[Primeurs] Eric Boissenot « Les prix vont forcément baisser »

Ce millésime 2023 est attendu avec une certaine appréhension compte-tenu de la situation économique. Par ailleurs, qu’en est-il s’agissant de la qualité des vins ? Eric Boissenot, consultant médocain pour les plus grands domaines de la région, prend le pouls de la campagne des primeurs débute aujourd'hui !

En termes de climatologie, comment peut-on résumer ce millésime 2023 ?
Ce fut un millésime compliqué, les vignerons ont été chahutés. Tous les ans rencontrent leur difficulté mais celui-ci fait partie des millésimes difficiles, compte-tenu de l’humidité. 2023 a commencé normalement sans épisode de gel, ou très peu. La vigne a poussé très vite avec la douceur de la fin de l’hiver et du début du printemps. Quelques fortes chaleurs et l’humidité ont favorisé la floraison comme la véraison et on se retrouve avec des vendanges précoces. Entre le vers de la grappe et le mildiou, il y a eu un peu de perte mais en général la récolte fut généreuse. En dépit de l’humidité, ça reste une année sèche à l’endroit de la pluviométrie. On a cumulé un manque d’eau de 2022, ajouté à 2023. 

Comment se déguste-t-il à la veille de cette campagne primeurs ? 
Le millésime est très bon, il se déguste très bien. Les merlots sont riches, très mûrs, un peu comme en 2022. Le taux d’alcool est important. Pour les cabernets sauvignons, les pluies de septembre ont bien aidé. Ce fut un millésime pour les patients. Ce furent des vendanges très longues, sur près d’un mois. Finalement, les assemblages se dégustent très bien, c’est doux, plein de charme, de fruits, ça me fait penser à 2019. 2023 est à la fois puissant et sans dureté. Comme d’habitude, dans le Médoc, les cabernets sauvignons forment la colonne vertébrale. Pour les cépages come le cabernet franc et le petit verdot, c’est bon si on les a vendangés tard. Ils avaient bloqué alors il fallait attendre, avec un léger caractère variétal dû au manque d’eau. 

Côté ambiance, côté marché, quel regard portez-vous ?
Les prix vont forcément baisser. Je ne vois pas comment nous pouvons y échapper. Une baisse donnera une bonne tonalité au commerce. Il faut fluidifier les choses, 2022 était magique, ça s’est vendu cher alors il faut donner de l’air au négoce. Je pense sincèrement que tout le monde fera cet effort et que les Premiers vont sortir assez vite pour montrer l’exemple. Ce sera envoyer un message positif à l’égard de l’image des vins de Bordeaux. Et les 2023 sont bons, de garde, donc ce sera positif pour tout le monde. Chacun fera bien sûr en fonction de ses propres marchés mais il ne faut pas jouer avec le feu.