Lundi 23 Décembre 2024
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14.12.2022
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« Il faut avoir du chaos en soi pour accoucher d'une étoile qui danse ». Par ces quelques mots tirés du poème “Ainsi parlait Zarathoustra”, Friedrich Nietzsche suggère la nécessité du désordre, de la confusion dans l’entreprise de création. A Saint-Estèphe, le millésime 2020 en est une parfaite illustration.
A chaque bouteille sa part de mémoire. Confinements et pandémie auront profondément marqué ce millésime 2020, lui donnant une résonance particulière. Ce contexte singulier contraste avec la qualité exceptionnelle des jus, mettant un terme au triptyque enchanteur ayant débuté en 2018.
De Wuhan à Saint-Estèphe, un monde sous cloche et pourtant, “la vigne n’attend pas”. Le leitmotiv est partagé par tous les vignerons, faisant face à l’un des millésimes les plus précoces de ces vingt dernières années. La logistique pandémique se met en branle : masque, gels et distance minimale s’imposent - aussi - entre les ceps.
Sur les bords d’Estuaire, le cycle végétatif prend de l’avance mais ne subit pas, ou peu, les affres des Saints de glace. Le mildiou, proliférant avec les pluies de juin, pose davantage problème. Un équilibre se crée entre un mois de juillet sec et chaud, et les orages du mois d’août dont les pluies évitent un stress hydrique trop important pour le vignoble. La vendange, constituée de petites baies à pellicule épaisse, présente ainsi de faibles volumes. Les rendements moyens de l’appellation se chiffrent à 41.2 hL/ha, soit le plus bas total depuis 2013.
Le millésime se caractérise par sa propicité aux maturités du Cabernet-Sauvignon, permettant sa pleine expression, signature de l’appellation. Les terroirs stéphanois, dotés d’une proportion d’argile légèrement supérieure aux autres communales, ont également permis une adaptation favorisée de la vigne à l’aridité du climat.
Deux ans plus tard, les spéculations se confirment quant aux excellentes dispositions de Saint-Estèphe en 2020. La richesse aromatique du millésime s’allie à une finesse remarquable sur certains crus. De manière générale, le potentiel tannique des raisins, particulièrement important cette année-là, est maîtrisé tout en permettant aux vins de disposer d’une stature qui fait leur réputation. La fraîcheur du fruit est un marqueur partagé sur l’appellation.
Le Château Montrose propose une interprétation à la hauteur des promesses de ce millésime. Le Second Cru Classé de la famille Bouygues se distingue par son nez éloquent, précis, mêlant fruits noirs et touches moka. En bouche, un équilibre remarquable, une structure tannique ciselée et une finesse aromatique marquée par la fraîcheur.
Un peu plus au Sud, Cos d’Estournel révèle aussi une cuvée d’exception. Le vin détonne par sa densité en bouche. Des arômes épicés, de mûres et cassis ainsi qu’une minéralité remarquable rappelant la traduction gasconne du lieu-dit, colline de cailloux. Sur la bouteille, en lettres d’or, “c’était Cos, sinon rien” dixit Michel Reybier, arrivé en 2000 sur la propriété.
Calon Ségur brille également à la dégustation par son raffinement et poursuit son ascension. Le Château Haut-Marbuzet 2020, davantage marqué par l’élevage, est également une réussite. Phélan-Ségur se révèle d’une élégance notoire, précise et épurée. La cuvée se distingue par ses arômes de cigare, de fruits noirs en bouche, d’une belle persistance.
Les propriétés de Jacky Lorenzetti livrent elles aussi un résultat admirable pour ce millésime. Lafon-Rochet, Quatrième Cru Classé acquis en 2021 par l’homme d’affaires, propose un vin équilibré marqué par la gourmandise, juteux et épicé. Lilian Ladouys, cru bourgeois exceptionnel, donne la primeur au Merlot (59%) offrant une bouche plutôt veloutée, sur la réglisse.
Cos Labory, La Tour de Pez et le Château Capbern proposent une approche particulièrement séduisante, à des prix raisonnables.
Dans la torpeur mondiale, le millésime 2020 s’illustre à Saint-Estèphe sous de superbes coutures. Du chaos, l’appellation a accouché de son “étoile qui danse”...
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