Vendredi 8 Novembre 2024
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15.11.2018
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Donald Trump a dénoncé mardi le déséquilibre commercial entre la France et les États-Unis sur les produits viticoles, dans des tweets visant Emmanuel Macron. Laissent-ils présager des mesures de rétorsion commerciale sur le vin français ?
Y a-t-il un déséquilibre douanier entre la France et les États-Unis ? « La France rend les choses très difficiles pour vendre du vin américain en France et lève de lourdes taxes douanières, alors que les États-Unis facilitent les choses aux vins français et n’ont que des tarifs douaniers bas. Ce n’est pas juste, faut que ça change! », s’est agacé Donald Trump sur Twitter. En tant que membre de l’UE, la France en réalité ne fixe pas elle-même le niveau de taxation des produits importés. En outre, les tarifs douaniers sur le vin sont « relativement faibles, aux États-Unis comme dans l’UE », rappelle Jean-Eric Branaa, maître de conférences à Paris II et spécialiste des États-Unis.
Néanmoins, il existe un déséquilibre dans les tarifs douaniers. Aux États-Unis, les taxes varient entre 5,3 et 14,9 cents par bouteille, en fonction de la nature du vin et du degré d’alcool, selon la Commission américaine du commerce international. En Europe, elles vont de 11 à 29 cents.
Le marché européen est toutefois loin d’être fermé aux vins américains : entre 2007 et 2018, les importations de vin « made in America » ont ainsi progressé de 200% en France, l’Europe étant de loin le premier marché d’exportation pour les produits américains, selon les Douanes françaises.
Le marché américain, à l’inverse, n’est pas aussi ouvert qu’il en a l’air. « Les États-Unis reconnaissent les marques déposées mais pas les appellations d’origine, ce qui constitue un frein pour les produits français. Et l’accès aux distributeurs implique d’obtenir une accréditation, qui est différente pour chaque État des États-Unis », souligne Jean Fouré, économiste au Cepii (Centre d’études prospectives et d’informations internationales).
Faut-il craindre une hausse des tarifs douaniers américains ?
Pour Jean-Éric Branaa, il est peu probable que les tarifs douaniers « changent ». « On est dans le registre de la gesticulation. Je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit à craindre : le tweet de Trump ressemble surtout à un coup de colère », assure le chercheur.
Selon une source européenne, la question des tarifs sur le vin n’a jamais été évoquée dans les discussions commerciales entre l’UE et les États-Unis. En outre, « les échanges commerciaux entre Paris et Washington sont très équilibrés : il n’y a donc pas de sujet pour les États-Unis », estime Jean-Éric Branaa. Mais le président américain, réputé imprévisible, a démontré ces derniers mois avec l’aluminium ou l’acier qu’il était prêt à prendre le risque d’une guerre commerciale pour soutenir l' »Amérique d’abord », principe cher à ses électeurs.
« Il est très difficile de savoir ce que Donald Trump veut faire », d’autant que les discussions qui ont repris entre Bruxelles et Washington pourraient rebattre les cartes du conflit commercial entre les deux partenaires, souligne Jean Fouré. Une situation qui met les acteurs viticoles dans une situation d’attentisme. « Nous attendrons de voir ce qui se passe. Nous sommes des paysans et nous avons les nerfs solides », philosophe Philippe Bardet, viticulteur à Saint-Émilion.
Quel serait l’impact sur le secteur viticole français ?
Sur le papier, les conséquences pourraient être importantes : les exportations de vins et champagnes français aux États-Unis ont atteint l’an dernier 1,7 milliard d’euros, faisant du secteur viticole le troisième poste à l’export hexagonal vers ce pays, derrière l’aéronautique et la pharmacie.
« Les USA sont le premier marché en valeur pour les exportations de vins français et le 4e en volume », « essentiellement en raison de la puissance de ses classes moyennes et de leur fort pouvoir d’achat », souligne Antoine Leccia, président de la Fédération des exportateurs de vins & spiritueux de France (FEVS).
Une hausse des tarifs douaniers outre-Atlantique aurait-elle pour autant des effets considérables sur la filière viticole française ? « Tout dépend de la nature des droits de douane mis en place », souligne Jean Fouré, qui rappelle que les droits de douane « ne font pas tout ».
« La question du goût et de l’image joue beaucoup », abonde Jean-Éric Brenaa. « Aux États-Unis, le vin est un produit de luxe : seules les populations aisées en achètent. Or cette catégorie de consommateurs est moins sensible aux variations de prix », estime le chercheur.
Une réalité de nature à rassurer la filière : « Cela fait 20 ans que je suis dans ce métier et les droits de douane sur le vin n’ont jamais été un problème entre les États-Unis et la France », résume Antoine Leccia.
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