Samedi 23 Novembre 2024
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23.09.2017
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« C’est ma 40ème récolte et je n’ai jamais vu ça ! C’est un gel totalement anarchique : sur un même pied, on vendange de belles grappes et juste quelques grains de l’autre côté, poussés après le gel d’avril », constate Pascal Montaut, trois jours après avoir commencé à récolter ses rouges.
Au château les Jonqueyres, dans le nord de la Gironde, ce vigneron vendange à la main, un vrai avantage cette année car les vignes gelées ne sont pas concentrées en un même endroit, comme ce fut le cas lors du dernier épisode de gel de cette importance, en 1991.
Dans ses vieilles vignes à Saint-Martin-Lacaussade, près de Blaye, le travail avance rapidement. Sous un grand soleil et avec bonne humeur, les douze vendangeurs effectuent déjà un premier tri dans une parcelle de malbec, en laissant sur pied les raisins les moins mûrs.
Cachés par d’abondantes feuilles vertes, ces grains, dits de deuxième génération, se sont développés avec quelques semaines de retard par rapport à ceux des vignes non gelées.
Certains viticulteurs ont choisi d’effectuer plusieurs passages dans une même parcelle pour attendre une meilleure maturité et obtenir de meilleurs volumes, alors qu’une baisse de récolte de l’ordre de 40% est prévue à l’échelle du vignoble bordelais.
Pascal et Isabelle Montaut, eux, ont décidé de vendanger en une seule fois : moins mûrs et abondants que les autres, les raisins de deuxième génération devraient tout de même apporter « équilibre et fraîcheur » au vin grâce à leur acidité, estiment-ils.
Récolte courte et précoce
A une vingtaine de kilomètres de là, et à l’opposé de cette exploitation familiale, la cave coopérative des Vignerons de Tutiac, la plus grande de Gironde, a dû s’adapter différemment : ses machines à vendanger, semblables à de mini-moissonneuses batteuses, ne permettent pas de trier le raisin avec autant de flexibilité.
Ses 450 viticulteurs de la région de Bourg et Blaye vendangent par parcelle pour faire des cuvées à part : celles qui ont gelé entre 30 et 100%, soit 3.000 hectares, et les autres intactes, sur une superficie de 1.000 ha.
« Les raisins issus des vignes qui ont beaucoup gelé, plus acides et hétérogènes en maturité, nous allons en faire du rosé. Celles qui ont partiellement gelé, ce sera pour un vin gourmand sur le fruit, à boire rapidement », explique Paul Oui, responsable technique de cette coopérative de Marcillac (Gironde).
Ces lots pourraient aussi servir à être assemblés avec d’autres cuvées afin d’apporter de la fraicheur au vin, précise M. Oui.
Derrière lui, les bennes remplies de grappes défilent toute la journée à Marcillac avec une dizaine de jours d’avance.
Car après la pluie début septembre, qui a permis de chasser la sécheresse estivale, les viticulteurs s’activent : des foyers de botrytis (une moisissure aussi appelée « pourriture grise ») ont fait leur apparition et la récolte doit être vite rentrée.
Une fois livré, le raisin est débarrassé de sa rafle (la partie verte), feuilles et insectes avant de macérer dans d’immenses cuves en inox, dont une grande partie restera vide cette année avec seulement 100.000 hectolitres prévus contre 220.000 hl en 2016, soit une perte estimée entre 20 et 25 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Mais contrairement à 2013, qui avait également produit de faibles volumes, ce nouveau millésime s’annonce prometteur.
« Sur les parcelles qui ont gelé, il y a plus d’hétérogénéité et la vinification va être davantage technique, estime Eric Hénaux, directeur de la coopérative. Sur celles qui n’ont pas gelé, le climat nous a apporté une très grande qualité ».
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