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Best Old Vintage Awards : le top 20 révélé !

Auteur

Yves
Tesson

Date

04.03.2024

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C’est dans une ambiance recueillie que se sont tenus le 11 février les Best Old Vintage Awards. Imaginez un peu, la trilogie mythique 1988, 1989, 1990, dégustée au Royal Champagne à travers un échantillonnage de 35 maisons, coopératives et vignerons les plus réputés de l’appellation. Le trésor a été confié aux bons soins des plus grands journalistes internationaux spécialistes de la bulle. Du jamais vu ! En attendant de vous donner le top 3 des meilleures cuvées le 23 mai prochain, Terre de vins vous révèle déjà les 20 lauréats sélectionnés par le jury.

Pourquoi 1988, 1989, et 1990 forment-ils une trilogie mythique ? Parce que compte tenu du climat septentrional de l’appellation, on n’avait jusqu’alors jamais vu se succéder coup sur coup trois millésimes qualitatifs. C’est bien la raison pour laquelle on utilise des vins de réserve dans les bruts sans année et que d’habitude les chefs de caves ne peuvent systématiquement millésimer. En fait, le seul autre exemple connu est la trilogie 2018, 2019 et 2020, mais il est encore un peu tôt pour juger pleinement de tout son potentiel.

Si 1988, 1989 et 1990 constituent une trilogie de grands millésimes, chacun a cependant une identité bien spécifique. Un peu d’histoire... Ce qui a caractérisé le climat de l’année 1988, c’est l’inconstance, avec un hiver doux auquel ont succédé des gelées printanières, un mois de mai pluvieux et un début d’été sec avant de devenir orageux. On surveillait avec angoisse la pourriture grise, qui heureusement ne se propagea pas. Avec 9,2 degrés d’alcool potentiel, on avait à l’époque, en raison du climat habituel plutôt froid, jugé ce niveau de sucre convenable, tandis que les 9,4 grammes d’acidité étaient la promesse d’une belle fraîcheur. 

©A. Viller
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1989 aussi avait surpris les vignerons. Les gelées printanières avaient provoqué de tels dégâts que les pronostics quantitatifs étaient pessimistes. Pourtant, les conditions idéales et très chaudes qui ont suivi ont fait renaître la vigne pour donner une belle vendange, en qualité comme en quantité. La cueillette débuta de manière précoce le 2 septembre, pour s’achever début novembre, les vignes gelées revigorées ayant fleuri beaucoup plus tard. Le soleil d’août puis l’été indien ont donné un degré alcoolique potentiel très élevé, atteignant parfois 12 degrés. L’acidité fut en revanche plus faible (7,1 g). Entre les deux, 1990 semble faire la synthèse de 1989 et 1988, avec à la fois un degré alcoolique potentiel élevé (11,1 %) et une belle acidité (8 g). 

Sur les qualités respectives des millésimes, on notera que les avis des onze jurés ont pu parfois différer. Peter Liem nous confie avoir été étonné par 1990 : « Beaucoup de cuvées surpassaient l’idée que je m’étais faite de ce millésime. Normalement, je préfère 1988. C’était intéressant aussi de voir la différence entre les bouteilles et les magnums. Si, comme on pouvait s’y attendre, les magnums avaient davantage de fraîcheur, certaines bouteilles se sont défendues bien davantage que ce que l’on pouvait imaginer ! » Alberto Lupetti, pour sa part, a été conquis par les 1989. « En réalité, les années qui vieillissent le mieux en Champagne sont les plus chaudes. Tout le monde pensait par exemple que 1959 évoluerait mal, parce que sans grande acidité ! » Il faut dire qu’en matière de vieux millésimes, cet ancien pilote de chasse devenu journaliste du vin, est un spécialiste : « Le plus ancien que j’ai dégusté était un Bollinger 1830 issu des cuvées retrouvées dans la cave de Mme Bollinger ! » 

Quant au fameux débat qui anime depuis toujours le monde des chefs de caves afin de savoir s’il faut privilégier les dégorgements historiques (évacuation des lies de la bouteille) ou les dégorgements récents, on s’aperçoit que, si on se focalise sur la fraîcheur et le maintien d’une belle effervescence, le dégorgement récent donne des résultats plus satisfaisants. « Il vaut peut-être mieux laisser un peu de temps au vin pour qu’il ait digéré le choc oxydatif. Même si on a pu observer des exceptions, on s’aperçoit que, pour des millésimes aussi anciens, il est raisonnable d’attendre deux ans », souligne Andreas Larsson. En revanche, si vous recherchez quelque chose de plus harmonieux et fondu, les dégorgements historiques (datant souvent des années 1990) sont sans doute plus intéressants. 

