Dimanche 22 Décembre 2024
©Ludo Charles
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Date
06.06.2023
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Fitou, la plus ancienne appellation du Languedoc, a fêté ses 75 ans il y a quelques jours lors d’un événement à Toulouse. A l’heure où le vin rouge a moins la cote, l’AOC monochrome cherche à se moderniser. Rencontre avec Alain Gleyzes, son président.
« Ne pas montrer qu’on est différent, c’est acter le fait de mourir sans lutter ! » Alain Gleyzes a le sens de la formule au moment de lancer les festivités des 75 ans de l’AOC Fitou, première à être reconnue dans le Languedoc par décret du 28 avril 1948. L’appellation a décidé de prendre les choses en main. « Il est temps de récupérer cette fierté d’être une ‘petite’ appellation du Languedoc (65400 hl de production en 2022) qui gagne à être connue », ajoute-t-il. Depuis deux ans déjà, l’AOC Fitou s’est adjoint les services de Big Happy afin de rajeunir son message et se tourner vers l’avenir. « C’est vrai que le chantier prend du temps, nous sommes en pleine crise avec une consommation de vins rouges en nette baisse et des marchés qui tournent le dos au Languedoc », reconnait Alain Gleyzes. Mais Fitou a des arguments à faire valoir : tout d’abord un terroir bicéphale dont peu d’appellations peuvent se targuer. Deux entités distinctes, communément nommées « Fitou Côté Mer » (sols argilo-calcaires) et « Fitou Côté Montagne » (schistes, galets roulés et calco-schistes), qui offrent des vins uniques.
Diminuer l’aire d’appellation, le carignan en majesté
« Fitou a toujours prôné l’excellence avec un collectif soudé pour tendre vers l’excellence, ajoute Alain Gleyzes. Nous sommes la seule aire d’appellation dont l’étendue a diminué depuis sa création (2600 hectares initialement, 1970 depuis 2017), et ce, à la demande des vigneronnes et des vignerons. » Fitou c’est évidemment le cépage emblématique : Monsieur Carignan. « Il est clairement l’ADN de l’appellation et c’est tant mieux pour nous, poursuit le président. Il avait été banni à une époque et maintenant, il revient dans les bonnes grâces face au réchauffement climatique. » « C’est un cépage adapté à la sécheresse, ses sarments résistent bien au vent, ce qui est important dans nos régions, confirme Romain Vidal, vigneron œnologue au Mas de La Roque. Il est intéressant lorsque la production n’est pas trop élevée à l’hectare. La maturité pleine du raisin nous permet d’avoir un côté fruité moins alcooleux, des tanins ronds, des vins équilibrés avec un degré maîtrisé. » Un cépage profond et généreux qui apporte de la structure, de la fraîcheur et des notes acidulées, complété par la rondeur du grenache et les épices de la syrah, voilà un cocktail qui détonne sur le schiste et le calcaire local.
Engagement vertueux et foncier abordable
Cela n’empêche pas l’appellation de réfléchir à son futur en lançant une étude de l’adaptabilité des cépages au sol et à la vie du sol. « Fitou, c’est aussi une appellation qui a un œil vers l’avenir avec au total, 23 caves particulières (sur 37) et 3 caves coopératives (sur 3) inscrites dans une démarche agro-environnementale et une moyenne d’âge d’une quarantaine d’années au sein des domaines en propre », rajoute Alain Gleyzes. Avec un foncier qui n’est pas loin d’être l’un des moins chers de France (entre 8000 et 14000 €/ha), les successions et les installations ont la cote. Evidemment reste le problème majeur du marché du vin rouge. « Quand on ne produit qu’une couleur, il est difficile de rester maitre de la situation », convient le président. « Mais on n’est plus du tout dans le cliché que ‘Le Fitou, ça se boit avec du gibier’, rebondit Hélène Grau, œnologue, co-fondatrice de l’entreprise de conseil Synergie Lab, à Perpignan. Aujourd’hui, le Fitou, ce sont des vins fins, qui se marieront aussi bien avec une belle viande rouge, sans ‘l’écraser’, qu’avec des poissons, des légumes grillés... » De quoi peut-être plaire au marché asiatique, l’un des seuls où le vin rouge a encore la cote…
Plus d’informations sur https://www.fitouaoc.com/
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