Dimanche 22 Décembre 2024
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06.02.2012
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Tempête dans un verre de vin. Lors d’une interview accordée au magazine anglais Decanter, Michel Chapoutier s’est montré très critique envers les défenseurs des vins dits « natures ». Des propos qui ont suscité une vive polémique dans le monde du vin, et sur lesquels l’intéressé a tenu à apporter quelques précisions.
Dans le numéro de mars du magazine Decanter, Michel Chapoutier, incontournable figure de la vallée du Rhône, se livre à une attaque en règle contre le vin dit « nature » et ceux qui s’en réclament. Une diatribe qui a rapidement suscité une vive polémique entre « pros » et « antis » nature. Après avoir apporté dès mercredi quelques précisions sur la page Facebook de la Maison Chapoutier, le principal intéressé revient sur le sujet pour Terre de Vins.
Michel Chapoutier, pouvez-vous clarifier vos propos tenus dans Decanter ?
J’ai souhaité dénoncer une utilisation abusive du terme « nature », qui pour moi n’a aucun sens. Il faut revenir à l’essence même du vin, de la fermentation et du principe de décomposition. Le vin est issu d’une fermentation alcoolique (les levures transforment le sucre en alcool) suivie, naturellement, d’une fermentation acétique (les bactéries acétiques transforment l’alcool en acide ethanoique) : c’est, en un mot, du vinaigre. Tout l’art du viticulteur, c’est d’intervenir sur ce procédé naturel pour obtenir du vin, et non du vinaigre. Le « vrai vin » n’a donc rien de naturel : c’est à cet abus de langage que je suis hostile.
Vous deviez bien vous douter que ces propos allaient susciter quelque émotion…
Bien sûr ! Mais je voulais justement qu’on en parle. Il y a beaucoup de chapelles, beaucoup de polémiques, notamment autour des vins dits « natures ». Certains sont extrémistes, et dans quelque domaine que ce soit, l’extrémisme finit toujours par desservir sa cause. Je ne connais aucun bon extrémisme.
Et à titre personnel, que pensez-vous de ces vins natures ?
Il y a parmi eux des vins intéressants, de bons vins, de très bons vins même. Il y a quelques jours je me suis régalé d’un Morgon de Lapierre… Il y a du bon dans toutes les démarches : bio, biodynamie, culture raisonnée. Mais il faut être précis dans les termes. Pour moi, le vin ne peut pas être fait sans intervention, sans la maîtrise du vigneron. Le « zéro SO2 », cela induit une anomalie des levures, et une instabilité certaine. D’ailleurs, il vaudrait mieux appeler cela du « vin sans soufre », mais pas du « vin nature ». Et ne pas se moquer du monde : lorsqu’on décide de faire ce type de vin , de travailler sans filet, on en accepte les risques, et lorsqu’il y a des dérives organoleptiques, on ne vient pas vendre ça comme du « goût de terroir ». Après, je respecte ceux qui aiment ces vins, ces goûts. Cela doit être pour certains une madeleine de Proust, il y a une forme de romantisme là-dedans. Mais que l’on cesse de dire que c’est du vin « nature ».
Propos recueillis par Mathieu Doumenge
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