Lundi 23 Décembre 2024
(crédit photo : Bordeaux Excellence)
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14.05.2019
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Le symposium qui se déroule aujourd’hui à Vinexpo posera les enjeux du réchauffement climatique sur le vin. Nous vous dévoilons les grandes lignes d’une étude exclusive se projetant en… 2050.
Se projeter dans le temps, avec le réchauffement climatique est une étonnante boîte à fantasme laissant libre cours aux scenarios les plus farfelus. Fera-t-on du Porto à Bordeaux ? Du champagne dans le Sussex ? C’est pour ramener raison et pertinence scientifique que Vinexpo organise le symposium sur l’impact du changement climatique sur les vignobles. Une étude exclusive qui se projette à l’horizon 2050 a été réalisée par Patrice Geoffron, directeur de l’équipe énergie climat de Paris Dauphine. Elle sera dévoilée aujourd’hui. Le journal « Sud Ouest » a pu la consulter.
Premier constat : « La viticulture a amplement démontré au cours des millénaires sa résilience avec une capacité d’adaptation sans égale parmi les activités agricoles». Une donnée mise en regard avec les 7,4 millions d’hectares cultivés dans le monde dans quelque 70 pays. Face au dérèglement climatique le monde, au sens propre, viticole ne devrait pas être pris au dépourvu rompu à des adaptations depuis le début des années 80 en ayant « dédié beaucoup d’efforts à l’évolution de ses pratiques, qu’il s’agisse de s’adapter à des contraintes nouvelles ou de réduire l’empreinte environnementale des productions », relève l’universitaire. Qui ajoute : « La question n’est pas uniquement de savoir comment sélectionner techniques viticoles et cépages, mais quelle place trouvera le vin dans des sociétés du XXIème siècle plus instables, voire chaotiques ».
Question de degrés
Il semble évident que les transformations pour la viticulture seront d’abord imposées par le climat. Patrice Geoffron, retient deux hypothèses. La première: si l’application de l’accord de Paris échoue , la température pourrait augmenter de deux degrés d’ici à 2050: « Les incertitudes du climat futur constitueront de toute façon une menace pour l’activité ». Autre option : « En revanche, si l’Accord de Paris conduit à une action vigoureuse et rapide il est encore possible, selon le GIEC 5 , de maintenir la progression de la température à 1,5°C en 2100, ce qui signifierait un climat modérément indiqué en 2050 pour la viticulture. Certes l’effort à accomplir est drastique, en ramenant en 2050 le niveau d’émissions de CO2… à celui de 1950. Cette trajectoire est la seule qui permettrait à la viticulture de s’adapter sans bouleversements majeur ».
Qui boit quoi ?
Face à cela il s’agit de s’adapter : nouveaux porte-greffes, modification de l’encépagement, réduction de l’effeuillage. « Toutefois, il est manifeste que les coûts et les conséquences économiques de ses différents modes d’adaptation sont hétérogènes, les plus drastiques impliquant de nouveaux sites de production et/ou de nouveaux cépages. Les solutions radicales pourraient conduire à s’éloigner de zones traditionnelles de production et à produire des vins différents ».
Le vin, les secteurs de production pourraient changer, mais in fine celui celui qui trempe ses lèvres dans un verre reste un mystère. Les fameux millenials qui semblent manifester « un intérêt moins marqué que les générations précédentes pour le vin, cette caractéristique ne permettant pas de relayer la consommation déclinante de baby-boomers sur les marchés mature ». Pour se consoler, le vin seul ne sera pas victime du changement climatique : la bière ou le whisky en subiront eux aussi les effets (avec l’orge) : « Les cartes pourraient être plus largement rebattues ». L’auteur de l’étude entend dès à présent déconstruire le mythe naissant des nouveaux El Dorado, comme le sud de l’Angleterre, expliquant : « Les régions traditionnelles s’adapteront, certes au prix de transformations de leurs vins ; la demande à long terme est incertaine en volume et dans les attentes des consommateurs; dans une économie mondiale plus instable, du fait du changement climatique, le ferme ancrage des nouvelles zones de production n’est pas assorti de garanties ». Bref on sait qu’on ne sait encore encore pas. Quoiqu’il en soit la lutte contre le réchauffement, n’en déplaise aux sceptiques, émarge au rang de priorité. Enfin, note Patrice Geoffron: « L’atout maître de la viticulture est de disposer de la légitimité de lanceur d’alerte: l’activité est ancrée dans suffisamment d’écosystèmes (Patagonie, Scandinavie, méditerranée) pour témoigner de la rapidité des dérèglements climatiques et faire pression sur les politiques publiques ».
Par Xavier Sota pour Sud-Ouest
FOCUS : Bordeaux cuvée 2050
Un laboratoire de recherches a présenté lors de la COP 24, fin 2019, un vin censé anticiper le goût d’un Bordeaux en 2050 en intégrant le réchauffement climatique. l’hypothèse retenue a été de cultiver des Cabernet -Sauvignon et du Merlot à 50-50, mais sous un climat plus chaud et plus secs (type sud de l’espagne aujourd»hui) avec un cycle végétatif nettement accéléré. Au final le résultat est loin de ce que nous connaissons: «La Cuvée Bordeaux 2050 présente une expression plus dense et moins élégante, dominée par des arômes de fruits très mûrs, offrant une évolution en bouche assez tannique, avec
une finale sèche et amère».
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