Vendredi 22 Novembre 2024
(photos Ilka Kramer)
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27.06.2022
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L'appellation vauclusienne, reconnue Cru depuis 1971, a fêté son "demi-siècle" avec quelques mois de décalage pour cause de crise sanitaire. L'occasion de faire le point sur les atouts et le dynamisme d'un vignoble figurant désormais parmi les plus prestigieux du Rhône méridional, sous l'ombre tutélaire des Dentelles de Montmirail.
Un demi-siècle, c'est une étape hautement symbolique qui exige une célébration digne de ce nom. Mais quand une crise sanitaire mondiale entre dans l'équation, les festivités s'en voient forcément chamboulées. Alors que l'appellation Gigondas devait fêter en 2021 le cinquantième anniversaire de son accession au rang de Cru de la Vallée du Rhône, la suite des effets de la pandémie de Covid-19 a obligé sa direction à décaler le programme des événements liés à ce cinquantenaire. "S'il l'avait fallu, on aurait décalé encore d'un an, ou de deux, autant de fois qu'il le fallait mais il était inenvisageable de ne pas marquer cet anniversaire", explique Louis Barruol, propriétaire du château de Saint-Cosme et président de l'appellation Gigondas, à l'issue d'une journée d'immersion dans le vignoble réservée aux professionnels et destinée à donner le "la" des événements qui ont débuté ce printemps et se tiendront jusqu'à la fin de l'année : après les balades à vélo "à la croisée des terroirs" au mois de mai, ce sont quelques temps forts comme la Paulée de Gigondas (le 11 juillet), la rétrospective de photographies "Nous, Vignerons de Gigondas" (du 20 juillet au 31 août), "Gigondas sur Table" (le 18 juillet) ou encore les ateliers sensoriels (du 8 juillet au 31 août) qui vont ponctuer cette année 2022 qui est, de facto, celle du cinquantenaire - voir le programme complet ici et ici.
La tectonique selon Georges Truc
Si vous trouvez que cette belle appellation quinquagénaire "ne fait pas son âge", c'est normal : ses racines sont beaucoup plus anciennes ! Ici, on cultive la vigne au moins depuis l'Antiquité Romaine, comme en atteste l'étymologie du nom du village : du latin Jocunditas, "l’allégresse". Longtemps membre de la famille des Côtes-du-Rhône Villages, Gigondas accède finalement au statut de Cru en 1971. Une reconnaissance pour la qualité de ses vins, qui rivalisent dans le cœur de bien des amateurs avec ceux du "grand voisin" Châteauneuf-du-Pape, et surtout pour la singularité de ses terroirs, placés sous la protection des majestueuses Dentelles de Montmirail.
Pour comprendre Gigondas et l'identité de ses vins, il faut se plonger dans les paysages et dans l'histoire géologique de ces Dentelles. Et pour cela, rien ne vaut le meilleur des guides : Georges Truc, "œnogéologue" et encyclopédie vivante des terroirs de la Vallée du Rhône. Le pied toujours alerte à 80 ans, il arpente, même sous les températures élevées de ce mois de juin, les déclivités de ces sublimes formations géologiques, qui se sont déployées à partir du Secondaire (dans le "bassin vocontien" du Mésozoïque, -250 à -65 millions d'années environ) par des dépôts importants de gypse et de sel, puis au Jurassique (-65 millions d'années) par l'alternance de dépôts calcaires et marneux, puis au Tertiaire par la formation de la Faille de Nîmes qui est venue fracturer l'ensemble, tracer les trois lignes montagneuses qui se hissent jusqu'à 730 mètres et qui constituent aujourd'hui le paysage de l'appellation avant une lente érosion au Quaternaire : "les Dentelles sont des formations calcaires qui ont été repoussées par un phénomène tectonique d'une grande puissance", souligne Georges Truc, "et c'est la combinaison entre ce calcaire et une matrice de marnes argileuses qui constitue le trésor des Dentelles de Montmirail". Ces dernières ne concernent en réalité que 30% de la surface du vignoble tandis que la partie de vignes en plaine, reposant sur des sols de colluvions, un "cône de déjection" fait de fragments calcaires, de sables empruntés au Tertiaire et d'argiles du Crétacé.
Voilà pour la photographie des terroirs et paysages de Gigondas. En quelques chiffres, l'appellation couvre aujourd'hui un peu moins de 1200 hectares, est animée par 220 opérateurs, et produit à plus de 99% du vin rouge, avec une toute petite part de rosé. Toutefois, un projet de Gigondas blanc est très avancé dans les bureaux de l'INAO et pourrait voir le jour dès 2023. Clairette et bourboulenc auraient leur carte à jouer sur ces terroirs où, actuellement, le grenache domine en monarque quasi-absolu, escorté des incontournables syrah et mourvèdre en "cépages secondaires". Face aux effets du réchauffement climatique, de nombreux vignerons se tournent de plus en plus vers les cépages "complémentaires" pour apporter de la fraîcheur aux vins, comme la counoise et surtout le cinsault - ce dernier est d'ailleurs candidat à devenir cépage secondaire, à hauteur de 20% de l'encépagement.
