Lundi 18 Novembre 2024
Auteur
Date
29.02.2016
Partager
Depuis la fin de semaine dernière, l’affaire a pris une ampleur qui dépasse le cadre du monde sportif ou de la filière viticole : la confirmation (et non le choix pour la première fois) d’un vin chilien comme « vin officiel » du Tour de France 2016 cristallise les tensions dans un pays qui aime décidément s’autoflageller.
Il y avait certainement eu des personnes pour s’en émouvoir il y a deux ans, mais elles étaient bien moins relayées dans leur indignation. L’annonce en fin de semaine dernière qu’un vin chilien, la cuvée Bicicleta du groupe Cono Sur, était confirmé – et non « choisi » pour la première fois – comme « vin officiel » du Tour de France lors des étapes qui se dérouleront en dehors de l’Hexagone (la Loi Evin interdisant sur notre territoire d’associer sport et alcool) a provoqué une levée de bois vert qui a largement dépassé le cadre du monde sportif et de la filière viticole.
Comme nous le rappelions il y a quelques jours, Cono Sur était déjà partenaire du Tour en 2014 et présent sur les trois premières étapes anglaises, puis en 2015 avec le départ à Utrecht et les trois étapes aux Pays-Bas et en Belgique. Cette année, la Grande Boucle doit passer en Suisse, en Andorre et en Espagne, c’est donc lors de ces étapes que la cuvée Bicicleta sera mise en avant. Par ailleurs, le partenariat entre ASO (Amaury Sport Organisation), l’organisateur de l’épreuve, et Cono Sur, serait prolongé jusqu’en 2017.
Les premiers à avoir réagi sont les représentants du Syndicat des vignerons de l’Aude, par la voix de leur président Frédéric Rouanet : « On se sent humiliés », a-t-il déclaré à l’AFP. « En France, le vin c’est sacré, nous faisons des vins prestigieux et le Tour fait partie de notre patrimoine culturel et sportif, c’est une vitrine, notre vin doit y figurer ». Et le syndicat de menacer : « Face à cette humiliation », les vignerons de l’Aude bloqueront le Tour 2016 « sur tout le territoire français, à des points stratégiques », et en appellent aux « autres régions productrices de vin à rejoindre » le mouvement.
Députés et présidente de région s’en mêlent
De nombreux médias spécialisés ont relayé cette colère, à commencer par le magazine britannique Decanter. Mais aussi le blogueur Vincent Pousson qui invite les viticulteurs audois à affronter la concurrence plutôt qu’à bloquer les routes, et fait état du courrier d’indignation adressé par huit députés de l’Hérault au Ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll – qui entre cette affaire et les huées du Salon de l’Agriculture, vit décidément une semaine sensible.
La dimension politique de cette affaire a continué à prendre de l’ampleur puisque dans le même temps, c’est Carole Delga, présidente de la Région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, qui a adressé à Christian Prudhomme, directeur du Tour de France, un courrier pour déplorer ce choix qui a « choqué nombre d’acteurs de cette filière si importante pour l’économie de notre région et de notre pays ». Le communiqué de la région précise ainsi les paroles de la présidente : « La Grande Boucle, c’est la fête du cyclisme, un sport populaire et accessible à tous. C’est aussi la fête de la France, de ses paysages et de ses terroirs. Parmi les richesses inestimables dont regorge notre région, il y a évidemment la vigne et le vin. En quelques décennies, nos viticulteurs ont, grâce à leur talent et à leur travail, permis à notre région d’être aujourd’hui appréciée et reconnue dans le monde entier, au sein d’un marché international particulièrement concurrentiel ».
Et le communiqué de préciser : les conditions contractuelles ne permettant pas à la direction du Tour de France de revenir sur cette décision, Carole Delga a proposé à Christian Prudhomme d’ouvrir exceptionnellement à la Région Languedoc Roussillon Midi Pyrénées, le 13 juillet prochain, les portes du Tour à Carcassonne, afin de pouvoir organiser une dégustation des meilleurs vins de la région auprès des invités et partenaires du Tour de France, en présence de producteurs locaux. Pour convaincre Christian Prudhomme de l’intérêt de cette opération, la présidente de Région a accompagné son courrier de 6 bouteilles de vin issues de quatre départements de la région que le Tour de France traversera: le Gers, l’Aude, l’Hérault et le Gard.
La rédaction de « Terre de Vins » a tenté la semaine dernière d’obtenir une réaction auprès de la direction d’Amaury Sport Organisation, qui n’a pas souhaité s’exprimer pour l’instant.
Articles liés