Lundi 25 Novembre 2024
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20.03.2015
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Tempête dans un verre de Sauternes. La polémique bat son plein depuis quelques jours. Ô rage, ô sacrilège ! La château Bastor-Lamontagne a fait découvrir dans un bar branché parisien un cocktail sauternes-Perrier.
Et la toile de s’enflammer et de s’offusquer d’une opération purement marketing pour laquelle le célèbre liquoreux bordelais aurait vendu son âme. Question de principe puisque personne alors n’avait goûté le cocktail en question, moitié sauternes, moitié Perrier, un trait de citron et deux glaçons (meilleur a posteriori avec deux tiers de sauternes et un seul glaçon, voire du Perrier frais). Bref, le sujet n’était pas, hélas, de savoir si le breuvage plaisait ou non aux consommateurs de 25-35 ans à qui il était destiné et qui n’étaient pas au départ amateurs de sauternes. Le débat ne portait que sur l’idée.
Et le président des vins de Bordeaux Bernard Farges de rappeler que « les vins à IG (indication géographique, NDLR) ne pouvaient s’engager sur ce chemin de communication trop large, voire dangereux, qui allait a l’encontre de la défense même des appellations et qu’il fallait à la rigueur laisser ça aux vins sans IG ». Le vice-président Allan Sichel modérait quelque peu le propos en rappelant que « l’opération n’était qu’une animation d’entreprise et un outil de communication anecdotique qui ne pouvait devenir un nouveau mode de consommation ». La messe était dite.
La génération Y au secours du sauternes
Au delà du coup médiatique réussi, ne serait-ce que parce qu’il fait parler du sauternes entre deux fêtes de fin d’année, de quoi s’agit-il? « Évidemment pas de mettre du Perrier dans un grand cru classé de Sauternes, assure Michel Garrat, directeur de Bastor-Lamontagne, déjà à l’initiative il y a cinq ans d’un nouveau vin So Sauternes au style plus léger et fruité. Nous voulons essayer de repositionner le sauternes, considéré comme un vin de dessert, en début de repas comme l’a fait le champagne depuis 30 ans ou même avec une pizza. Tous les sauternes ne sont pas adaptés à cet exercice. Ce sont plutôt des vins initiatiques élaborés à base de jeunes vignes, moins concentrés, et coiffés d’une capsule à vis qui ne fait pas fuir les nouveaux consommateurs ». Une façon d’attirer l’attention de la génération Y qui pourra prendre plaisir dans 5 ou 10 ans à un grand cru car elle sera déjà familiarisée avec l’appellation. Le cognac, produit d’appellation d’origine contrôlée, n’a-t-il pas su développer la consommation en cocktail (80% de la consommation mondiale) avec ses VS aux côtés des XO de dégustation ? Faut-il rappeler qu’en France, il est presque mort de s’être enfermé dans un décor « fauteuil club-cheminée-cigare »? Doit-on attendre que le soldat Sauternes meurt en attendant le prochain foie gras de Noël sans compter les pseudo amateurs répétant a l’envi leur intérêt pour ces magnifiques liquoreux tout en ajoutant systématiquement « Mais je ne sais jamais avec quoi les boire »… Les premiers grand crus classés ne vivent-ils pas également avec leur 2ème, 3ème, 4ème vins ? « Mieux vaut renouveler la consommation de nos vins, quitte à paraître iconoclastes, plutôt que de devoir en faire des blancs secs ou arracher nos vignes » rappelait non sans bon sens Florence Cathiard, récente copropriétaire de Bastor-Lamontagne. So Sauternes pourrait même devenir une marque collective et être prochainement élaborée en collaboration avec Rayne-Vigneau pour passer de 15 000 à 50 000 bouteilles en 2-3 ans. On peut sans doute reprocher au nouveau cocktail baptisé So Perrier de ne pas être assez Sauternes dans son nom. En ce qui concerne l’idée, reste à attendre sans a priori le verdict des comptoirs.
Frédérique Hermine
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