Vendredi 22 Novembre 2024
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16.02.2016
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« Nous avons tous dans notre cave une bouteille de rosé oubliée. Ne la jetez pas ! Inventez un accord inédit ! » Pour fêter les dix ans du domaine du Chêne Bleu (Vaucluse), Nicole Rolet, sa propriétaire et Jean-Louis Gallucci, son directeur technique présentent une verticale de rosés sur dix ans, afin de répondre à la question : « les rosés peuvent-ils vieillir ? ». Et démontrer que la réponse est bien « oui ».
Le domaine du Chêne Bleu fête ses dix ans de production de vin, « mais l’histoire est beaucoup plus ancienne », précise Nicole Rolet qui en est la propriétaire avec son mari Xavier. « Le domaine viticole a été créé au IXème siècle. Quand nous l’avons racheté nous avons commencé par refaire les bâtiments d’habitation alors que nous découvrions le passé historique de ce vignoble médiéval. Petit à petit nous avons été convaincus de son potentiel et nous avons refait la cave, replanté les vignes… Le chai a été terminé en 2006 mais nous n’avons commencé à commercialiser nos vins que cinq ans plus tard… A l’exception des rosés ! »
« Nous ne voulions pas vendre du rosé avant que nos rouges soient prêts, explique Jean-Louis Gallucci, le beau-frère de Nicole et directeur technique du domaine », mais dès 2006 nous avons fait goûter notre rosé à des clients britanniques qui ont voulu en acheter et nous avons improvisé cette étiquette « label under construction ». Évidemment, aujourd’hui cette bouteille est collector ! »
Dix ans plus tard, le rosé est orangé. S’il n’a rien perdu de sa fraîcheur, les arômes ont évolué. Et selon les millésimes on constate des différences de style que l’âge a affirmées.
Chronique d’une verticale
2006 : le vin est concentré, avec des arômes très nets d’écorce d’orange amère, de fleurs fraîches et de fleurs séchées. La bouche est dense, avec une jolie rondeur de texture que tranche une acidité très fraîche.
2007 : moins intense, ce vin est bâti sur un panier d’épices très complexes, qui va du poivre noir à la muscade en passant par des notes de paprika.
2008 nous installe dans une ambiance forestière avec des arômes de truffe, de fraise des bois mais aussi une note d’agrume de clémentine.
2010 est le premier rosé du domaine à avoir été fermenté en barrique puis élevé sous bois pendant trois mois pour 25 % des volumes (les 75% restants sont vinifiés classiquement en cuve inox). Ce mode d’élevage apporte de la complexité aux vins et la micro-oxygénation à travers le bois poreux des barriques leur donne le souffle nécessaire pour se prêter au vieillissement.
2014 : millésime où la coulure* a affecté les rendements des grenaches. En contrepartie de petites quantités vendangées, le vin est joliment dense et structuré autour d’un bouquet entre fleur (acacia, pivoine) et fruit (pêche, kumquat). « Nous avons toujours travaillé en pressurage direct et visé la production de rosés clairs. Mais vous le voyez, même si nous extrayons peu de matière, la structure et la richesse aromatique sont là ! »
2015 sera mis en bouteille la semaine prochaine. Il est encore assez fermé mais montre un beau potentiel aromatique.
Le meilleur des deux Rhône
« Nous devons la précision aromatique et la fraîcheur de nos vins à nos sols préservés de toute agriculture intensive depuis toujours et à l’altitude de nos vignes », explique Nicole Rolet, « les parcelles les plus hautes sont à 550 mètres et nous expérimentons des plantations encore plus haut. Nous avons donc le meilleur du Rhône du Sud, où nous sommes situés, au pied du Mont Ventoux, et le meilleur du Rhône du Nord, dont nous avons une partie des caractéristiques climatiques grâce à l’altitude : nos vins ont à la fois la matière et la concentration du premier et l’élégance, la retenue du second. »
« Nos choix de vinification (la fermentation et le court élevage en barrique d’une partie des volumes, notamment) nous ont d’ailleurs permis de bâtir un véritable rosé de gastronomie, taillé pour la garde. Le 2010 n’a rien à envier en fraîcheur au 2014. Et quand on remonte plus loin, les vins restent agréables et très intéressants », constate Jean-Louis Gallucci. A condition de repenser les accords mets-vins, car les rosés évolués ouvrent tout un univers aromatique insoupçonné fait d’épices complexes et d’agrumes en jus, en zeste et en confit.
« Jeunes, nos rosés sont à l’aise à l’apéritif, sur les entrées légères, les poissons blancs. Avec l’âge, ils ne perdent rien en acidité mais ils gagnent en gras, en complexité aromatique pour de belles rencontres avec des fromages, des viandes blanches et des poissons gras nappés de belles sauces au poivre, au curry, à l’orange ou au citron ». N’ignorons plus les richesses oubliées au fond de la cave !
*La coulure désigne une floraison faite dans de mauvaise conditions (pluie, vent), qui ont empêché la fécondation des fleurs et donc la formation des fruits. Le grenache est particulièrement fragile à la coulure.
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