Vendredi 22 Novembre 2024
Village de Pauillac
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Date
17.05.2024
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Voici, en avant-première, quelques-uns de nos coups de cœur avant la sortie de notre numéro de juin, entièrement consacré au vignoble bordelais et à l’analyse du millésime.
Si la météo a privilégié certaines appellations, c’est bien Saint-Estèphe et Pauillac. De l’eau mais pas trop, des températures clémentes sans les excès de 2022. Un déroulé de campagne sans à-coups qui a eu deux marqueurs importants. L’hiver bien arrosé a permis aux sols de récupérer leurs réserves en eau mises à mal en 2022, un printemps doux où la vigne débourre de façon homogène, un mois d’avril où le vignoble est épargné par le gel, l’estuaire jouant à plein son rôle protecteur, enfin, tout un mois de mai aux températures estivales qui vont permettre une magnifique floraison, gage de beaux rendements : cette floraison majestueuse est une des deux caractéristiques, on retrouve à peu près le même déroulé sur Pauillac. Quelques châteaux, dont Cos d’Estournel, prendront le pari de vendanges en vert pour équilibrer leurs vignes. Osé mais nécessaire pour des baies dotées d’un bon rapport peau-pulpe-pépins. Dans les deux appellations, juin marque l’arrêt des travaux du sol pour les assécher partiellement et éviter la prolifération du mildiou. L’été va se dérouler sans pics de températures jusqu’à la mi-août, entraînant des maturations lentes si bénéfiques aux cabernets qui font l’ossature de ces appellations. Le choix de la date des vendanges a été capital et, pour beaucoup de propriétés, elles n’ont jamais été aussi longues (du 7 septembre au 10 octobre pour Pontet Canet !) : les merlots ramassés en premier, puis les cabernets bien plus tard, ils feront toute la race des grands vins millésimés 2023.
Notre coup de cœur sur Saint-Estèphe
Château Phélan Ségur : 97-98
Le cabernet prend la main (60 %), à l'inverse de 2022. Disque carmin, nez sanguin, moka, figue sèche, sureau en confiture, eucalyptus, menthe : c'est un festival ! Attaque volumineuse, bouche serrée sans être agressive, tendue voire dressée tant les tanins sont nombreux et traçants. C'est cette qualité de tanins qui signe le flacon : élégants, ils tiennent la bouche, lui donnent de l'étoffe. Le palais, goûteux, prend du velours à l’aération, il se fait nourricier. Depuis l'explosion aromatique jusqu'au crémeux de milieu de bouche puis la finale enlevée, Phélan Ségur offre une option de plaisir et de longévité.
Les très bonnes notes sur Saint-Estèphe
Château Calon-Ségur - 3ème Grand Cru Classé 1855 : 98
Avec ses 82 % de cabernet sauvignon et 12 % de franc – un vrai capital longévité – , il offre un nez concentré, au fin grillé, à la rétro de rose séchée. Déjà, la robe dense au violet intense annonçait sa profondeur, il se révèle séveux, tramé de soie épaisse, élégant, opulent, goûteux, tendu et minéral. Très persistant en finale, à la fois salin et frais. Un grand Calon.
Château Cos d’Estournel - 2ème Grand Cru Classé 1855 : 99
Sur ce millésime mûr, Cos est d'une fraîcheur étonnante, moins de 13°, un profil désaltérant qu'il tient de la qualité de ses tanins. « Ce terroir donne toujours de la puissance, on peut oser extraire moins, c’est un confort », témoigne Dominique Arrangoïts. Réglisse, cassis, écorce d'orange, graphite, intégration et profondeur de bouche sont sa signature.
Château Montrose - 2ème Grand Cru Classé 1855 : 97-98
Pierre Graffeuille, arrivé en 2022, resserre sur le terroir d’origine 1855 dans l'esprit d'un clos : seulement 35 % de grand vin cette année ! De vieilles vignes où les cabernets sont de grande facture. Attaque très souple, long déroulé crémeux, tanins suaves et intégrés, le trio à 75 % cabernet, 21 merlot, 4 de franc, d'une race impériale, est déjà un bonheur en dégustation.
Nos coups de cœur sur Pauillac
Château Croizet-Bages - 5eme Grand Cru Classé 1855 : 94-95
Un vin qui ne demande qu'à être dégusté ! La famille Quié réussit à tirer le meilleur du millésime qui présente de très belles maturités tout en effectuant un travail remarquable de finesse. Les 70 % de cabernets bien mûrs laissent la fraîcheur du merlot s'exprimer. Un fumé délicat, le bois d'ébène et la mûre écrasée s'exhalent du verre. C'est d'une élégance rare. Tout est intégré. Il est onctueux, élégant, fin, sans manquer de fruit, d'une belle trame acidulée et d'un petit corset tannique. Un vin de plaisir à ne pas manquer.
Château Fonbadet : 93-94
Ce vin réalise une belle progression et a de l'ambition. La grosse majorité de cabernet lui donne son caractère concentré, riche et vineux. Il fait toutefois preuve d'amabilité et reste ferme en enserrant la bouche : c'est une main de fer dans un gant de velours. Le fruit noir est intense, croquant, agrémenté d'une trame épicée et de légères notes florales de pivoine. L'élevage est bien maîtrisé, se fondant dans l'ensemble. C'est un vin de caractère qui montre un grand potentiel. Il a de quoi faire un bel investissement avec un rapport qualité-prix très favorable.
