Samedi 23 Novembre 2024
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25.04.2018
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1818-2018. Voilà 200 ans que naissait le premier rosé d’assemblage connu chez Veuve Clicquot. Le début d’une nouvelle technique de vinification qui s’est répandue dans toute la Champagne. Et qui fait toujours ses preuves.
Les Champenois lui disent merci. Si elle a (ou peut-être pas) « inventé » le rosé d’assemblage, Barbe-Nicole Clicquot-Ponsardin, alias Veuve Clicquot, fait certainement partie des chefs de caves qui ont œuvré à rationaliser les procédés d’élaboration du champagne rosé. Au début du 19e siècle en effet, la teinte était obtenue de façon plus ou moins volontaire (pressurage ou macération mal maîtrisés) ou par ajout de « liqueur de Fismes », une décoction à base de baies de sureau.
Veuve Clicquot déclara un jour « Nos vins doivent flatter à la fois l’œil et le palais » et formalisa en 1818 la technique qu’elle systématisa au sein de sa maison de champagne. A savoir, l’assemblage d’une petite quantité de vin rouge – elle possédait des vignes à Bouzy, grand cru réputé pour ses rouges – à ses vins blanc de base, avant la prise de mousse.
Il faut bien comprendre toute l’incidence technique du procédé, une exception que revendique la Champagne. Dans la plupart des régions viticoles en effet, la couleur est obtenue par macération et extraction des pigments de couleur situés dans la peau du raisin, avant puis pendant la fermentation.
En Champagne, on ajoute une petite quantité de vin rouge de Champagne à un vin blanc de Champagne, avant de repartir dans la deuxième fermentation « prise de mousse », puis l’élevage. C’est donc une étape intermédiaire du processus de vinification, non une « coloration » finale ou initiale.
Cette technique est devenue la norme en Champagne. « Chez Veuve Clicquot, nous élaborons toujours notre rosé selon la méthode de Madame Clicquot inventée il y a 200 ans confirme Dominique Demarville, chef de caves. Ce savoir-faire traditionnel nous permet de créer des cuvées de rosé à la fois précises, intenses et élégantes. »
La preuve par l’archive
L’autre grand génie de Madame Veuve Clicquot était peut-être de tout noter. Comme toute société de luxe, Veuve Clicquot/LVMH chérit ses racines, donc ses archives. Tous les documents officiels et comptables, tous les écrits, toutes les correspondances, tous les brouillons de Madame Veuve Clicquot et les carnets de cave ont donc été cartographiés, répertoriés, numérisés à la virgule. Si bien que le service « Patrimoine » de Veuve Clicquot Ponsardin (VCP) peut attester de cette création en 1818 grâce à un livre de tirage de l’époque. Irréfutable.
Un détail ? Pas vraiment. Car lors de la constitution européenne et des lois agricoles, les fonctionnaires de Bruxelles voulaient rationnaliser la technique d’élaboration du rosé, supprimant l’exception champenoise. Ce sont les archives de Veuve Clicquot qui ont réussi à prouver l’antériorité de cet us et coutume, permettant à la Champagne de continuer à pratiquer les rosés d’assemblage. CQFD.
Un anniversaire en grande pompe
Pour Veuve Clicquot, ce 200e anniversaire du champagne rosé d’assemblage nécessitait une grande fête et, comme toujours chez VCP, des petits clins d’œil marketing. C’est tout d’abord un nouveau format jéroboam pour le Veuve Clicquot Rosé non-millésimé, dont la coiffe noire « édition limitée « 1818 – 2018 » s’ouvre en découvrant un message caché « En 1818, Madame Clicquot inventa le premier Rosé d’assemblage ». C’est ensuite un coffret « gâteau d’anniversaire » composé de pots de peinture gigognes, qui s’empilent en formant un rafraîchissoir.
Enfin, cet anniversaire a donné l’occasion unique de plonger dans l’œnothèque et démontrer, s’il en était besoin, la pertinence de la technique d’assemblage pour élaborer des champagnes rosés qui défient le temps.
Cave Privée rosé 1990 (dégorgé 2000, 17 % de Rouge, dosage 5 g/l) : robe cuivrée. Nez intense, sur les épices et le pruneau. En bouche, bois précieux et exotique. Raisin de corinthe et gamme d’épices speculoos-biscuit bastogne. Ecorces d’oranges confites et notes empyreumatiques qui augmentent à l’aération. En bouche, profondeur, richesse, opulence.
Cave Privée rosé 1989 (dégorgé 2008, 12 % Rg, dosage NC) : robe orange nacré assez claire. Nez de fruits à l’alcool, mirabelle, agrumes (kumquat). Bouche très serrée, beaucoup de tension et grande stabilité de la colonne vertébrale tonique et minérale. Arômes d’agrumes confits, marmelade d’oranges anglaise. Après une vingtaine de minutes d’aération, touches curry.
Vintage rosé 1985 (dégorgé 1998, 15 % Rg, 10 g/l) : robe plus foncé. Pâte de fruits confite, truffe blanche, cranberries. Bouche pâte de coing, orange confite, légère amertume cacaotée type gâteau Reine de Saba. Avec ce champagne, on ouvre un deuxième registre en termes de vinosité, de concentration et de complexité d’arômes. A l’aération, le fruit rouge confit cranberry ressort.
Cave Privée rosé 1979 (dégorgé 2011, 19 % Rg, 4 g/l) : la couleur devient clairement orangée. Le nez est complexe. Figue, date, grain de cacao – Reine de Saba, mangue sèche. L’équilibre en bouche est parfait, un cas d’école. Complexité des arômes, avec de l’empyreumatique et du Grand Marnier. A l’aération, plus oxydatif, la liqueur d’orange ressort nettement.
Cave Privée rosé 1978 (dégorgé 2008, Rg 14 %, 4 g/l) : robe couleur écorce d’orange tuilée. Nez « 1001 nuits » d’épices douces, de loukoum (rose fanée), d’abricot sec, de Figolu. En bouche, complexité et matière, tandis que la salinité fait saliver. Aromatique d’écorces d’agrumes, associé à du racinaire. A l’aération, à la fois humus et mandarine macérée à l’alcool.
Vintage rosé 1961 (dégorgement NSP, Rg 12 %, dosage NSP) : robe très brillante, retrouvant des tons or-orangé. On quitte le registre du fruit pour celui du crocus et du pistil-safran. Côté minéral, pierre volcanique, roches cristallines. Bouche fascinante de droiture et de tension. Encore du peps et une forme d’amertume salivante peau d’agrume albédo. A l’aération, safran jasminé.
Vintage rosé 1947 (14,5 % de vin rouge) : la robe est plus trouble, elle a perdu sa brillance or pour des reflets tuilés. Le nez est plus ténu, d’abord butyrique puis écorces d’oranges séchées. En bouche un peu feuilles de tabac, orange acidulée, amertume un peu poudreuse. L’aération le fatigue vite. Un vin-témoignage. Respect.
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