Lundi 2 Décembre 2024
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29.07.2022
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L’histoire est un roman, avec comme héros un ancien délégué CGT des ouvriers cavistes, maire de son village, qui a cru dès la fin des années 1990 à l’avenir de l’œnotourisme en Champagne et imaginé un projet hôtelier de grande envergure, en pleine nature, au milieu des vignes. Porté par le groupe autrichien Loisium, il ouvrira ses portes Lundi.
Serpent de mer de la Champagne depuis 25 ans, l’hôtel de Mutigny ouvre pour la première fois ses portes le 1er août. Avec un investissement de 27 millions d’euros, le complexe compte 101 chambres, un spa, un restaurant bistronomique, un restaurant gastronomique, une piscine en plein air, des salles de séminaire et une cave regroupant 4000 cuvées différentes de champagne ! Le tout perdu en pleine nature, dans un tout petit village de 190 habitants, loin des grands axes touristiques et magnifiquement fondu dans le paysage entre la forêt et les vignes sur les hauteurs du sud de la montagne de Reims. Le concept pouvait faire peur, mais le besoin de nature de l’après covid semble désormais lui donner raison.
Derrière ce projet, il y a la volonté d’un homme, Bernard Beaulieu, ancien ouvrier remueur de la Maison Bollinger et ancien délégué CGT. Pendant toute sa carrière, il s’est battu pour défendre la convention collective des cavistes, aujourd’hui l’une des plus généreuses. Ses supérieurs lui ont proposé à plusieurs reprises des postes de cadre. « J’ai toujours refusé, je ne voulais pas trahir. » En 1995, il devient maire de son village. « Je me suis dit qu’on n’occupe pas cette fonction pour inaugurer les chrysanthèmes. Je me sentais redevable vis-à-vis de cette Champagne qui m’avait fait vivre pendant tant d’années. Je cherchais une idée. Sur ce village au bout du monde perché sur un monticule, une activité même micro-industrielle était inenvisageable, faute de foncier disponible. On ne pouvait pas toucher à la forêt qu’il fallait sauvegarder, et le reste était planté de vignes. Au cours d’un déjeuner avec le patron de Bollinger, celui-ci m’a parlé de ce qu’avait fait Caudalie dans le Bordelais : un projet hôtelier centré sur le vin. De mon côté, j’étais convaincu que le tourisme dans les caves n’avait plus d’avenir parce que le travail s’y était industrialisé, alors que dans les vignes où on n’emmenait jamais personne, on avait gardé une approche artisanale. C’est pour cette raison que j’ai lancé en 2000 le sentier du vigneron. Installer un hôtel immergé au milieu des vignes s’inscrivait dans la même démarche. »
Le maire se met en quête d’un lieu. Ce sera l’ancienne sapinière. Il convainc plusieurs maisons de céder leurs lopins alors que certaines tablaient sur la révision de l’appellation pour y planter des vignes. Beaulieu commande aussi des études sur la rentabilité du projet. A l’époque, personne ne croit au potentiel touristique de la Champagne, même les grandes maisons. Il suffit pour cela de se remémorer les difficultés rencontrées par Pierre Cheval pour entraîner la profession dans le classement au patrimoine mondial. L’étude qui réalise un inventaire de ce qui se pratique dans les autres vignobles du monde se montre pourtant très optimiste à condition que l’offre soit à la hauteur de l’image de luxe que véhicule la Champagne.
Enfin, Beaulieu trouve un investisseur, un Bordelais. Mais la foudre tombe. « Le Bureau de recherche géologique et minier réalise une étude à la demande du préfet de région et conclut que sur les villages champenois en haut de coteau, il existe trop de risques de glissements de terrain et qu’il n’y aura plus désormais d’autorisation de constructions. Nos amis bordelais se retirent du projet. Et moi je me retrouve avec 17500 m2 d’une zone avec glissement de terrain ! Je prends contact avec le patron du BRGM qui quittait la région. Il m’informe que l’Etat ne lui a pas donné les finances pour mener une véritable étude et que celle-ci a été confiée à des stagiaires. Je décide de me battre et je commande une étude à un cabinet de Gap qui conclut que le terrain étant dans une zone où la pente est inférieure à 5 %, il ne peut y avoir de risques. La DDT me demande ensuite une étude complémentaire sur le ruissellement des eaux. Finalement, j’obtiens gain de cause et ils sont obligés de valider ce qui fera grand bruit et poussera les autres maires des communes dans la même situation à mener une action. »
Côté investisseurs, Beaulieu connaît encore plusieurs déconvenues (Maranatha, Marugal) avant de découvrir lors d’un voyage en Alsace l’approche hôtelière du groupe autrichien Loisium. Intéressé par la proposition de Beaulieu en Champagne, celui-ci reprend le même projet dessiné par le cabinet Jouin-Manku qu’avait mandaté Maranatha mais en y apportant sa signature (cuisine ouverte, nombre de chambres plus important, patio…). Beaulieu doit encore trouver d’autres associés. Il y aura de jolis coups de pouce du destin. Lors de la venue de Hollande à la foire de Châlons, ses collègues cégétistes manifestent. Le président leur suggère plutôt de lui soumettre des idées d’investissement. Le représentant de la banque postale cherche en effet en vain des projets à soutenir en Champagne. Ils lui font part du projet de Mutigny…
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Photos © Loisium
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