Lundi 23 Décembre 2024
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27.12.2022
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Ce très beau château, emblématique de l’appellation Haut Médoc, est dans les mains de la famille Clossmann depuis 1859. Il est courant d’attendre la reprise d’un domaine par des investisseurs aux reins solides pour voir d’importants investissements se faire et redonner un nouveau souffle à la propriété. Malleret est une exception.
Et c’est tout à l’honneur des cousines Clossmann (les actuelles propriétaires) que d’avoir su mobiliser les finances nécessaires pour commander un audit, refaire à neuf un cuvier, un chai à barriques et des locaux dédiés à l’accueil du public et de séminaires, repenser l’encépagement et les méthodes de vinification. Tout un chantier ! C’est en 2017 que le nouvel outil est livré. Mais le virage s’était déjà véritablement amorcé dès 2013, lors de l’arrivée d’un nouveau directeur général, Paul Bordes, qui avait qualifié la propriété, lors de son audit préliminaire, de « domaine à l’abandon ». Ne dit-il pas qu’il y avait « un challenge à relever, car le potentiel était bien là ».
Paul Bordes résume son diagnostic et son projet : « lorsqu’on arrive sur un domaine, on a des idées, mais il faut surtout écouter le domaine et apprendre à le connaître. A Malleret, on a découvert des terroirs qu’on ne soupçonnait pas d’être aussi qualitatifs. L’objectif était de faire un vin qui pouvait rivaliser avec des grands crus. C’était la feuille de route que les propriétaires nous avaient donnée ».
La nouvelle définition des vins
10 millésimes plus tard, comment se juge le travail accompli ? Quelle évolution peut-on constater à l’occasion de cette belle verticale, de 2013 à 2022 ? Car il s’agit moins de commenter chaque millésime que d’essayer de voir la trajectoire prise par le château. Depuis dix années, on s’emploie ici à faire parler de manière sincère le terroir, à mieux définir l’identité des vins, des vins que l’on a cherché à faire gagner en qualité.
2013 et 2017 ont surpris les dégustateurs, chacun ayant su éviter les écueils de leur millésime difficile. Ils ont tiré véritablement leur épingle du jeu : on peut y lire déjà une preuve de compétence en matière de vinification et de courage, car il a fallu trier. Le 2015 est conforme à ce qu’on attend de l’année : il y a le côté mûr, le grain des tanins et la mâche typique du millésime : réussi. Le virage se confirme dès le 2016 : la souplesse, l’élégance, la finesse et l’expression aromatique se dessinent nettement. Le fruit est là, fruits rouges ou fruits noirs : c’est selon le millésime et l’assemblage surtout, car rarement, on aura observé, selon l’année, des assemblages avec des changements aussi radicaux : tantôt, le cabernet domine nettement, tantôt, c’est le merlot. Il faut y voir la preuve qu’on sélectionne avec courage et rigueur les lots pour sortir le meilleur. 2018, 2019 et 2020 confirme cette évolution forte et consacre le château. Le nez est expressif, souvent flatteur, toujours sur le fruit, et, souvent, sur des senteurs de sureau séduisantes. La bouche est subtilement texturée, savoureuse, très élégante, fine et longue. Et toujours cette fraîcheur mentholée (ou d’eucalyptus). Jamais astringent, toujours souple, mais avec un certain potentiel de garde. L’équilibre en tout. Voilà le dénominateur commun, et donc … la nouvelle identité. Une révolution du palais, toujours flatté.
On ne saurait terminer sans évoquer le blanc, car en Médoc, on produit de manière confidentielle un blanc qui se distingue. Ce 100 % sauvignon évite la « claque » que l’incisivité du sauvignon peut proposer dès qu’il est sur des sols calcaires. Ici, on est sur les Graves. Le résultat est un modèle d’équilibre entre fraîcheur et rondeur. Un vin de gastronomie, très aromatique, sur une bouche un peu grasse (élevage sur lie) et une finale sur le citron jaune : beaucoup d’amplitude.
La révolution du palais s’est accomplie. Paul Bordes décrit l’inflexion observée depuis 10 années. « Les vins body buildés ne sont plus. A Malleret, on est fait pour faire des vins qui ont de l’élégance, de la finesse et du fruit. On respecte le terroir ». Un terroir pour lequel il n’essaie pas de lui faire produire ce qu’il ne peut pas produire mais dont il valorise ce qu’il a de mieux à donner.
Et c’est ainsi que Malleret a été classé en 2020, avec 13 autres châteaux, cru bourgeois exceptionnel. Point final ? Non. Malleret est en conversion bio : premier millésime bio en 2023. Et puis Paul Bordes a toujours la capacité à entrainer ses équipes vers de nouveaux projets : celles-ci seront tournées désormais vers l’œnotourisme : rendez-vous d’ici peu.
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