Lundi 23 Décembre 2024
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18.01.2012
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Les spéculateurs et les Chinois ultra-riches se détournent des plus prestigieux vins d’investissement de Bordeaux, provoquant une importante chute des prix, ont révélé les chiffres de fin d’année.
Le week-end dernier, à Hong Kong, la très attendue vente aux enchères de grands vins organisée par Sotheby’s n’a pas atteint les prévisions, car les grands vins français, de Château Lafite à Margaux, n’ont pas trouvé d’acheteurs.
Robert Sleigh, directeur de la branche vin de Sotheby’s en Asie, a attribué la déception de cette vente à une baisse de la demande pour les plus jeunes millésimes de Bordeaux.
Cette vente a servi d’indice de référence sur les prix de 100 vins d’investissement, dont 95 Bordeaux, et a révélé une chute brutale sur la dernière année, suggérant l’éclatement de la bulle spéculative.
« Le Liv-ex Fine Wine 100 Index a baissé de 22% depuis le pic de fin juin 2011 », nous annonce Jack Hibberd, directeur de données et recherche au bureau londonien de Liv-Ex qui analyse les marchés des grands vins.
« En année pleine, la chute a été de 15%. »
Par exemple, le prix d’une bouteille de 2009 du Château Lafite a perdu un quart de sa valeur l’année dernière, passant de 1 305 € ($1, 653) début janvier à 988 € fin décembre.
Xavier Coumau, président de Wine Broker’s Syndicate a déclaré à l’AFP : « Je le considère comme un ajustement du marché ».
Hibberd a expliqué qu’il y avait plusieurs raisons à cette chute des prix, « en commençant par la crainte au sujet de l’économie, particulièrement dans la zone euro, et la survalorisation du millésime 2010 de Bordeaux, ce qui a cassé le rythme du marché ».
« La clef, cependant, a été le ralentissement de la demande en Chine, le moteur du marché depuis 24 mois », dit M. Hibberd.
Pour être franc, « la Chine n’achète plus à des prix extravagants » a déclaré Antonin Michel, directeur de coordination de l’entreprise de négoce en vin, Diva.
Les perspectives pour le cœur de production de Bordeaux demeurent positives, dit Coumau. La preuve en étant que les volumes de vin ordinaire exportés en Chine continuent de croître exponentiellement.
Mais ce sont les grands crus classés de 1855 qui inquiètent principalement les critiques de vin, investisseurs et analystes comme Liv-Ex.
Ces vins comptent pour guère plus de 5% des 733 millions de bouteilles produites par an dans la région, mais ils génèrent des revenus importants. Par exemple, chez Diva, les deux tiers de ses 33 millions d’euros de chiffre d’affaires de l’année dernière proviennent des grands crus classés selon M. Michel.
Ces sept dernières années, Liv-Ex a montré une hausse des prix presque ininterrompue pour les vins de valeur sûre de Bordeaux, avec une seule baisse significative qui s’est produite dans les six derniers mois de 2008.
Quand la Chine est entrée dans le jeu, il y a trois ans, le marché s’est envolé. La demande a explosé, en particulier pour des noms tels que Lafite, Latour, Mouton-Rothschild, Margaux et Haut-Brion, les plus prestigieux des premiers crus classés de1855.
« Offrir une bouteille de Lafite n’est plus à la mode »
Les châteaux et les spéculateurs, en espérant profiter de la soif de la Chine pour les produits de luxe, ont fait flamber les prix d’une manière vertigineuse, témoigne un négociant. Beaucoup de grands crus classés se sont reposés sur leurs lauriers. Quand les châteaux ont proposé leurs vins en primeurs, l’année dernière, les négociants ont acheté leur part habituelle, de peur de la perdre l’année suivante, mais ils n’ont pas réussi à tout vendre. Ce scénario a laissé les négociants dans une situation de « crise de liquidité avec des stocks exorbitants » selon M. Michel.
Les primeurs se sont terminées au moment du pic des prix du 28 juin 2011. Depuis cette date, le marché en hausse est devenu baissier avec des prix visiblement plus modérés. Certains suggèrent que la campagne des primeurs 2010 a laissé un goût amer dans la bouche des clients chinois ; beaucoup d’entre eux achetaient des Bordeaux pour la première fois. « Nous avons expliqué les risques, mais leur passion est le vin. Ils voulaient en faire partie. Maintenant, nos consommateurs chinois disent qu’ils se sentent désespérément trahis par les primeurs 2010 », nous a rapporté Simon Staples, directeur commercial du négociant Berry Bros and Rudd à Londres, lors d’une communication téléphonique depuis Shanghai.
D’autres experts avancent l’argument de la versatilité des marchés. « Certains des Chinois ultra riches se sont lassés des Lafite », nous informe Georges Tong, vice-président de l’entreprise familiale de jouets et collectionneur reconnu de vins à Hong Kong.
« Offrir une bouteille de Lafite n’est plus à la mode comme avant. Les destinataires de cadeaux demandent désormais du Domaine de la Romanee Conti », ce vin de Bourgogne qui peut facilement coûter 12 000 € la bouteille.
En même temps, la crainte d’une profonde récession en Europe et d’une bulle immobilière en Chine a encouragé les investisseurs nerveux à vendre leurs investissements en vins les plus spéculatifs. « Il y a une peur de la bulle spéculative qui rend tout le monde anxieux » a dit Don St. Pierre, Jr., président directeur général d’ASC Fine Wines, qui possède 24 bureaux en Chine et reste un des plus puissants importateurs-distributeurs de la région.
« Les personnes qui détenaient ces vins spéculatifs vendent, donc les prix baissent ». Les nouvelles réglementations chinoises qui restreignent le montant qu’une banque peut prêter à ses clients, ont aussi poussé leurs investisseurs en manque de liquidités à reconsidérer leurs investissements dans les vins de Bordeaux, a déclaré M. Tong.
Selon de multiples sources, le resserrement du crédit couplé à un doute sur les bénéfices ont conduit des clients chinois à commettre l’ultime tabou bordelais en annulant leur commande en primeurs. « Il y a eu une vague de commandes annulées après la dernière campagne de primeurs » a confirmé M. Michel. « Tous ces éléments combinés ont concouru à une baisse de la demande des premiers crus classés ».
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