Mercredi 18 Décembre 2024
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06.11.2022
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La cuvée Cyrhus rencontre une résonance saisissante en rapport au soulèvement que connaît actuellement l’Iran. De sa terre d’exil bergeracoise, Masrour Makaremi met de l’histoire, de la poésie mais aussi et surtout beaucoup d’espoir dans son vin.
Masrour Makaremi n’a pas attendu la révolte actuelle qui essaime sur sa terre natale pour penser son vin. Ce projet participe à une sorte de reconstruction de son histoire, compose, embrasse une trajectoire migratoire suspendue aux aléas de la géopolitique.
L’exfiltration
La première vie de Masrour est iranienne, c’est un enfant de Shiraz, une ville du sud-ouest de la Perse. Millésime 1977, Masrour naît dans un pays en pleine révolution, théâtre du basculement entre le règne impérial du Shah d’Iran – amateur du Château Talbot - et la dictature islamiste de l’Ayatollah Khomeini - qui accouche au mois de janvier 1979. Les parents de Masrour sont des opposants politiques. Partisans du leader Mossadegh, ils sont aussi bien adversaires de l’autoritaire Mohammad Reza Pahlavi que du Guide chiite. Toutefois, les événements de 79 précipitent la répression à leur égard : la mère de Masrour est emprisonnée puis exécutée, le père prend quant à lui la fuite avant d’atterrir à l’étranger, en France. Élevé par sa grand-mère et son oncle, l’enfant finit par être exfiltré en 1986, en pleine guerre Irak-Iran. De cette traumatisante histoire, Masrour Makaremi la commue en énergie positive. Il fait de brillantes études jusqu’à l’obtention d’un doctorat en neurosciences et d’un diplôme de médecine. Dans un coin de sa tête, il conserve des images de son enfance, notamment les collines recouvertes de vignes entre Shiraz et Persépolis. « Il y avait 300 000 hectares de vignobles en Iran avant 1979, tout a disparu avec les Gardiens de la Révolution si ce n’est une infirme partie portée par des personnes d’origine hébraïque », explique Masrour. Installé en tant qu’orthodontiste à Bergerac, il décide de créer ou plutôt de penser un vin iranien en terre d’Aquitaine.
L’infiltration
Dans les années 2010, l’idée trouve matière, le Dr Makaremi déniche le bel endroit et le bon partenaire, en l’occurrence le vigneron Grégory Dubard. Sur un coteau argilo-calcaire idéalement exposé, deux hectares de vignes prennent racine, naturellement de la shiraz, que l’on appelle la syrah en France. Fasciné d’histoire et de mythologie, Masrour se tourne vers des amphores en terre cuite « utilisées par des vignerons de la période pré-élamites dans les hauts plateaux de Zagros ». Jusqu’à faire circuler le vin dans une amphore sassanide pré islamique qui a renfermé du vin perse il y a 17 siècles… Tout est symbole et science, art et œnologie, du bleu perse de l’étiquette au rouge intense du vin. Cyrhus is born. Chez Masrour Makaremi, cette quête de l’origine ne s’entend pas sans un message d’espoir. « C’est le cœur du projet, scientifiquement il s’agit que le vin perse puisse profiter des nouveaux savoirs de l’œnologie dont il a été exclu en 1979 et que ce vin symbolise aussi un avenir radieux pour l’Iran, c’est une Renaissance, sans le foulard ». Ainsi, le nom Cyrhus n’est pas un hasard, celui de ce roi connu pour être l’auteur de la plus ancienne déclaration des droits de l’Homme. Alors que la sœur de Masrour, l’anthropologue Chowra Makaremi, porte la parole féministe sur les plateaux de télévision, des vignes du côté de Bergerac plongent leur racine toujours plus profonde dans le sol. Originaire de la même région qu’Hafez, Masrour Makaremi délivre avec cette cuvée un poème : « Ô Hafez/Ils ont pris notre terre et l’ont rendue sans vigne/Ô Hafez/Ils ont pris notre mère et l’ont rendue sans vie/Mais, Hafez/J’ai fait de ma nouvelle demeure le récipient de ton vin/Et à la bouche et aux lèvres j’ai porté l’ivresse originelle ».
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