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Champagne Deutz : que reste-t-il de nos Amours ?

Auteur

Yves
Tesson

Date

12.07.2022

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La Maison Deutz lance Deutz Berceaux Vinothèque Wines, une collection de 6000 flacons dont les millésimes se succèdent de 1982 à 2002, et qui seront proposés principalement via la grande restauration. Nous avons pu découvrir ces cuvées lors d’une verticale organisée au Peninsula, l’occasion de revenir sur les premiers pas de la fameuse cuvée Amour et de mieux comprendre sa singularité.

En dégustant la vinothèque du champagne Deutz, nous avons bien-sûr été éblouis par l’ensemble des vins, mais si nous devions retenir un seul élément, ce serait la constance du style de sa cuvée Amour et sa relative originalité par rapport aux autres blancs de blancs champenois.Le premier trait qui ressort, c’est qu’aucun de ces millésimes ne développe les arômes pâtissiers habituels qui rendent les vieux chardonnays parfois un peu lourds. Idem pour le côté miellé, très peu présent, si on excepte peut-être 1998. La cuvée garde toujours sa fraîcheur et surtout son élégance, malgré la patine du temps qui l’étoffe tout au plus de quelques notes épicées ou confites.

Le deuxième trait, c’est ce paradoxe qui fait qu’en dépit d’une proportion importante de terroirs réputés austères et très minéraux comme le Mesnil, tous ces opus n’ont pas une salinité et une minéralité très marquées, mais s’expriment plutôt sur des registres très fruités. Michel Davesne, le chef de caves explique : « Nous tempérons la minéralité du Mesnil notamment par le gras d’Avize, mais aussi en vendangeant au Mesnil parmi les derniers pour aller chercher un maximum de maturité. Je suis convaincu que sur un terroir aussi minéral, c’est indispensable, sinon trop c’est trop, la minéralité devient excessive ! » Le millésime 2002 d’Amour en est certainement l’une des plus belles expressions, avec ses notes explosives d’ananas et d’abricot que l’on déguste avec d’autant plus de plaisir qu’elles sont portées par une texture d’une incroyable onctuosité.

Au cours de la verticale, le nom de la cuvée Amour disparaît pour céder la place uniquement au Blanc de blancs millésimé. Et pour cause, ce monstre sacré déjà entré dans la légende de la Champagne est en réalité une création récente. Elle est le fait de Fabrice Rosset, l’actuel président. A l’époque, en 1994, il n’occupait pas encore de fonction opérationnelle dans la maison, étant accaparé par ses missions sur le vignoble californien du groupe. Néanmoins, il siégeait déjà dans le nouveau conseil d’administration constitué à la suite de l’entrée dans le capital de la famille Rouzaud. Lors de la première session, M. Lallier, l’ancien propriétaire, a interpelé Fabrice Rosset, lui demandant s’il n’aurait pas une idée pour préparer la maison Deutz à fêter le nouveau millénaire. Le jeune cadre s’était en effet distingué chez Roederer parce qu’il avait été l’un des premiers à anticiper l’événement en proposant le tirage de 2000 mathusalems du millésime 1990 de Cristal.  « Je leur ai répondu que dans leur gamme, j’adorais leur blanc de blancs qui avait pour caractéristique de pinoter un peu. Une qualité qui vient de ce chardonnay issu des coteaux de Villers-Marmery, sur la Montagne, toujours présent dans les assemblages aux côtés des grands crus de la Côte des Blancs. Cette expression un peu différente méritait à mon sens de lui consacrer une cuvée de prestige. M. Lallier a réagi en soulignant qu’une telle initiative était impossible, puisque la maison possédait déjà une cuvée spéciale, William Deutz. Mais je ne l’écoutais plus, je me disais au contraire, c’est vrai que personne n’a deux cuvées de prestige, ce sera justement un élément différenciant ! » Le lendemain, Fabrice Rosset a donc appelé le chef de caves pour procéder au premier assemblage de la cuvée, à partir des vins de 1993, en maintenant cette identité mais en partant sur un style plus ample, plus profond.

Pour comprendre ce coup de cœur de Fabrice Rosset pour le blanc de blancs de Deutz, nous avons dégusté le millésime 1990 et nous avons, nous aussi, été soufflés. La mousse est très belle, signe d’une richesse en protéines et donc d’une année ensoleillée. On est frappé par la clarté du vin malgré le temps, d’un jaune brillant. Les arômes sont toastés, les fruits jaunes éclatants … On s’attarde aussi avec plaisir sur la douceur de la mandarine et des notes de poire fondante terriblement addictives. Si le vin a gardé le côté solaire, rôti, du millésime, celui-ci est balancé par une belle fraîcheur qui s’exprime sur des notes d’eucalyptus.