Vendredi 22 Novembre 2024
©Elisa Centis
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Date
13.12.2023
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À Cahors et Gaillac, Emmanuel Rybinski et Nathanaël Parnaudeau développent l'agroforesterie dans leurs domaines. Ce système, associant la vigne aux arbres et arbustes, enrichit la nature du sol pour assurer la bonne santé de la vigne, et ainsi la qualité du vin.
Au Clos Troteligotte, sur la zone d'appellation Cahors, dans le Lot, les jeunes pieds de floréal, un cépage résistant, côtoient des plantations d'arbres. « Il y a un arbre tous les six mètres », décrit sur le côté de la parcelle le vigneron Emmanuel Rybinski, qui a repris le domaine familial en 2004. Cela correspond pour ces rangées de floréal à 234 arbres de 12 espèces différentes. Cette parcelle est l'une des dernières plantées par le vigneron en biodynamie, qui a adopté depuis la période 2019-2020 les principes de l'agroforesterie. La vigne de floréal vient s'ajouter aux rangées mêlant espèces arboricoles et viticoles, qui ceinturent les 16 hectares du domaine. Cette « pergola », comme la nomme le vigneron, fait le lien entre la vigne et la forêt qui entoure le domaine. En plus des arbres, Emmanuel Rybinski a également ajouté des haies d'arbustes entre certaines parcelles. En quatre ans, pas moins de 6 000 espèces, arbres et arbustes confondus, ont ainsi été plantées sur le domaine.
« Un pas vers l'arbre »
Dans le Tarn, sur l'appellation Gaillac, Nathanaël Parnadeau a lui adopté ce système rapidement après la reprise du domaine De Matens, en 2007. « Lorsque je suis arrivé, des haies avaient déjà été plantées par mon prédécesseur. C'était déjà un pas vers l'arbre », se souvient le vigneron de 46 ans, qui propose des vins nature. Lorsqu'il voit des essences pousser dans la vigne, il les laisse. « Des noyers, des cerisiers, des arbres de Judée ont grandi. » Avec le temps, le vigneron a su distinguer les plus bénéfiques des plus néfastes. « J'enlève systématiquement les chênes. Ils concurrencent la vigne. » En parallèle de cette agroforesterie spontanée, il a planté des arbres. « Dans une parcelle, j'ai mis des pommiers nains là où il y avait des manquants. Dans une autre, j'ai également planté des arbres mais cette fois il y a plus de diversités : frêne, érable, amandier, pommier. » Sur les 3,5 hectares du domaine, se trouvent également des rangées de vignes encerclées par des arbres.
Un « sol vivant »
Pour Nathanaël Parnaudeau, aller vers l'agroforesterie répond à « quelque chose de logique ». Et d'expliquer : « L'inspiration c'est la forêt. La forêt, c'est une biodiversité qui vit en toute autonomie. À côté, on comprend que le système de la vigne en monoculture n'est pas soutenable si on veut que la vigne soit capable de se défendre seule face aux maladies, aux extrémités du climat. » Nathanaël Parnaudeau rejoint ainsi Emmanuel Rybinski, qui lui aussi espère par ce système engendrer « un milieu équilibré » qui puisse fonctionner en « autonomie ». En effet, selon les principes de l'agroforesterie, c'est en développant le système racinaire, par la diversité des essences présentes dans le sol, que l'on obtient un « sol vivant », un sol capable de nourrir tout ce qui pousse et donc à terme de moins intervenir sur la vigne. « C'est comme entre les êtres humains, les plantes vont s'échanger des données grâce aux connexions qu'elles développent. Cela va améliorer la qualité du raisin et donc du vin », explique Emmanuel Rybinski. Si le vigneron du Clos Troteligotte voit déjà des effets bénéfiques sur la qualité de son sol, il faut encore attendre plusieurs années avant de pouvoir évaluer le travail qui a été mené sur les parcelles.
La prochaine étape pour Nathanaël Parnaudeau est de planter des rangées de vignes en même temps que de jeunes plants d'arbres. De son côté, Emmanuel Rybinski va aménager un champ entier en agroforesterie associant du chanvre, des céréales. Et le vigneron du Clos Troteligotte de glisser : « Cela pourra servir aux autres activités du domaine, les balades botaniques, la restauration, les ateliers de cuisine, par exemple. »
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