Lundi 25 Novembre 2024
©ALEX MAJOLI
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Date
26.10.2023
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Fasciné par le pinot noir, le chef de caves Vincent Chaperon continue d’explorer la singularité du champagne rosé. Pour le millésime 2009 du Dom Pérignon rosé, il mêle ses émotions à la science de l’assemblage et à l’évolution des pratiques viticoles.
« J’ai une petite affinité pour le rosé », sourit Vincent Chaperon. Originaire de Pomerol, le chef de caves du champagne Dom Pérignon, nommé en 2018, a même commencé par travailler sur les vins rouges à son entrée chez Moët & Chandon au début des années 2000. Il aime « la radicalité » du champagne rosé. « Tout est spécifique dans cette cuvée : l’approche viticole, le millésime, le travail de vinification dans l’assemblage du blanc et du rouge, qui apporte sa structure, sa puissance. Sans perdre de vue le style harmonieux de Dom Pérignon. » Comment cela se traduit-il dans ce rosé 2009 ?
Un vin audacieux
C’est d’abord la recherche de l’équilibre que le chef de caves s’est évertué à trouver, « en poussant, dans le rosé, l’expression du pinot noir, tout en restant Dom Pérignon ». Ce jeu de « stretching », d’étirement entre la puissance d’un côté et l’élégance de l’autre, donne son tempérament à la cuvée. La dégustation est d’autant plus intéressante que l’œnologue passionné propose de comparer les millésimes 2009 et 2008. « Ils divisent le monde en deux », entre un 2008 « plus confiné », à la sucrosité « plus marquée », et un 2009 plus téméraire et puissant (lire par ailleurs). Le partage de cette expérience sensorielle incite naturellement Vincent Chaperon à donner sa vision de l’évolution du champagne rosé, qu’il vit comme « une exploration ».
Dom Pérignon rosé est né il y a 63 ans. 2009 est le 26ème millésime sorti depuis, et le sixième depuis le début du XXIème siècle. « L’aventure sur le rosé progresse encore. Il y a une professionnalisation qui va de pair avec une évolution climatique et des pratiques culturales. » Pour l’ingénieur agronome de formation, la connaissance plus fine des terroirs de champagne apporte plus de richesse et « de complexité » aux cuvées rosées, en choisissant les lieux-dits les plus adaptés afin d’élaborer les vins rouges.
Le chef de caves chérit l’approvisionnement des rouges piochés dans les cœurs de terroir d’Hautvillers, d’Aÿ et de Bouzy, aux identités « très différentes », très présents dans ce Dom Pérignon rosé 2009. « Bouzy est sûrement le plus magique, car un des plus compliqués. » Le terroir, identifiable, peut vite marquer un vin, au risque de prendre le pas sur les autres. Un jeu d’équilibriste, encore. « Je travaille avec un pool et j’élabore plus de rouge que nécessaire, parfois le triple voire le quadruple, pour pouvoir choisir. » En plus de cette connaissance agronomique des terroirs, les gestes viticoles sont influencés par l’évolution du climat. La taille est révisée et la canopée, gérée différemment. Cette année, par exemple, en raison de la chaleur, les viticulteurs ont moins rogné et mené « une vendange en vert ». « Ce qui a sûrement sauvé la récolte », assure Vincent Chaperon.
2010, prochain millésime rosé ?
L’observation de l’évolution du climat mène à des pratiques culturales plus précises. Elle offre aussi un terrain de jeu stimulant pour le chef de caves sur les pinots noirs, cueillis à des degrés intéressants pour les vins rouges. « 14 cette année, c’est du jamais vu ! » L’expression du fruit, sa concentration, influence la proportion de vin rouge dans l’assemblage. Comme Vincent Chaperon le démontre en remontant quelques décennies en arrière. « Dans les années 1990, on était à environ 18%. En 2005-2006, nous sommes montés à 27, 28% et depuis 2008, 2009, on redescend autour de 13%. »
La soif d’apprendre de cette cuvée et l’envie de mesurer l’impact de la nature sur son élaboration, est palpable. « Mon père était agroforestier. Avant de plonger dans les vins, je suis entré dans cet univers par la nature, par le vivant. » Dans ce monde devenu « trop rationnel », le chef de caves de Dom Pérignon dit écouter davantage son intuition. « Je suis beaucoup dans l’écoute de mes émotions. » Une façon pour lui « de prendre plus de liberté, de risque, pour faire confiance à ce que je ressens ». Il laisse échapper son enthousiasme pour le prochain millésime rosé. « 2010. Un coup de cœur. » Malgré la présence du botrytis cette année-là, le chef de caves loue « la générosité et la richesse » du millésime. On a hâte. Plonger de nouveau dans l’intensité du Dom Pérignon rosé 2009 nous aidera sans nul doute à patienter avec délice.
« Nous travaillons sur les coteaux champenois »
Oui, Dom Pérignon expérimente ces vins tranquilles de Champagne, en blanc et en rouge. De là à envisager une commercialisation… « Je ne sais pas, on verra », indique Vincent Chaperon. La maison Moët & Chandon avait, jusqu’il y a une vingtaine d’années, proposé un coteau blanc, « Saran nature ». Ce qui est sûr pour Dom Pérignon, c’est que la maison de champagne « met les bouchées doubles » dans l’exercice. « Nous avons là une fenêtre de tir climatique exceptionnelle, avec des degrés qu’on n’avait pas il y a 30 ans. Ça brille et c’est mûr. » Menant depuis quelques années des tests « en élevage bois, en céramique, en cuve… », la maison continue « d’apprendre ». « Cela nous permet de dialoguer avec les vignerons. C’est un peu notre côté geek, comme une passion. »
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