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La Chine à la conquête de Bordeaux

Auteur

La
rédaction

Date

02.12.2011

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Une quinzaine de propriétés du Bordelais passent sous capitaux chinois. La vague d’achats s’accélère.

On le sait depuis quelques années : entre le vignoble bordelais et la Chine, des liens forts sont en train de se tisser. Non seulement l’empire du Milieu est devenu le premier client des vins girondins à l’exportation, mais des Chinois achètent des propriétés dans le département. À ce jour, c’était le cas pour une petite dizaine. Parmi elles, Latour Laguens (AOC Bordeaux), Richelieu (Fronsac), Viaud (Lalande-de-Pomerol), Laulan Ducos (Médoc) ou Chenu Lafitte (Bourg).

Le mouvement s’accélère sérieusement. D’après nos informations, une quinzaine de propriétés se rajoutent – ou sont en train de se rajouter – à cette liste (lire ci-dessous). Hier, c’était par exemple la signature pour le château Monlot acheté l’actrice chinoise Zhao Wei.

Bordeaux a toujours connu dans son histoire de tels achats par des étrangers
– c’est un autre volet de sa notoriété internationale – mais il faut relativiser. Nous en sommes à quelques dizaines d’exploitations aux mains d’investisseurs chinois alors que la Gironde compte 11 300 noms de châteaux.

« Ils apprennent vite »

« Ce mouvement n’est pas étonnant. Depuis deux ans, tous les agents immobiliers spécialisés font visiter des dizaines de châteaux à la vente à de multiples Chinois et Hongkongais. C’est une nuée. Souvent, on ne sait pas vraiment qui ils sont. Les décideurs sont là ou envoient des collaborateurs. Ils ne savent pas toujours ce qu’ils cherchent : grand ou petit vignoble ? Quelles appellations ? Mais ils apprennent vite », décrypte un agent immobilier.

Rien d’étonnant donc à ce que des affaires se concrétisent en cette fin 2011. D’autant que les règles fiscales sur les plus-values immobilières changeront en France en février. Du coup, des vendeurs se montrent pressés, et font des efforts. « Les Chinois, durs en affaire, négocient pied à pied. Faisant même parfois des fixations, comme sur le mobilier dans les propriétés. Ce qui semble acquis à l’issue d’une réunion est souvent remis sur le tapis la fois suivante. Il faut alors joindre au téléphone un décideur au pays pour avancer. On passe un temps fou », complète un autre expert de ces négociations.

Vins avec peu de notoriété

Parmi tous ces achats, le plus gros est réalisé par Cheng Qu, milliardaire (pétrole, immobilier, tourisme…) de Dalian, à une heure d’avion de Pékin. Déjà propriétaire de Chenu Lafitte, il engrange quatre autres châteaux totalisant plus de 150 hectares. Un ensemble qui pourrait encore grossir et dont une personnalité de la viticulture girondine va prendre la responsabilité.

C’est aussi à Dalian que se prépare une fête du vin, en juillet 2012
, avec le vignoble bordelais en tête d’affiche et la CCI à la manœuvre.

Cheng Qu, qui est déjà venu en Gironde – mais qui refuse de se faire photographier – veut y créer un parc à thème autour du vin. Pour cela, il a par exemple commandé 120 bouteilles à mille châteaux girondins.

À l’analyse du type de propriétés acquises par ces capitalistes chinois, la notoriété des vins ne saute pas aux yeux. Peu de grands noms et encore moins de crus classés. « Difficile de connaître les stratégies, ça part dans tous les sens, c’est compliqué », constate un connaisseur. « Ils achètent des belles pierres, des paysages et un peu du charme de la France », s’aventure un vigneron qui a justement vendu. Le vin n’arrive peut-être pas en second rideau, mais presque.

« Si un Américain achète, il prend un avocat à Bordeaux et un technicien pour expertiser le terroir, le matériel d’exploitation… Avec les Chinois, pas du tout. C’est un choc des cultures », complète un agent. « Dans la plupart des cas, les achats se font au prix constaté du foncier, sans surenchère. »

Tous les objectifs des acquéreurs sont alors sur la table : vente du vin en Chine, ouverture sur place de boutiques au nom de la propriété acquise, voire acheter un château pour le revendre plus cher à un autre collègue local. Les Chinois sont de grands commerçants et dans le business du vin, avoir un pied à Bordeaux est pour eux le must.

GROS PLAN : l’intérêt pour les vieilles pierres

Cheng Qu (Haichang Groupe) achète quatre châteaux : Branda (Cadillac-en-Fronsadais), de Grand Branet (Capian), Laurette (Sainte- Croix-du-Mont) et Thebot (Saint-André-et-Appelles). Château Tour Saint-Christophe (Saint-Christophe-des-Bardes) est vendu par Castel à l’homme d’affaires Peter Kwok. Ce Hongkongais négocie aussi des acquisitions à Pomerol et Lalande-de-Pomerol. Dans le Médoc, le château Barateau (avec une belle bâtisse, à Saint-Laurent) est en pourparlers avec le groupe Marvelke Wine.

À Moulis, une grosse propriété est dans les visées du groupe Dashong. À Sainte-Croix-du-Mont, le château Bertranon est acheté par Meng Gao. À Saint-Hippolyte, le château Monlot passe dans le patrimoine de Zhao Wei, une actrice locale, et de son mari, magnat de l’immobilier. À Blasimon, le château de Cugat est vendu, a priori à une collectivité de l’empire du Milieu. À Valeyrac, un cru bourgeois en AOC Médoc serait en train de finaliser sa vente. À Massugas, dans l’Entre-deux-Mers, le château Blanchet est en négociation avec Vast Fortune Limited. Le château Grand Mouëys, perle architecturale de l’Entre-deux-Mers (Capian) pourrait aussi se rajouter à cette liste non exhaustive.

Le plus souvent, ces propriétés sont dans des endroits magnifiques, avec de vrais châteaux en pierre.


Source – Cesar Compadre