Accueil Actualités Emidio Pepe, les 60 ans d’un grand domaine italien

Emidio Pepe, les 60 ans d’un grand domaine italien

©JM Brouard

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

19.04.2024

Partager

A l’occasion de ce très bel anniversaire, la famille Pepe a souhaité présenter l’histoire du domaine et ses vins devenus iconiques avec le temps au cours de dîners. Nous étions à celui organisé à Paris. Un moment de grâce au cœur de ce très beau domaine familial.

Immédiatement, le dynamisme de Chiara, petite fille du fondateur Emidio Pepe, est perceptible et communicatif. La trentenaire œuvre désormais aux côtés de sa tante Sofia qui a pris la succession de son père à partir de l'an 2000 et continue de donner naissance aux vins. 3 générations pour un même but depuis l'origine en 1964 : démontrer toute la qualité des deux cépages locaux, encore trop souvent insuffisamment bien perçus, le trebbiano et le Montepulciano. Les deux portent fièrement leur origine, ils sont "d'Abruzzo", signalant à l'amateur qu'ils naissent dans cette partie centrale de la péninsule, entre monts Sibyllins et mer adriatique. Il y a 60 ans déjà, lorsque Emidio vinifia son premier millésime, son but était de produire de très grands vins et démontrer tout le potentiel de garde de ces deux fiertés locales. Avec une vision dont il ne se départira jamais : être le plus respectueux de la nature. Aucun produit chimique n'a donc jamais été utilisé ici. De la même manière, la diversité du matériel végétal a toujours été pérennisée par la mise en œuvre de sélections massales, poursuivies aujourd'hui à chaque replantation. Dans les vignes (17 ha), des pergolas pour permettre une maturation lente des raisins et l'obtention de peaux pas trop épaisses. Pendant les vinifications, des raisins foulés au pied, des pressoirs verticaux, des levures endogènes puis un élevage en cuves béton. Une approche très traditionnelle que la 3ème génération continue de mettre en œuvre.

Des vins défiant le temps
Emidio Pepe, aujourd'hui 92 ans, conserve toujours un œil attentif au domaine. Chiara concède, non sans espièglerie, que son grand-père a eu du mal lorsqu'elles ont décidé avec sa tante de limiter le travail des sols en ne labourant plus aussi fréquemment qu'auparavant. Mais les choses se font, par petites touches. La plus sage des manières de faire évoluer la tradition sans la dévoyer. Les couverts végétaux ont ainsi fait leur apparition, des mulchs permettant de conserver l'humidité des sols. Les activités elles aussi se diversifient. C'est ainsi qu'une table a été ouverte en 2021 dans la maison natale d'Emidio. De quoi expérimenter une cuisine issue principalement de produits récoltés sur le domaine. Blés anciens, huile d'olive, pois chiche... tous cultivés selon les mêmes principes biodynamistes appliqués à la vigne. Mais l'essentiel demeure le vin ! Des cuvées identitaires qui semblent défier le temps. Le trebbiano d'Abruzzo est élevé 3 ans sur lies en cuves béton avant d'être mis en bouteille. Goûté jeune, comme avec le millésime 2021, il s'avère assez austère au nez, comme prostré dans une chrysalide à la robe pâle. Mais avec quelques années de cave supplémentaires, il dévoile tout son intérêt, "entre texture et tension" comme le précise Chiara. Le 2019 gagne en profondeur de milieu de bouche mais c'est surtout le 2007 qui impressionne avec son nez d'agrumes amers et une matière pleine, vibrante, sapide et caressante. Les années le font changer de dimension, renforcent son harmonie sans pourtant donner le sentiment d'un vin évolué. Il faut dire que le trebbiano évolue vraiment très lentement, récompensant celles et ceux qui savent l'attendre. Même sentiment côté rouge où le Montepulciano d'Abbruzo semble ne pas subir les affres du temps. La sincérité de ce vin élevé en cuve, ne voyant jamais le bois, est évidente. Au gré des millésimes, plus chauds ou plus froids, il oscille davantage vers un fruité dense, des pointes épicées ou une matière plus suspendue et poétique. Le 2005 semble parti pour défier les décennies, avec un tannins légèrement en relief, marqué de sa rusticité magnifiée. Le 1998 se pare de notes florales, rappelant la rose ancienne quand le 1985 imposé un nez d'une profondeur insondable, entre cerise noire et eucalyptus. Avec une fougue, encore, à rassurer n'importe quel quadragénaire. Du grand œuvre, tout simplement.

©JM Brouard