La grande force de Gigondas est cette combinaison entre une réputation bien installée depuis plus de 50 ans, qui en fait sans conteste la seconde appellation du Rhône méridional la plus célèbre à travers le monde (32% d'export), la qualité de ses terroirs et le caractère à la fois généreux, authentique, puissant et minéral de ses vins. Mais c'est aussi le dynamisme qui irrigue sa communauté de vignerons, où de jeunes talents émergent en s'appuyant sur le savoir-faire des anciens et sur des locomotives inestimables, comme les familles Perrin et Amadieu. C'est ce sens du collectif qui transparaissait lors du superbe dîner donné au Clos des Tourelles, propriété de la famille Perrin, en conclusion de la journée d'immersion dans le vignoble réservée aux professionnels. En présence de Jean-Pierre et François Perrin, mais aussi de Pierre Amadieu, du président d'Inter-Rhône Philippe Pellaton et de quelques autres figures de l'appellation, Louis Barruol, le président de Gigondas, n'a pas caché son émotion au moment de rendre hommage aux membres du bureau qui, en 1971, avaient "décroché" la reconnaissance en cru, puis à tous les présidents qui l'ont précédé et étaient ce soir-là autour de la table, à commencer par Rolland Gaudin qui fit partie des "pionniers" et présida le Syndicat de 1980 à 1995. "On n'a pas de raisons d'être orgueilleux, mais on a de bonnes raisons d'être fiers", soulignait Louis Barruol en rappelant le chemin parcouru depuis 50 ans et le fait que "la transmission, ça se construit tous les jours". Portés par l'inspiration en cuisine de Laurent Deconninck, chef du restaurant étoilé L'Oustalet, et par la beauté de quelques vieux millésimes remontant jusqu'à un Domaine du Cayron 1971 encore plein de vitalité, les convives du soir n'avaient plus qu'à savourer le délice suspendu d'une nuit en Dentelles.
Gigondas : quelques domaines à suivre
Domaine Santa Duc. La référence, ou du moins l'une des références de l'appellation, par sa régularité et sa constance. Ancrée depuis 150 ans à Gigondas, la famille Gras signe depuis plusieurs générations de superbes vins de terroirs. Yves Gras, et depuis 2016 son fils Benjamin, ont converti les 38 hectares du domaine au bio puis à la biodynamie, signant des cuvées remarquables d'élégance, de fraîcheur et de souplesse, qu'il s'agisse des "Lieux-Dits", du "Clos Derrière Vieille" ou des "Hautes Garrigues".
Château de Saint-Cosme. Un autre domaine historique, et non des moindres, puisque ses origines remontent à l'époque gallo-romaine et qu'il se trouve dans la même famille depuis la fin du XVème siècle. Louis Barruol, par ailleurs président de l'appellation, défend une viticulture vertueuse et engagée, et signe sur es 22 hectares des vins de précision et de caractère, auxquels s'ajoutent une activité de négoce.
Pierre Amadieu. "Vignerons éleveurs" depuis 1929, la famille Amadieu fait partie des locomotives de Gigondas dont le dynamisme, incarné par une nouvelle génération (Pierre, Jean-Marie, Henri-Claude, Marie...) n'est plus à démontrer. Si leur activité de vignerons et négociants leur permet d'explorer d'autres terroirs du Rhône méridional, les Amadieu restent profondément associés au nom de Gigondas, qu'ils valorisent à travers trois cuvées : Domaine Grand Romane, Romane-Machotte et Le Pas de l'Aigle.
Domaine du Clos des Tourelles. On ne présente plus la famille Perrin qui, avec son château de Beaucastel à Châteauneuf-du-Pape, le succès de la marque "La Vieille Ferme" mais aussi l'aventure Miraval au côté de Brad Pitt, s'est forgé un nom internationalement reconnu. À Gigondas, les Perrin possèdent le Clos des Tourelles, une dizaine d'hectares où les vieux grenaches s'expriment en majesté. On n'oublie pas bien sûr l'escale gastronomique incontournable de la région, L'Oustalet, où le chef Laurent Deconninck détient une étoile au Guide Michelin.
Domaine Raspail-Ay. Christophe Ay fait partie des jeunes vignerons de l'appellation et il reprend brillamment le flambeau de son père Dominique pour signer des vins qui se singularisent par leur long élevage en foudre, ce qui leur confère de la patine, une densité soignée et un toucher tannique de très belle définition. Un très grand potentiel de garde et un vrai coup de cœur.
Domaine des Bosquets. Julien Bréchet ne manque ni d'idées ni d'envies. Détonnant au sein de l'appellation, il déploie une gamme très large, signant sur ses 26 hectares plusieurs cuvées parcellaires vinifiées et élevées de façons distinctes, pour extirper la substantifique moelle de ses terroirs. Revenu aux manettes du domaine familial en 2009, et totalement "en contrôle" de son style depuis 2015, il poursuit son inlassable quête de précision millésime après millésime.
Domaine Montirius. Pionnier de la biodynamie sur l'appellation, puisque les 63 hectares (sur les appellations Vacqueyras, Gigondas et Côtes-du-Rhône) sont certifiés depuis 1999. Christine et Eric Saurel, qui ont amorcé cette révolution au domaine familial, ont été rejoints il y a dix ans par leurs filles Justine et Manon. La boucle et bouclée : avec celui de leur frère Marius, leurs prénoms ont inspiré le nom du domaine, "Montirius".
Et aussi : Domaine Les Goubert, Domaine Pesquier, Domaine Font-Sane, Domaine Notre Dame des Pallières...
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