « laboratoire » du domaine Brocard. Autant dire que l’expérience vaut le coup.
L’autre actualité du domaine Brocard est nettement moins enthousiasmante. Dix jours avant Vinexpo, le domaine a subi son quatrième cambriolage à la voiture bélier sur une période de 9 mois. 600 bouteilles, essentiellement des premiers crus et des grands crus, ont été dérobées par ce qui ressemble à un réseau de recel organisé. Si d’autres domaines ont été frappés, aucun ne l’a été comme Jean-Marc Brocard. Un préjudice total évalué à plus de 60 000 €.
Mathieu Doumenge
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