Jeudi 21 Novembre 2024
Auteur
Date
13.06.2023
Partager
Prix Spécial de la Vigneronne Engagé de l'année : Noémie Tanneau
Néo-vigneronne, Noémie Tanneau démontre qu’avec de l’enthousiasme et de la conviction on peut faire bouger le paysage bordelais
C’est d’abord une nature, joyeuse et solaire, qui vous saute aux yeux. Noémie Tanneau est heureuse de faire du vin, fière d’être vigneronne. Elle l’est d’autant plus qu’elle n’est pas issue d’une famille de viticulteurs, mais qu’elle a choisi son destin, parfois contre vents et marées. Native de la région parisienne, installée dès l’âge de 12 ans sur le bassin d’Arcachon avec ses parents, Noémie est d’abord travailleuse sociale, accompagnant les jeunes ayant des difficultés à s’insérer dans le monde du travail. « Mais il me manquait quelque chose, un lien à la nature, explique-t-elle. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est le monde du vin qui m’a appelée, irrésistiblement. J’ai posé quatre semaines de congé pour aller faire les vendanges au château Pape-Clément, et j’ai su que je voulais continuer dans cette voie. »
Enchaînant avec un BTS de viticulture-œnologie à Blanquefort puis un diplôme d’ingénieure agronome, tout en suivant une alternance au château Haut-Vigneau (Pessac-Léognan). Cette expérience accouche d’une certitude : elle aura son propre domaine. Un temps consultante pour la cave coopérative de Puisseguin-Lussac, elle fait la rencontre d’Annette Bion-Gagnadour, propriétaire du château Saint-Ferdinand à Lussac. Lorsque Annette décide de passer la main, il est évident que c’est à Noémie qu’elle souhaite transmettre ses vignes. Après un parcours de la combattante pour convaincre les banques, voilà Noémie Tanneau à la tête de 6,6 ha, en 2019, à l’âge de 32 ans.
Sur tous les fronts
Cette nouvelle vie est d’abord une aventure familiale, menée avec son mari et ses deux petites filles, mais aussi une rude confrontation à la réalité du métier. « Je ne vais pas mentir, être vigneronne, c’est encore plus difficile que ce que je croyais. Pour commencer, lorsqu’on décide de s’installer à Bordeaux, dans une période difficile pour la région, il faut être prête à se retrousser les manches, vraiment réfléchir au vin que l’on veut faire, à qui on veut le vendre : être entrepreneur autant que paysan. Il a fallu remettre l’exploitation aux normes, compléter les installations techniques, j’ai appris à conduire un tracteur car c’est moi qui fais les travaux à la vigne, même si je suis accompagnée par deux ouvriers viticoles à mi-temps et une apprentie. »
D’emblée, Noémie Tanneau décide de convertir son vignoble en bio – certification prévue en 2024. Mais ce n’est que l’une des facettes de son engagement environnemental. « Mon père étant bénévole à la LPO (Ligue de protection des oiseaux) ; nous mettons à disposition nos 4 hectares de prairie et de forêt en tant que refuge pour les oiseaux. Nous avons aussi planté 270 plants de haies autour du vignoble pour redessiner les paysages, faire revenir de la biodiversité, capter l’eau, retenir les effluents, limiter l’érosion. Nous avons disposé une vingtaine de nichoirs et abris pour les chauves-souris, qui font le boulot contre les ravageurs de la vigne. Nous avons un projet d’agroforesterie et pilotons un gros travail d’identification de la flore compagnonne des vignes avec le Conservatoire botanique national Sud-Atlantique. Et j’ai suivi une formation en biodynamie, que je commence à mettre en application en faisant mes propres tisanes. »
Engagée sur tous les fronts, Noémie Tanneau incarne ce nouveau dynamisme qui fait du bien au vignoble bordelais, jusque dans le profil de ses vins, qui assument leur registre fruité, axé sur le plaisir et la buvabilité. Son rosé et son pétillant naturel, tous deux 100 % merlot et en Vin de France, portent les prénoms de ses deux petites filles, Enora et Manon. Ils nous disent eux aussi quelque chose de l’audace et de l’authenticité de cette belle histoire vigneronne.
Articles liés