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La Grande Maison : la famille Magrez vise les 3 étoiles

Auteur

La
rédaction

Date

02.06.2015

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Près de six mois après l’ouverture de la Grande Maison, le restaurant gastronomique de l’homme d’affaires Bernard Magrez et du chef le plus étoilé du monde Joël Robuchon, « Terre de Vins » a souhaité revenir sur le projet de cette « future triplement étoilée », qui a connu un premier semestre à la fois rempli de succès et de difficultés. Après les plaintes et les rumeurs sur le départ du chef japonais Tomonori Danzaki, retour sur l’aventure de La Grande Maison, avec Cécile Daquin, directrice générale de l’établissement et fille de Bernard Magrez.

Terre de Vins : Six mois après l’ouverture, quel bilan pouvez-vous dresser pour ce nouvel établissement qu’est La Grande Maison à Bordeaux ?

Cécile Daquin : Il est bon. Nous sommes très contents de voir que la liste d’attente pour venir manger au restaurant s’allonge de jour en jour. Nous avons aujourd’hui un mois et demi d’attente. Nous sommes d’ailleurs en train d’ouvrir une deuxième salle pour augmenter notre capacité de couverts. Nous pourrons désormais monter jusqu’à 60 couverts. Avec une capacité d’hébergement de six chambres qui permettent des séjours plus longs dans notre établissement.

TDV : Un deuxième salon était initialement prévu pour proposer une offre de brasserie, différente et moins chère. Abandonnez-vous cette idée ?
En effet, la partie Brasserie a été complètement abandonnée, c’était trop compliqué et nous n’avions pas assez de place. Avec cette nouvelle salle, cela nous permet à la fois de privatiser une salle sans privatiser l’ensemble du restaurant et de rajouter vingt couverts supplémentaires. Pour des évènements organisés par des entreprises ou des évènements familiaux, cela est très pratique. Nous avons déjà beaucoup de réservations dans ce sens par des entreprises ou des évènements familiaux plus intimistes.

TDV : Cette ambiance feutrée et excentrée de Bordeaux a été un choix délibéré de votre part dès le départ en vous installant rue Labottière, en face de l’Institut Culturel ?
C’est sûr que nous sommes dans un cadre plus privé et plus discret que si nous étions dans le centre de Bordeaux, comme au Grand Hôtel par exemple. Ce côté excentré nous va très bien, c’était un choix assumé de départ. Ce qui ne nous empêche pas d’avoir déjà des projets d’agrandissement de la partie hôtellerie qui ne compte que six chambres pour l’instant. Notre projet, c’est de prendre possession des maisons qui sont autour de la Grande Maison et d’ajouter des chambres à notre offre. Faire un village, avec la Grande Maison au centre et de belles maisons bordelaises dans un cadre culturel magnifique.

TDV : Une transformation de la Rue « Labottière » en rue « Magrez » ?
Non, au contraire, Labottière est un très joli nom, il ne faut surtout pas le changer. On a la chance d’être en effet propriétaire du Château Labottière juste en face (Institut Culturel Bernard Magrez), mais c’est l’ensemble qui donne du charme à l’endroit. L’idée est de pouvoir avoir ces maisons d’ici trois à quatre ans, et de commencer les travaux dès le premier trimestre 2016 dans la maison voisine déjà acquise.

TDV : Votre carte des vins, ici à la Grande Maison, se veut à la fois exhaustive sur toutes les grandes références de Bordeaux, et ouverte sur le reste du vignoble français et même mondial. Était-ce une volonté de départ de ne pas être uniquement une vitrine des vignobles Magrez ?
Tout à fait. Dès le départ, c’était clair dans la tête de Joël Robuchon et de Bernard Magrez. Il fallait que la Grande Maison soit comme une deuxième maison des propriétaires. On veut les faire sortir des châteaux et attirer des gens de partout. On a donc aujourd’hui tous les grands crus de bordeaux, des pépites dans les crus bourgeois, des seconds vins aussi que nous adorons. Mais il fallait ouvrir aussi. Nous sommes très fiers de nos références bourguignonnes, pour lesquelles les sommeliers parisiens du chef Robuchon nous ont beaucoup aidés. Et une très belle partie de champagnes, notamment sur des millésimes exclusifs de la Maison Veuve Clicquot avec qui nous avons d’excellents rapports, et que nous aimons beaucoup. En tout, la carte des vins c’est 1 000 références, un book impressionnant.

