Accueil [Millésime Bio] A Lingua Corsa

Auteur

Laure
Goy

Date

26.01.2016

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Millésime Bio le montre une nouvelle fois : la production de vin français certifié bio explose dans toutes les appellations. La Corse n’échappe pas à la règle. Pourtant, seuls trois domaines de l’île de beauté sont présents sur les tables du salon, sonnant les cloches du plus grand rendez-vous annuel des vins bios en France. Portraits croisés de ces domaines.

La Corse est un vignoble qui enregistre chaque année une forte progression de ses vignes en bio, tant en surface qu’en nombre d’exploitations. Selon l’étude réalisée par IPSOS-SudVinBio en 2013, « fin 2012, la part du vignoble bio était supérieure à 10 % dans cinq régions : en Lorraine (20, 5%), PACA (15, 7%), en Alsace (13, 5 %), en Franche-Comté (12, 7%) et en Corse (11, 8%) ».

Domaine Leccia, Lisandru aux manettes
Malgré cette progression du bio dans les vignes corses, ils sont encore très peu nombreux à faire déguster leurs vins à Millésime Bio. Exception avec ce domaine de Patrimonio – appellation au nord de Bastia, dans les contreforts du golfe de Saint-Florent – qui a fait le choix pour la première fois de présenter ses vins aux professionnels venus au Parc des Expos de Montpellier pour Millésime Bio 2016.
« Ma tante, Annette Leccia, a fait le choix du bio en 2007 (premier millésime certifié en 2011), je suis en train de reprendre le domaine avec elle. Et je pense qu’il faut qu’on soit plus présent à l’extérieur. C’est une vitrine nécessaire pour les gens qui nous visitent ou qui ne nous connaissent pas encore », explique Lisandru Leccia (photo ci-dessus), fils d’Yves Leccia, qui fait notamment déguster le Vermentinu 2014 (22, 50 €), un délice de peau de pomelos confit, à la finale saline et salivante et aux amers très bien maîtrisés, une expression des grands terroirs de blancs de Patrimonio.
Coup de cœur pour le « Pettale » 2012 (« coteau » en Corse, 22, 50 €), un parcellaire de niellucciu d’une concentration de fruits rouges mûrs, un nez envoûtant, exaltation de baies roses, de réglisse, et une fraîcheur minérale finale impressionnante. Ce grand rouge a encore de belles années devant lui.
Projecteur également sur le Muscat 2014 (21 €), non muté, ce bonbon frais abricoté et miellé qui s’exprime pourtant tout en fraîcheur, floral délicat, avec une finale mentholée puissante. Aucune expression variétale muscatée dans ce verre là.
En dehors de la présentation des vins aux professionnels des salons, le domaine Leccia mise également sur l’oenotourisme, avec un nouveau caveau, ouvert pendant la saison pour accueillir les visiteurs toute la journée. « Bien sûr, nous aimerions tout vendre au caveau, mais ce n’est plus possible. Les domaines corses qui travaillent bien progressent, des jeunes s’installent, et le marché local commence à être saturé. Je mise plus sur les rencontres de professionnels comme Millésime Bio pour développer l’export et la vente sur le continent », ajoute Lisandru. Miser sur la diversification des marchés extérieurs d’une part, et sur l’oenotourisme au domaine d’autre part. « Je ne suis sûr de rien aujourd’hui car ça demande beaucoup de temps », avance prudemment le jeune vigneron, « mais l’oenotourisme est essentiel pour que les gens s’intéressent à nos vins. Quand on va à San Francisco, il y a forcément une journée prévue dans la Napa Valley. En Corse, les gens préfèrent aller à la plage. » Un futur gîte ou lieu d’accueil dans les vignes, tout est possible dans les prochaines années du domaine Leccia, domaine à suivre de très près.