Château Grand-Puy Ducasse - 5eme Grand Cru Classé 1855 : 95-96
Une vendange réussie pour ce premier millésime vinifié dans le nouveau cuvier gravitaire de la propriété. Avec des conditions favorables et un peu de patience lors des récoltes, les équipes du château Grand-Puy Ducasse présentent un travail de haute couture. Le nez engageant de lilas, de baies noires, de cachou s'élève avec raffinement. L'attaque est élégante, équilibrée, doucement anisée. La texture est de grande facture. Le grain des tanins est fin, poudré, classieux. L'ensemble est vraiment étonnant, fondu et harmonieux pour un vin qui s'étire longuement. Un achat incontournable.
Château Lafite Rothschild - 1er Grand Cru Classé 1855 : 98
93 % cabernet, merlot 6 % et le petit verdot, portant beau ses 90 ans, vient telle une épice pour 1 %. L'assemblage, très classique, révèle toute sa subtilité dans un équilibre particulier avec une grande intégration des tanins, une arête épicée acidulée qui tient le vin, une acidité qui pointe le début de bouche puis se fait oublier, une texture de soie très fine, étirée, une infinie longueur. Majestueux par la précision de son équilibre, la complémentarité des forces. Pour Lafite c’est un millésime facile. Caractérisé par la finesse, les saveurs de poivre rare et de graphite, la mâche épicée qui prend la fin de bouche. Une conjugaison de race et de classe.
Château Pontet-Canet - 5eme Grand Cru Classé 1855 : 97-98
Mathieu Bessonnet, directeur technique, parle de saison idéale. Sa plus grosse décision : la date de vendange, « car ici, on ne fait qu'un vin » et lorsqu’il opte pour attendre une semaine de plus alors que de grosses pluies sont annoncées, il joue gros. La météo lui donnera raison : une pluie juste bienfaitrice précède des vendanges radieuses, faisant gagner Pontet-Canet en fruité et en précision. Le florilège lilas, iris, cerise, fraise des bois attise les papilles qui rencontrent des tanins gracieux, intégrés, une texture filante, élégante et nette. La biodynamie en état de grâce.
Les très bonnes notes sur Pauillac
Château Pichon Baron - 2ème Grand Cru Classé 1855 : 98
80 % de cabernet sauvignon, cueillis la dernière semaine de septembre, à pleine maturité, dessinent une cathédrale de tanins très élancée. Le style est pur, classique, altier. Palais profond, racinaire, mâche saline, ses merlots viennent harmoniser, adoucir la trame aussi voluptueuse qu'en 2022, mais signant un très grand flacon.
Château Mouton Rothschild - 1er Grand Cru Classé 1855 : 98-99
Riche, complet et frais, voilà son portrait en trois mots ! Robe dense, veloutée, à disque carmin, attaque très ample, matière cossue, sans lourdeur, avec un équilibre haut. 93 % de cabernet sauvignon – le deuxième le plus fort après 94 % en 2010 –, construisent un grand Mouton à la puissance domptée, à l'acidité qui vient préciser la structure et lui donner une allonge de rêve.
Château Lynch-Moussas - 5eme Grand Cru Classé 1855 : 97
Nez élégant et intense sur le cassis frais, les fleurs mauves, très mûr, avant une attaque fine et mordante, une bouche très droite, élancée, portée par une texture fluide, déployant des saveurs nobles de havane et petits fruits noirs. Ses 78 % de cabernets corsés lui donnent un grand potentiel de garde.
Château Latour - 1er Grand Cru Classé 1855 : 98-99
« J’adore ce profil, aromatique, il n'y a pas de questionnement sur son élevage, l’acidité porte le vin, on retrouve le style qui nous plaît », témoigne Hélène Génin. Le nez est profond, cossu, sur la baie de sureau, le graphite, la réglisse fraîche, la mâche terrible avec des tanins stratosphériques. C'est Latour !
Château Clerc Milon - 5eme Grand Cru Classé 1855 : 96-97
Complexe, sur la finesse, long, ce flacon voit ses cabernets grimper à 72 % contre 59 % en 2022, premier nez mûr, élevage d’une classe extrême, attaque et palais fins. Les vieilles vignes complantées à 30 % se pilotent au cep près, chacun étant cueilli à sa pleine maturité. Architecture effilée, texture juteuse, ourlée de la rondeur des 19 % de merlot.
Château Batailley - 5eme Grand Cru Classé 1855 : 96
Robe violine, brillante, nez assez sanguin aux notes de cuir puis de fleurs mauves et rouges, Batailley s'impose par une très belle attaque, pleine, un palais équilibré, élégant, des tanins à grain fin. Une expression sur la retenue mais tous les marqueurs sont là (acidité, épices, saveur saline), une signature terroir racée.
Château d’Armailhac - 5eme Grand Cru Classé 1855 : 96
Une étude terroir en 2023 distingue certaines parcelles vendangées et vinifiées à part, ici 70 % de cabernet (un record),13 % de vieux franc, 15 % de merlot pour ne garder que ceux dotés d'une belle fraîcheur. Nez de grande classe, déjà velouté, profond, on sent des cabernets très mûrs, puissants et épicés, attaque ample, dense et équilibrée, le palais surprend par son côté aérien, tout est en place, les tanins fins, nombreux et nets, milieu de bouche minéral, soyeux et étiré.
Notre comité de dégustation : Jean-Charles Chapuzet (journaliste et écrivain), Benjamin Corenthin (sommelier caviste cave La Médocaine, à Bruges), Mathieu Doumenge (grand reporter), Julien Morel (assistant de rédaction) et Sylvie Tonnaire (directrice de la rédaction).
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