Jeudi 26 Décembre 2024
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08.04.2013
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Alors que la Semaine des primeurs débute en Gironde, focus sur le travail, mené depuis la récolte, pour accoucher du millésime 2012 au Château Fonplégade, à Saint-Émilion.
Travailler une année entière, récolter le raisin et, au bout du chemin, présenter aux acheteurs et prescripteurs venus du monde entier un seul verre de vin, sur lequel vous allez être jugé. Voilà le défi relevé tous les ans au début d’avril par les producteurs bordelais engagés dans la Semaine des primeurs, qui propose une quarantaine de lieux de dégustation, comme un immense salon professionnel disséminé dans tout le département.
« Entre les vendanges et la présentation de nos échantillons ces jours-ci, un gros travail a été accompli. Notre objectif est de produire un maximum de premier vin représentatif du millésime 2012. Sachant qu’il s’agit, en ce début de printemps, d’un bébé en cours de gestation, puisqu’il sera encore élevé plusieurs mois en barriques et mis en bouteilles seulement à l’été 2014 », explique Jean-Christophe Meyrou. Depuis 2010, ce dernier dirige Château Fonplégade, dont le cru classé de Saint-Émilion appartient depuis 2004 aux époux Adams, riches américains du Connecticut, qui viennent en Gironde trois ou quatre fois par an. Fini, en effet, le temps où le raisin était vendangé d’une traite, vinifié indifféremment dans des grandes cuves, et où le vin était élevé dans les barriques d’un seul tonnelier, pour obtenir finalement un produit moyen.
« Aujourd’hui, un technicien se doit d’être précis toute l’année pour gagner pied à pied tous ces petits plus de qualité qui permettent d’atteindre l’excellence », complète le Breton Éloi Jacob, directeur technique de cette propriété de 18, 5 ha. Et il est vrai que les notes sur lesquelles peut jouer un pianiste des vignes sont légion : quatre types de terroir (sable, argile, argilo-calcaire, calcaire pur) ; deux cépages (merlot et cabernet franc) ; l’âge des vignes (un tiers des parcelles ont moins de dix ans) ; des vinifications différentes (en cuves en bois, en barriques…). Huit tonneliers sont même mis en concurrence !
Les assemblages de lots
Autant dire qu’un merlot sur sol argilo-calcaire vinifié en cuves et élevé dans les barriques de tel tonnelier ne donnera pas la même chose qu’un cabernet franc sur terroir sablonneux et sagement entonné chez un tonnelier concurrent.
« Avec cette matrice aux multiples entrées, on ne se casse pas la tête pour rien. Nous sommes pratiquement dans de la dentelle. L’objectif est d’obtenir le meilleur pour chacun des lots. Leur assemblage final, dans des proportions discutées en équipe via de multiples dégustations, accouchera de notre bébé 2012, incarné par un échantillon donnant la meilleure photo, à un moment donné, de notre propriété », détaille le maître de chai, Franck Jugelmann.
Dans le cuvier, du haut d’une passerelle, on peut observer un outil de travail refait à neuf. Et d’autres investissements sont en cours (salle de réception, boutique de vente, voie d’accès à la propriété). Un travail que 7 000 visiteurs annuels peuvent apprécier, Fonplégade étant une des propriétés les plus courues de Saint-Émilion.
Naissance le 19 mars
Après les conseils de l’œnologue Michel Rolland, reconnu pour son talent dans les assemblages, et les derniers arbitrages entre les lots, l’acte de naissance du fonplégade 2012 est arrêté au 19 mars, jour de la première dégustation dans le cadre de l’Association de grands crus classés de Saint-Émilion. Depuis, plus d’une centaine d’échantillons ont été expédiés à la presse, aux négociants… Pendant la Semaine, ils seront aussi dégustés dans plusieurs associations et bien sûr au château.
Reste à déterminer les proportions de premier et de second vin, le nerf de la guerre. « Pour le millésime 2010, nous avons produit 50 000 bouteilles de premier vin contre seulement 35 000 pour le 2011, où nous avons été très rigoureux. Pour le 2012, ce sera entre 40 000 et 45 000 bouteilles », décortique Jean-Christophe Meyrou. Sachant que le château-fonplégade vaut environ 50 euros la bouteille et que le fleur-de-fonplégade (second vin) coûte moitié moins, l’impact n’est pas neutre sur le plan comptable. « C’est un choix d’entreprise, commente un courtier, ou vous produisez plus de premier vin, et prenez le risque d’en réduire la qualité moyenne (avec les commentaires qui vont avec) ou vous êtes rigoureux (belle qualité, tarif élevé) mais sur de plus faibles quantités. » Ce n’est plus alors un bébé mais des jumeaux qu’il faut biberonner, comme le fait la majorité des grands châteaux. Quand ce ne sont pas des triplés (un troisième vin), ce qui arrive dans le Médoc, où les propriétés sont plus vastes.
César Compadre
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