TDV : Qu’est ce que les clients préfèrent boire à la Grande Maison ?
Il faut, pour que le vin marche bien, être raisonnable sur les prix proposés. Bordeaux représente 25% de la carte, et nous adorons servir au verre des vins d’ailleurs. Et nous voyons beaucoup de dégustation de Sancerre, de Bourgogne, plus que je n’aurais pu le penser, notamment les propriétaires qui commandent beaucoup de « hors Bordeaux ». Grâce à l’image de Joël Robuchon, nous avons beaucoup d’étrangers, notamment des Japonais qui connaissent déjà sa cuisine et qui la recherchent. Et c’est une vraie opportunité pour Bordeaux de recevoir tous ces gens.

TDV : Vous ne voyez donc par l’arrivée annoncée de Gordon Ramsay au Grand Hôtel de Bordeaux, comme une concurrence directe ?

Au contraire, plus on sera nombreux dans l’univers des restaurants étoilés, mieux ce sera. Et Gordon Ramsay connaît très bien Joël Robuchon, c’est lui qui l’a formé, donc c’est parfait. Tant mieux qu’il y ait de grands chefs qui viennent, on va dans le courant du sens de l’histoire de Bordeaux pour les trois prochaines années. C’est comme la future Cité des Civilisations du Vin pour laquelle nous sommes mécène Grand Bâtisseur et très investis, c’est véritablement le Guggenheim du vin.

TDV : A quelle fréquence le chef Joël Robuchon vient-il à Bordeaux ?

Tous les quinze jours, voire trois semaines maximum. L’objectif ici est très sensible pour lui : il faut que d’ici quatre ans, nous ayons trois étoiles. C’est un homme extrêmement perfectionniste. Son avantage est de pouvoir essayer sa cuisine sur une dimension internationale. Ce qu’il fait à Tokyo, il peut le tester aussi à Paris ou Bordeaux. Cela nous permet d’adapter en permanence. Il vient de fêter ses 70 ans, mais cette capacité d’adaptation est vraiment sa force, cette volonté d’être là au bon moment. Lors de ses venues, il est en cuisine en permanence.

TDV : Quelle relation a-t-il avec le chef japonais Tomonori Danzaki ?
Ils se connaissent depuis vingt ans, et Tomonori a déjà travaillé avec lui à Las Vegas, Tokyo et Singapour. Aucune nouvelle carte à la Grande Maison n’est élaborée sans que Robuchon ne soit là. Quand il vient, il est en cuisine avec toute la brigade et le chef, c’est très important pour lui.

TDV : Les plaintes déposées en janvier n’ont-elles pas altérées leur relation, surtout pour le chef Danzaki tout juste arrivé à Bordeaux ?
Bien sûr que cette plainte, pour laquelle nous avons attaqué en diffamation, a beaucoup touché tout le monde (Franck Yole, commis en cuisine a déposé plainte contre la Grande Maison pour harcèlement, après deux jours travaillés en cuisine en janvier dernier, ndlr). C’est pourtant tout l’inverse de Robuchon, compagnon du devoir. Cela l’a beaucoup touché. Quant au chef japonais, il a eu une semaine très difficile, a reçu des menaces de mort tout comme ses enfants et sa femme, parlait à peine le français et venait juste d’arriver à Bordeaux.

TDV : Mais il n’a jamais été question pour lui de partir ?
Non, pas du tout. Sa mission ici est très claire : faire de la Grande Maison un restaurant triplement étoilé. Même si les débuts ont été certainement compliqués pour lui, pour son intégration, et avec cette plainte, il n’a jamais été question qu’il parte. C’est également le contrat qu’il a signé avec nous. Heureusement, maintenant qu’il parle de mieux en mieux français et que cette histoire de plainte est derrière lui, son intégration bordelaise se passe beaucoup mieux.

TDV : Le nom d’Eric Bouchenoire a souvent été prononcé concernant les cuisines de La Grande Maison aux côtés de Joël Robuchon. Quel rôle tient-il ici ?

Eric Bouchenoire est le conseiller le plus proche de Joël Robuchon. Ils ont l’Atelier (créé dans les sous-sols du Drugstore Publicis en haut des Champs-Elysées, ndlr), à Paris ensemble et ont une relation très fusionnelle. Joël Robuchon ne se déplace jamais sans Eric Bouchenoire. C’est le bras droit, le deuxième œil, un vrai disciple de Joël dans tous ses déplacements. J’irai même plus loin, dans les contrats que nous avons signés avec Joël Robuchon, le nom d’Eric Bouchenoire apparaît. C’est un interlocuteur indispensable dans toute relation professionnelle à Robuchon.

TDV : Malgré les tensions du début, l’avenir est donc dégagé ?
Les tensions du début n’ont pas du tout impacté les réservations, je touche du bois. Ce que nous voulons avant tout, c’est que les clients viennent et se sentent bien. Sur ce plan là, nous sommes ravis, pourvu que ça dure !

Propos recueillis par Laure Goy
Photos Deepix