Clos Signadore, première fois à Millésime Bio
Autre nouveau venu dans les rangs de Millésime Bio, Christophe Ferrandis et ses vins du Clos Signadore (photo ci-dessus), issus des vignes de Poggio d’Oletta dans les contreforts de l’appellation Patrimonio. Une grande adresse dans le vignoble corse, rare à trouver dans les salons. Ayant repris des vignes en 2001, après être passé par Bandol (Pibarnon), le vigneron ne faisait plus de salons professionnels depuis longtemps. « Cela faisait dix ans que je n’étais pas sorti. Avec 7 hectares, je n’en avais pas forcément besoin. Mais là, je m’agrandis de 2, 5 hectares, et je veux garder une forte proportion de vente sur les marchés étrangers, au moins 35 %, c’est pour ça que je me suis décidé cette année », explique-t-il lui aussi. Avant d’ajouter : « Je trouve que ce format est convivial, tout le monde est logé à la même enseigne sur les mêmes tables, on partage l’espace, j’aime bien. », sourit Christophe Ferrandis. Sur la table du Clos Signadore, toutes les cuvées sont d’une grande précision. Dans la gamme « A Mandria », le rosé (16 €) 100 % niellucciu avec sa robe rose brillante et sa densité vineuse est un délice de fruits acidulés, le rouge 2014 (22 €) offre un niellucciu mûr et gourmand, plaisir de fruit rouge entier encore croquant. Quant aux Clos Signadore, dans les trois couleurs (45 €), ce sont trois vins de très grande facture. Mention spéciale au rosé gastronomique, vinifié à base de vieilles vignes de niellucciu en macération, avant de passer par des demi-muids pour passer l’hiver sur leurs lies, enrichissement naturel, un véritable rosé de garde.
« La curiosité pour les vins corses est réelle, surtout de la part des clients étrangers. C’est important que nous puissions leur faire découvrir mieux notre façon de travailler nos cépages et nos sols », conclut Christophe Ferrandis.

Le domaine de Granajolo, « ici depuis le début »
Jusqu’à cette année, un seul domaine de l’île de beauté répondait présent à chaque édition de Millésime Bio. Ce « premier » des Mohicans ? Le domaine de Granajolo, de Monika et Gwenaële Boucher, mère et fille du sud de l’île à Porto-Vecchio (photo ci-dessus). « Nous n’étions que 20 tables la première année, mais nous étions là pour représenter le domaine. Ce n’était pas facile de vendre nos vins chez nous, personne ne comprenait le bio. Nous avons fait ce choix au début des années 1980. J’avais l’habitude de cacher les panneaux bios autour du domaine, sinon les gens ne voulaient pas entendre parler de nos vins », se souvient Monika Boucher, la maman d’origine allemande, devenue corse d’adoption. Sa fille, Gwenaële ajoute : « j’ai repris l’exploitation depuis douze ans. Historiquement, nos marchés de prédilection étaient allemands, nous avons toujours travaillé une partie de notre distribution à l’export. Aujourd’hui le marché local est un peu saturé, c’est important de pouvoir vendre ailleurs ».
La gamme du domaine de Granajolo, divisée en « Tradition », « Monika » et « J pour jumeau » ceci dans les trois couleurs, est une belle introduction aux cépages corses. Intéressante sélection de vieilles vignes de vermentino dans l’assemblage de Monika en blanc (10€ le 2014), au nez de peau de clémentine (corse !), vif et doux à la fois avant une finale aux amers maîtrisés. Arrêtez-vous également sur les rosés, le Tradition 2015 (9, 20 €), un sciacarellu frais et gourmand ou encore le Monika rosé 2015 (10 €), mi-sciacarellu, mi-niellucciu, plus vineux, aux notes de marmelade d’orange amère et de gelée de fraise, imaginons-le à table avec des petits farcis méditerranéens.

Domaine Leccia sur www.domaine-leccia.com, Lieu-dit Morta Piana, 20232 Poggio d’Oletta, 04 95 37 11 35

Clos Signadore, Morta Piana, 20232 Poggio-d’Oletta, 06 15 18 29 81

Domaine de Granajolo sur www.granajolo.fr, La Testa – Ste-Lucie de Porto-Vecchio, 06 07 63 86 59