Dimanche 24 Novembre 2024
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27.03.2015
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En engageant l’architecte Jean-Michel Wilmotte, l’homme d’affaire Jacky Lorenzetti a voulu faire entrer ce 5ème grand cru classé du Médoc dans la cour des grands. Un signe architectural qui en dit long sur ses ambitions. Visite et commentaires en avant-première.
Entouré de son épouse Françoise, originaire de la Gironde, d’Emmanuel Cruse qui officie à Pédesclaux à Pauillac en tant que Directeur général et de Vincent Bache-Gabrielsen, directeur en charge du vignoble, Jacky Lorenzetti est heureux du travail accompli. Certes, le calendrier n’a pas été tenu, il accuse un an de retard et le budget initial a été largement dépassé mais « cela en valait la peine » avoue, soulagée, Françoise Lorenzetti, totalement impliquée aux côtés de son mari. Acheté en 2009 alors qu’il ne s’étendait que sur 25 hectares, ce château situé à Pauillac, tout près de ses voisins Pontet-Canet et Mouton-Rothschild, le château Pédesclaux s’étend aujourd’hui sur près de 50 hectares. Et il suffit d’observer les 116 cuves flambant neuves de tailles différentes pour comprendre que Jacky Lorenzetti vit le vin comme les affaires (il a créé Foncia, pilote un pôle financier Zenlor et un pôle immobilier Terreis) et le rugby (il est président et propriétaire à 100% du Racing Métro) pour comprendre que d’autres matches l’attendent. En attendant, l’outil façonné par Jean-Michel Wilmotte permet, dans le chai comme au château, de poursuivre la montée en qualité et de le faire savoir en accueillant les professionnels et, ponctuellement, les grands amateurs.
Après Foncia puis le Racing, avez-vous voulu montrer que Pédesclaux était aussi un projet de vie et faire mentir ceux qui en 2009 vous ont accueilli avec réserve ?
Ici, on ne fait pas semblant. Cela correspond à une vocation. Nous sommes propriétaires du château Lilian Ladouys, situé juste à côté et nous sommes également en association 50-50 avec Emmanuel Cruse au château d’Issan. Nous venons tous les quinze jours avec ma femme. Après la vente de Foncia, je me suis senti très jeune et j’ai laissé parler mon caractère d’entrepreneur. Chez Foncia, je ne partageais pas le quotidien professionnel avec ma femme. Aujourd’hui, nous intervenons tous les deux, sur le vin comme sur le rugby. Entre vin et rugby, les synergies sont d’ailleurs extraordinaires. Le vin, consommé avec modération, constitue un lien social. On a trouvé du plaisir à se lancer dans cette nouvelle aventure. On nous avait proposé Lascombes à Margaux mais tout était fini. Ici, il y avait un potentiel important, comme au Racing. Avec une belle image et une belle histoire.
En faisant travailler l’architecte Jean-Michel Wilmotte, avez-vous voulu aussi affirmer un statut dans le vin ?
On a voulu dire « Pedesclaux a changé ». On a décidé de le mettre en valeur. On a créé un outil qui est au niveau du terroir. C’est une chance inouïe de pouvoir dire « c’est un cru classé de 1855 ». L’objectif n’est pas spéculatif. L’investissement est important. Il faudra des années et on est là durablement. Mes enfants, qui sont quatre, sont déjà propriétaires. On s’inscrit donc dans la pérennité. Souvent dans le Bordelais, il y a des problèmes de successions.
Investit-on dans un architecte comme Wilmotte de la même façon qu’on investit au Racing dans un joueur comme Chabal ?
Avec Wilmotte, les journalistes porteront plus d’attention. Dans l’immobilier, je connais beaucoup de grands architectes qui sévissent. On n’aurait pas pu faire Pédesclaux avec Nouvel ou Ricciotti. Avec Jean Michel, on a beaucoup parlé. Il avait aussi une antériorité avec Cos d’Estournel où il a réalisé le chai. L’idée n’était pas d’épater. Ce qui nous plait avant tout, c’est l’environnement global. Wilmotte va dans le détail et dans la mise en vie. Il n’y a pas de dichotomie entre l’intérieur et l’extérieur. Nous avons voulu investir dans de nouvelles technologies pour faire ce qu’il y a de mieux et marquer une rupture. Parker disait : « La vie est trop courte pour boire du Pédesclaux ». Or il a déjà commencé à mentir car en 2013 il nous a classés parmi les cinq meilleurs pauillacs !
Dans cinq ans, qu’est ce qui aura à nouveau changé ?
Aujourd’hui, l’outil est en place. Notre souhait est encore d’agrandir le terroir. A la coopérative, il reste vingt hectares environ… mais nous avons des concurrents acharnés, des 1ers grands crus classés mais aussi des 5èmes comme Pontet-Canet ou Lynch-Bages qui peuvent réaliser des achats importants. Ensuite tout n’est pas bon. Car nous voulons faire un vin exceptionnel.
Vous êtes co-propriétaire du château d’Issan à Margaux avec Emmanuel Cruse. Faut-il désormais s’attendre à des investissements à Issan ?
Aujourd’hui, Issan se suffit à lui-même en terme d’architecture. On regarde en revanche si le terroir peut s’étendre… Nous avons 44 hectares quand les superficies moyennes autour d’Issan sont plutôt autour de 60 hectares…
Quel a été votre premier rapport avec le vin ? Une émotion ?
J’ai fait l’école hôtelière de Lausanne où j’ai fait un peu d’œnologie. J’avais donc les bases et dans mon métier, j’ai fait pas mal de déjeuners d’affaire. Côté émotions, Calon-Ségur (NDLR : grand cru classé de saint-estèphe) est le vin avec lequel j’ai séduit ma femme. J’ai tourné la bouteille : il y avait un cœur dessus… J’aime bien également Pape-Clément, Cos d’Estournel, Pétrus, Canon…
Quels seront les futures acquisitions ?
On regarde actuellement en Suisse pour faire un peu de vin blanc. On a beaucoup investi. On est donc plutôt dans une période de stabilité. C’est à Vincent Bache-Gabrielsen et Emmanuel Cruse de bien travailler maintenant. En tant qu’actionnaire, on a fait le boulot.
Interview réalisée par Rodolphe Wartel
Photos : DR et Rodolphe Escher
Les travaux en bref
Le nouveau cuvier a été construit sur 2000 m2. Il compte 116 cuves inox tronconiques à double paroi de 65 à 144 hectolitres. 100% gravitaire, ce cuvier comprend quatre cuves élévatrices de 100 hectolitres afin de prendre soin au maximum « du caviar », les baies qui offriront le nectar. 300m2 de chambres froides ont été aménagées pour préserver la qualité du raison.
Juste en dessous du cuvier où la transparence domine, avec beaucoup de verre, les chais d’élevage peuvent accueillir 1800 barriques sur trois ou quatre niveaux.
Le château a lui aussi été profondément restructuré avec une enveloppe de verre qui répond, tel un miroir, à l’architecture de verre du chai.
A la question sur le prix des travaux, dont le gros œuvre a été confié au groupe Fayat, Jacky Lorenzetti n’a pas souhaité répondre. « 10 millions d’euros ? »… « Beaucoup plus » a –t-il seulement consenti.
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