Samedi 23 Novembre 2024
Damien Lafaurie président branche vins groupe EPI
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Date
29.08.2022
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Pour envisager la question environnementale et sociale de manière plus globale et systémique, et la placer au cœur de la finalité de l’entreprise, Rare Champagne, Charles Heidsieck et Piper-Heidsieck ont relevé le défi de la certification B Corp. Elles sont les trois premières maisons en Champagne à obtenir le label. Damien Lafaurie qui préside la branche vins du groupe EPI nous en dit plus.
Qu’est-ce qui a motivé dans vos maisons, le choix de la certification B Corp ?
Nos initiatives sont nombreuses depuis longtemps en matière de développement durable, mais se posait la question de leur sens, nous avions besoin de structurer notre action, pour la rendre plus cohérente. Nous constations également une attente forte sur les questions de RSE des consommateurs qui ne veulent plus seulement qu’on leur offre une qualité irréprochable et qui se montrent désormais très méfiants vis-à-vis des déclarations incantatoires et du greenwashing. La certification B Corp nous est apparue comme la meilleure manière de réconcilier cette quête de sens que nous avions en interne et les attentes légitimes des consommateurs.
B Corp est en effet d’abord un postulat, celui que l’entreprise ne doit pas seulement créer de la valeur pour ses actionnaires mais pour l’ensemble des communautés parties prenantes. Beaucoup de certifications se concentrent sur les impacts opérationnels, B Corp vient interroger la place de la société dans le monde et challenger son business model. Elle est exhaustive, elle examine la gouvernance, les process, les RH, les pratiques viticoles, les pratiques d’achat, le lien avec vos fournisseurs, vos clients… Comme savent si bien le faire les anglo-saxons, elle vous oblige à tout remettre à plat. Elle passe par un audit externe indépendant, ce qui lui donne une crédibilité. Enfin, elle implique un changement de paradigme dans la mesure où vous vous fixez une mission primordiale et que la génération de profit devient secondaire, elle n’est plus qu’un moyen. L’ensemble de votre entreprise se réorganise depuis la rémunération des salariés, des dirigeants jusqu’à la totalité des process, au service de cette mission. Tous les ans, chaque employé se fixe un objectif relatif aux RSE dans son périmètre de responsabilité qu’il soit comptable ou caviste…
Plus concrètement, quels sont les réalisations de vos maisons dans ce cadre ?
Lorsque l’on fait notre bilan carbone en tant que maison de champagne, notre production elle-même a un faible impact. Cela ne nous empêche pas de faire un travail sur ce périmètre que nous contrôlons directement en réduisant de 46 % l’intensité carbone par bouteille. Cela passera par des programmes d’économie d’énergie dont la consommation sera réduite de 40 % d’ici trois ans. Nous sommes aussi sortis complètement des énergies fossiles.
Mais, le véritable impact vient de l’amont, notamment la production de bouteilles, et de l’aval, en particulier des transports. Il faut donc travailler de manière plus large. Dans notre modèle, nous allons jusqu’à calculer l’impact des réfrigérateurs utilisés en supermarché. Côté fournisseurs, et ce quels qu’ils soient (de services, d’étiquettes…), nous ne faisons désormais appel qu’à des entreprises situées en Europe, et si possible les plus proches de Reims. Chez Piper, nous n’utilisons que la bouteille champenoise allégée, et nous travaillons à l’allègement des bouteilles spéciales de Rare Champagne et de Charles Heidsieck. Nous n’utilisons pas de verre transparent. Au niveau des packagings, la vraie question qui se pose désormais n’est plus seulement leur éco-conception, mais comment s’en débarrasser. Dans certaines enseignes, Piper distribue depuis peu ses bouteilles sans boîte.
Nous n’avons pas encore supprimé les transports aériens. Cette année les problèmes logistiques mondiaux rendaient cette démarche difficile. Mais s’ils subsistent, ils représentent epsilon, d’ailleurs chaque fret par avion nécessite mon autorisation spéciale. Nous espérons sur certaines voies export, comme les USA, passer à 50 % en transport décarboné à voile. Nous avons déjà mené une expérimentation avec la compagnie TOWT. Piper a également investi dans une start-up lyonnaise baptisée « Time for the planet » qui lève des fonds pour les réinvestir auprès d’autres startups qui travaillent sur des problématiques environnementales, et qui acceptent en contrepartie de mettre toutes leurs innovations en open-source. L’une d’entre elles travaille justement à la création de voiles qui peuvent être installées en complément sur les cargos pour soulager les moteurs diesel.
Sur le volet viticole, notre engagement est d’abord de poursuivre ce qui a déjà été fait puisque nous sommes en zéro herbicide, zéro pesticide... Notre domaine est certifié VDC et nous travaillons avec nos vignerons partenaires pour qu’ils soient tous certifiés d’ici 2025 soit cinq ans avant l’échéance fixée par la Champagne. L’ambition est désormais d’aller au-delà. Nous avons aussi investi dans la start-up Vitibot qui développe des tracteurs électriques autonomes. L’idée n’est pas de remplacer l’homme pas le robot, mais de remédier au surcroît de travail induit par les pratiques plus vertueuses, comme le travail des sols.
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