Jeudi 21 Novembre 2024
Auteur
Date
09.10.2022
Partager
Pour cette cinquième édition de Lyon Tasting, les vins de Bordeaux sont de nouveau en force, bien décidés à conquérir les amateurs de la capitale des Gaules. Et à en juger par l'enthousiasme des visiteurs, le travail de fond commence à payer.
Défendre Bordeaux en terre lyonnaise, venir vanter les mérites du Médoc ou du Libournais, du merlot et du cabernet au pays de la syrah, du pinot et du gamay, ce n'est pas une mince affaire. Les vins girondins sont loin d'être naturellement présents dans l'imaginaire - et dans les caves - des amateurs rhodaniens, et pourtant, dans cette ville de gastronomes où l'on sait célébrer le bien manger et le bien boire, le nouvel aggiornamento de Bordeaux a tous les arguments pour venir conquérir les consommateurs. Preuve en est faite pendant cette cinquième édition de Lyon Tasting, dont les visiteurs, qui étaient encore très timides devant les stands bordelais il y a cinq ans, n'hésitent plus à venir goûter les cuvées bordelaises en toute curisioté et ouverture d'esprit.
"J'ai pu constater une belle évolution depuis la toute première édition", confie Pierre Lauret, représentant le château Pindefleurs en Saint-Émilion Grand Cru pour lequel il présente les millésimes 2019, 2018 et 2016 en magnum (24-53 €). "On voit venir vers nous de plus en plus de jeunes amateurs, qui ont envie d'apprendre la dégustation, n'ont aucun préjugé et veulent en savoir plus sur Bordeaux". Une impression confirmée par Justine Memmi, représentant le château Lagrange, 3ème Grand Cru Classé de Saint-Julien : "je dirais qu'un visiteur sur trois qui s'arrête sur le stand connaît déjà Lagrange ou du moins l'appellation Saint-Julien. Ensuite, il faut faire un travail d'explication, reprendre les bases, la géographie médocaine, le classement 1855... Le public est composé de beaucoup d'étudiants, mais aussi d'étrangers, qui viennent vers nous sans idées reçues". L'occasion pour Justine de faire le point sur toutes les actualités du château Lagrange, qui termine une phase de travaux sur l'espace réceptif & dégustation après avoir rénové les 14 chambres de la propriété : l'accueil au château est une activité importante, soutenue par le groupe japonais Suntory qui en est l'actionnaire depuis 1983. Lagrange présente, au passage, son second vin "Fiefs de Lagrange" 2016, son premier vin sur le même millésime, et le premier vin en 2014 pour donner deux approches différentes (prix de 32 à 65 €).
Faire un travail de pédagogie et d'explication, c'est possible tout en étant ludique et divertissant. C'est le talent de Caroline Decoster, qui présente les vins du château Fleur Cardinale, Grand Cru Classé de Saint-Émilion, à un jeune trio d'amateurs peu familiers des productions de l'appellation, en comparant son 2018 à "un adolescent prometteur, un étalon fougueux qui a besoin d'être débourré" (50 €) et son 2014 à "un jeune actif qui vient de se mettre en couple et entre dans la vie active, qui a encore plein de choses à apprendre mais a troqué les nuits blanches contre les soirées Netflix" (49 €). Le second vin "Intuition" 2019 séduit par sa buvabilité savoureuse, une approche plus simple mais qui permet d'ouvrir la porte vers la complexité des bordeaux.
C'est d'ailleurs la même approche qui prévaut sur le stand du château Laroque, autre Grand Cru Classé de Saint-Émilion, dont le directeur David Suire, accompagné d'Amandine Bidault de Gardinville, chargée de développement commercial, met à un point d'honneur à expliquer les terroirs et les aspects techniques de la vinification à Bordeaux. Convaincu qu'il y a à Lyon de la place à conquérir pour les vins de Bordeaux dans leur profil frais et élégant, taillé pour la table, il présente Tours de Laroque 2018 (18 €), Laroque 2018 (45 €) et surtout Laroque 2019, un petit bijou de précision et d'allonge, construit sur une belle trame crayeuse et juteuse, savoureux et taillé pour la garde (45 €). Le jeune public qui se presse sur le stand ne s'y trompe pas. Il en va de même sur le double stand d'Axa Millésimes, qui présente en même temps Château Pichon Baron 2017, 2ème Grand Cru Classé de Pauillac (et le second vin Tourelles de Longueville 2016) et, juste à côté, Château Suduiraut 2017 1er Grand Cru Classé de Sauternes, ainsi que son second vin Castelnau de Suduiraut 2016 et le blanc sec Lions de Suduiraut 2021. Il en ressort que les grands noms du Médoc, tout comme les grands liquoreux bordelais, savent piquer la curiosité des amateurs lyonnais.
Moins prestigieux que Pichon Baron ou Suduiraut mais présentant une autre image de Bordeaux, le château Birazel situé dans l'Entre-deux-Mers, a été racheté en 2017 par l'investisseur belge Paul Boeckx qui a totalement relancé le vignoble de quelque 14 hectares pour lancer une marque à partir de zéro. La cuvée Romane en blanc 2020, à grande dominante de sémillon (70%) et à l'élevage en partie sous bois, demande encore à se fondre mais présente une gourmandise prometteuse (20 €). Quant aux deux rouges, la cuvée Paulus 2020 totalement sur le fruit joue la carte de la séduction, tandis que la cuvée Auguste 2020, élevée 18 mois en barriques et cuves "diamant", déroule du fond, une jolie complexité et une trame tannique qui semble indiquer un beau potentiel d'évolution (30 €). Canon-Fronsac ne figure pas non plus parmi les terroirs les plus médiatisés de Bordeaux et pourtant le château Gaby est présent de longue date à l'événement Lyon Tasting, pour présenter ses jolis vins du Fronsadais. Fortement chamboulé par une actualité récente, entre l'incendie qui a frappé le bâtiment du château il y a quelques semaines et le rachat récent de 60 ares à Pomerol (Clos Beauséjour) par le propriétaire américain de Gaby, Tom Sullivan, le directeur Damien Landouar, par ailleurs président du syndicat Fronsac et Canon-Fronsac, présente côte-à-côte les millésimes 2016 et 2017, l'un dans un registre solaire, capiteux, au profil alcooleux tenu par une très belle trame minérale (30 €), l'autre plus frais, droit, distingué et digeste (28 €). Deux expressions d'un même terroir et un cas d'école pour les visiteurs.
Enfin, à Bordeaux, l'innovation peut se dénicher derrière les oripeaux du plus grand classicisme, comme le démontre Jean-François Quenin, propriétaire du château de Pressac, Grand Cru Classé de Saint-Émilion. Outre son millésime 2018 en rouge, M. Quenin présente à Lyon Tasting un atypique rosé de saignée baptisée "La Rosée" 2021 (15 €), à la belle couleur soutenue et gourmande, et dont la mâche sapide à l'aromatique florale doit beaucoup à un élevage en barriques d'acacia -M. Quenin étant par ailleurs propriétaire d'une tonnellerie, TSO / Tonnellerie du Sud-Ouest. À l'aveugle, ce rosé charnu et tendre envoie de nombreux dégustateurs sur une piste de vin blanc, certains n'hésitant pas à lui trouver un profil de viognier. Comme quoi, de Bordeaux au Rhône, la connexion n'est jamais coupée.
Articles liés