Lundi 18 Novembre 2024
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23.03.2017
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Le thème de ce 4e petit-déjeuner de la filière organisé ce jeudi matin par « Terre de Vins » et le CIVB, en partenariat avec le Crédit Agricole d’Aquitaine, était on ne peut plus d’actualité alors que les premières dégustations du millésime 2016 commencent à Bordeaux. Compte-rendu.
A quelques semaines de l’ouverture de la traditionnelle semaine des primeurs à Bordeaux, la question posée lors de « Des paroles et du vin » fait écho : « Comment tous profiter des primeurs ? Grands et ‘petits’ châteaux, grossistes, consommateurs… Comment relancer ce mode d’achat ? » Pour amener leurs arguments à ce débat co-animé par Rodolphe Wartel (directeur de la publication de Terre de Vins) et Jefferson Desport (journaliste à Sud Ouest) : Nathalie Despagne (propriétaire du château La Rose Figeac, Pomerol), Laurent Dufau (directeur général du château Calon-Ségur, 3e grand cru classé de Saint-Estèphe), Eric Garreau (directeur du pôle viticulture et grandes entreprises du vin au Crédit Agricole d’Aquitaine), Franck Lederer (directeur général de la maison de négoce Ginestet), et Fabrice Matysiak (acheteur Auchan retail France).
Parmi les invités, le consensus est de mise sur la nécessaire pérennité de ce système bordelais introduit par les grands crus classés dans les années 1970, et consistant en la vente par anticipation d’un vin encore en cours d’élevage, qui ne sera livré qu’environ deux ans plus tard. En terme d’image et de notoriété, c’est, selon Laurent Dufau, « un outil extraordinaire qui attire les flashes sur Bordeaux, une étape incontournable pour la visibilité et la valorisation de la marque ». Au château Calon Ségur, 90 à 95 % de la production des 55 hectares est vendue en primeur par la Place de Bordeaux. En pleine renaissance, cette « belle endormie » trouve naturellement son intérêt dans ce système, avec une demande amplement supérieure à l’offre.
Distribution de qualité
Le bon fonctionnement et toute la puissance des primeurs résident dans l’intérêt que chaque acteur, de la propriété au consommateur final, peut y trouver. Un équilibre précaire qu’il faut veiller à préserver. « Chacun doit pouvoir en vivre tout au fil de cette longue chaîne, rappelle Nathalie Despagne, à la tête depuis 2013 du château La Rose Figeac (Pomerol), propriété de 4,5 ha qui a pleinement intégré le système primeurs cette même année. Partie sans stock en 2013, elle a été épaulée par quelques courtiers qui l’ont aidée à intégrer le système primeur. Aujourd’hui, avec environ 20 000 bouteilles produites chaque année, elle salue la puissance promotionnelle et commerciale des primeurs, qu’elle a particulièrement ressentie en ce millésime 2016, où elle « a eu beaucoup de demande ».
Si ce système bordelais présente l’indéniable intérêt d’assurer trésorerie et débouchés aux propriétés, il doit être travaillé, de longue haleine, en concertation avec les différents maillons de la chaîne. « Nous sommes une courroie dans ce système, rappelle Franck Lederer, de la maison de négoce Ginestet, qui réalise 40 % de son chiffre d’affaires (80 millions d’euros) avec les grands crus, dont un tiers en primeur. « Nous sommes le bras commercial de la propriété. Il faut que l’on travaille en parfaite synergie avec elle. » Avec 70 pays couverts, la force de frappe de Ginestet est planétaire, grâce à trente commerciaux, dont huit dans le monde. Pour assurer la réussite du système primeur, notamment en 2016, trois clés incontournables selon le directeur général : la qualité évidemment, mais aussi la quantité afin de pouvoir satisfaire les différents marchés, et enfin un « juste prix ».
Autre incontournable de ce système, la banque, partenaire financier tout au long de l’année. « Les primeurs tirent la filière en avant, constate Eric Garreau, du Crédit Agricole d’Aquitaine. Les propriétés qui sortent en primeurs ont un fond de roulement, donc une capacité de développement. Il faut une vraie stratégie et une réflexion pour que le système fonctionne jusqu’au bout. Notre rôle est d’être là au quotidien pour porter le financement à long terme, car entre les primeurs et le retour sur investissement peuvent s’écouler deux à trois ans. » Et d’ajouter confiant « Tant que ce système offre de la création de valeur, il sera pérenne. »
Dernier maillon, et pas des moindres, le consommateur final, qui doit y trouver lui aussi son compte, et avoir la sensation de payer ce fameux « juste prix ». Pour Fabrice Matyziak qui suit les primeurs pour Auchan depuis une vingtaine d’années , les primeurs sont « une machine de guerre redoutable et très efficace, amenée à perdurer et encore se développer. » Mais l’acheteur vin insiste sur le pragmatisme indispensable au bon fonctionnement des primeurs en terme de prix : « il faut penser au marché français. Il y a un niveau de prix où le consommateur décroche en grande distribution, au-delà de 50€. Le cœur de l’offre doit se situer entre 15 et 30€ » constate-t-il.
Après la thématique des primeurs, prochain rendez-vous « Des Oaroles et du Vin » à la Cité du Vin le jeudi 15 juin pour parler développement durable.
Photos Mickael Boudot
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