Lundi 16 Décembre 2024
©F. Hermine
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Date
15.12.2022
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Les Courtiers Jurés-Experts Piqueurs de Paris fêtent cette année 700 ans d’existence. Une longévité rare pour une institution mais quesako ce nom bizarre et suranné?
Rares sont les institutions pouvant se targuer d’une aussi longue histoire. La compagnie des courtiers a en effet été fondée en mars 1322 par Charles le Bel, quatrième du nom, pour garantir les transactions de vins « loyaux et marchands ». Cette charge relevait du Prévot des Marchands de Paris (l’équivalent au maire actuel) qui accordait à ces intermédiaires le droit d’être rémunérés pour leurs services à condition de ne pas être payés en vins. Les marchands courtiers qui prêtaient serment, étaient chargés de traquer les fraudes, tastevin autour du cou. Ils avaient même le droit de porter l’épée, privilège réservé à la noblesse, pour se défendre des mauvais payeurs. Les courtiers-piqueurs, disparus comme les prévôts pendant la Révolution, sont à nouveau confirmés dans leur rôle par Napoléon en 1813. « Quand les vins arrivaient en barriques de tous les vignobles de l’Hexagone, notamment à Bercy, les contrôleurs ne pouvaient pas enlever la bonde pour goûter leur conformité mais ils perçaient le tonneau avec une vrille, ‘piquant’ ainsi le bois pour tester le contenu avant de refermer le trou, raconte Fabrice Bernard, président de l’association. Cette pratique a perduré jusque dans l’entre-deux-guerres lorsque le vin a commencé à être embouteillé ».
Bénévoles et assermentés
Depuis, l’institution n’a cessé d’évoluer. Au XXe siècle, elle a été élargie aux métiers complémentaires de formateurs, experts, ingénieurs agro, œnologues… Tous bénévoles, ils prêtent toujours serment au Tribunal de Commerce de leur département. « Nous nous sommes surtout fait connaître pendant des décennies par notre carte des millésimes, éditée chaque année mais souvent copiée. Nous avons longtemps élaboré la carte des vins d’Air France, désormais confiée à de grands sommeliers. Aujourd’hui, même si il s’agit toujours d’éviter la fraude, nous réalisons surtout des missions d’analyses et de dégustation, comme pour les sélections de « 60 millions de consommateurs », des Vinalies, la carte des vins des Pompiers de Paris, pour les animations œnologiques du Ministère des Finances, de l’école polytechnique… et nous organisons depuis 15 ans des Lauréades biannuelles pour mettre en lumière une appellation ». Les membres de l’association reconnue d’utilité publique en 1952 (la seule dans le monde du vin), rassemblent les échantillons, goûtent à l’aveugle avant de remettre des médailles (uniquement or et argent). « Nous cherchons surtout à valoriser des appellations en manque de reconnaissance comme cela a été le cas pour Corbières, Saint-Chinian, Châteaumeillant, Coteaux-du-Giennois, Muscadet Sèvre & Maine sur lie, Anjou Villages et bientôt, les Côtes-du-Rhône de Châteauneuf-de-Gadagne ». Elle forme également les jurés du Concours Général Agricole (CGA).
Longtemps basée à Charenton-le-Pont et désormais hébergée dans les locaux de l’institut Clorivière boulevard Diderot à Paris (12e), elle bénéficie pour ses dégustations des locaux de la CCI de Paris. Elle compte aujourd’hui une vingtaine de membres, professionnels reconnus et indépendants. Tout candidat doit travailler dans le domaine du vin depuis au moins cinq ans et passer un concours d’entrée drastique portant à la fois sur les connaissances du monde viti-vinicole et la dégustation avec rédaction d’un mémoire.
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