Au-delà de ces débats d’experts, le jury s’est régalé. Tout le monde se souviendra avec émotion des arômes confits de 1990 avec cette magnifique alliance de fraîcheur et de maturité qui rappelle 2012, de ces 1988 d’une incroyable élégance, aux agrumes encore vifs, et dont l’aspect ciselé évoque 2008. On a pu aussi s’attacher à 1989, peut-être moins facile, mais qui dévoilait souvent de jolies notes d’évolution, de réglisse, de pruneau, de cèdre, parfois même de tabac, avec en toile de fond cette salinité qui fait la grandeur de la Champagne. On garde ainsi à chaque fois une vraie finesse, qui, comme le souligne Essi Avellan, est l’ADN même du champagne. « Ceux qui ne sont pas initiés ont tendance à rechercher dans le champagne l’oxydatif, la vinosité. Le réductif les choque. Pourtant, il est facile d’élaborer des vins qui ont du corps, le champagne, lui, est affaire de finesse ! » 

À l’issue de cette dégustation qui s’est déroulée à l’aveugle, en faisant la moyenne des notes sur cent, vingt cuvées ont été retenues. Elles vous sont dévoilées dans l’ordre alphabétique et seront vendues aux enchères à la fin de l’année au profit du projet de numérisation des caves et crayères de Champagne porté par la Mission Unesco. Les commentaires de dégustation vous seront communiqués dans les jours à venir, tandis que le top 3 sera révélé le 23 mai lors d’un dîner de Gala au George V, deux jours avant Champagne Tasting qui se tiendra cette année encore au Palais Brongniart et où trois Master Class sur la longue garde seront animées par les vainqueurs.

Lauréats par ordre alphabétique :
Billecart-Salmon Nicolas François 1990 (bouteille)
Canard-Duchêne Œnothèque Vintage 1989 (magnum)
Castelnau Collection Œnothèque 1990 (magnum)
Charles-Heidsieck Millésime Brut La Collection Crayères 1989 (jéroboam)
Collet Millésimé 1988 (bouteille)
De Saint-Gall Orpale 1990 (bouteille)
Deutz William Deutz 1990 (magnum)
Duval-Leroy Cuvée des Roys 1990 (magnum)
Franck Bonville Millésime 1988 (bouteille)
Gonet Sulcova Brut Blanc de blancs 1988 (jéroboam)
Jacquesson Avize Grand Cru 1989 (bouteille)
Legras & Haas Blanc de Blancs Grand Cru Chouilly Millésime 1988 (bouteille)
Mailly Grand Cru Les Echansons 1988 (bouteille)
Palmer & Co Collection Vintage 1990 (magnum)
Paul Bara Comtesse Marie de France 1990 (bouteille)
Perrier-Jouët Belle Époque 1988 (magnum)
Philipponnat Clos des Goisses 1989 (magnum)
Pierre Gimonnet Millésime de collection Les cuvées de l'an 2000 1990 (magnum)
Taittinger Comtes de Champagne 1988 (bouteille)
Veuve Clicquot La Grande Dame 1990 (magnum)

Le jury était présidé par Tyson Stelzer, auteur d’un Guide du champagne qui fait référence en Australie. Il était composé de Tom Hewson, membre de l’équipe de rédacteurs experts de Decanter, Yuri Shima spécialiste japonaise, le Suédois Andreas Larsson, Meilleur sommelier du monde 2007, Essi Avellan, Master of Wine finlandaise, auteur de l’Encyclopédie mondiale du champagne, Jeannie Cho-Lee, également Master of Wine, contributrice du Wine Spectator, l’Italien Alberto Lupetti, auteur du Guide Grande Champagne, Peter Liem, directeur pour la dégustation du magazine Wine & Spirits, David Morin, meilleur caviste de France, Sylvie Tonnaire, directrice de la rédaction de Terre de vins et Yves Tesson, rédacteur en chef adjoint. « Terre de vins » tient à remercier Xavier Mayran de Chamisso, qui a initié ce projet, Christian Holthausen, qui nous a ouvert son carnet d’adresses avec générosité et enthousiasme, ainsi que le Royal Champagne et l’équipe du sommelier Philippe Marques pour leur accueil chaleureux et extrêmement professionnel.