Jeudi 21 Novembre 2024
Thomas Laydis, Château Roc de Calon (photo © Estelle Guichard)
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03.07.2024
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Dans la même famille depuis plus de cent ans, le fleuron des Vignobles Laydis, situé en appellation Montagne-Saint-Émilion, doit faire face à une conjoncture difficile, comme l'ensemble de la filière. Mais Thomas Laydis, quatrième génération aux manettes, a beaucoup d'idées et de dynamisme à faire valoir pour faire perdurer l'aventure.
C'est une histoire de famille qui s'écrit sur plusieurs générations, comme on en trouve dans tous les vignobles français, et notamment dans le Bordelais. Nous sommes sur la rive droite, dans le Libournais, en appellation Montagne-Saint-Émilion. C'est ici qu'en 1922, Théophile Marcelou, pépiniériste de son état (on lui doit notamment le redressement de la viticulture locale après la crise du phylloxéra) fait l'acquisition d'une propriété sur le lieu-dit Barraud, désormais orthographié Barreau.
Cette même année naît sa fille Simone qui, après la Seconde Guerre mondiale, épouse Robert Laydis. À cette époque, faire du vin n'est pas considéré comme le "métier principal" de la famille : Robert étant boulanger, il s'installe à Bordeaux avec Simone, dans le quartier Saint-Michel. Ils ne reviendront s'installer à Montagne qu'en 1973. Leur fils, Bernard, a alors 17 ans. Lui aussi poursuivra sa propre voie, devenant docteur en pharmacie et travaillent en officine à Libourne avant de revenir, à son tour, sur la propriété familiale en 1988 avec son épouse Sylvie. Entretemps, le domaine a changé de nom et s'appelle Roc de Calon, en référence à la butte exposée plein ouest sur laquelle se situe une partie des vignes, et aux carrières calcaires souterraines qui s'y trouvent.
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Dans une période faste pour Bordeaux, Bernard et Sylvie Laydis développent le vignoble (21 hectares) et la commercialisation des vins. Reste à savoir qui, de leurs deux enfants, prendra la suite ? Leur fils Thomas, millésime 1984, ne se sent pas tout d'abord la vocation d'un vigneron : "j'ai passé beaucoup de temps ici, en particulier l'été, et pour tout dire, je m'y suis pas mal ennuyé. Lorsqu'on est jeune et que tous les copains partent ailleurs, on n'a pas envie de rester coincé à aider dans les vignes. Moi j'étais passionné de sport, surtout de football et de hand, que j'ai pratiqué à bon niveau. C'était ça, ma passion. Et puis, en grandissant, surtout grâce à mon grand-père Robert, j'ai commencé à m'intéresser au vin, et à me rapprocher de la terre. J'ai commencé à m'investir au domaine à partir de 2006".
Fidèle à la tradition familiale, Thomas mène en parallèle une carrière en dehors du vin (études en journalisme et communication, désormais responsable des contenus et réseaux sociaux à la RATP), tout en s'investissant de plus en plus dans l'exploitation familiale. Les choses se font progressivement, en 2010 il travaille sur la refonte de l'identité visuelle du domaine, passe le WSET 2 pour maîtriser la dégustation, puis à partir de 2015-2016 prend réellement la main sur le volet production. Après s'être installé à Paris en 2009, il revient finalement vivre à Libourne en 2023 avec son épouse Élodie, partageant son temps entre sa région natale et la capitale.
Désormais pleinement aux manettes de Roc de Calon, Thomas Laydis a conscience qu'il arrive dans une période compliquée pour le monde du vin en général, et pour Bordeaux en particulier. Son constat est sans concession et sans langue de bois : "Bordeaux a connu de très belles années et ne s'est pas remis en question, notre région a refusé de regarder ce qui se passait ailleurs. On a oublié de vendre nos vins, d'aller au contact des clients, on a aussi négligé l'œnotourisme à une époque où d'autres régions ouvraient grand leurs portes. Aujourd'hui c'est tout le système bordelais qui est en panne : courtiers et négoces se sont détournés des 'petits', ils ne savent plus nous défendre et nous demandent sans cesse de baisser les prix. C'est à nous de nous retrousser les manches si nous voulons survivre, et d'inventer des solutions. Cet endroit, je l'aime, j'y suis attaché, ma famille aussi, et nous voulons continuer à le faire vivre".
Le premier projet amorcé par Thomas et Élodie était de faire de Roc de Calon un véritable lieu d'accueil, avec une offre d'agritourisme "à l'image de ce qui se fait en Italie, en Espagne et dans d'autres régions françaises". Ce projet passe par une rénovation totale de l'outil technique aujourd'hui âgé de 40 ans, d'une offre réceptive et événementielle, et d'un projet hôtelier sous forme de "country house" comptant une vingtaine de chambres dans l'ancienne maison familiale. Ce projet, d'un coût estimé à près de 2 millions d'euros pour la seule partie technique, a été décalé suite à la pandémie de Covid-19 et face à la crise économique : "on espère le financer dans les 2-3 ans". Mais Thomas ne reste pas les bras croisés pour autant : il a fait passer 7 hectares sur 21 en GFA (Groupement Foncier Agricole), faisant entrer 36 investisseurs qui sont autant d'ambassadeurs de Roc de Calon ; et il a fait entrer trois associés au capital du domaine, à hauteur de 27%.
Outre la dimension économique et financière, Thomas Laydis en est convaincu, c'est en diversifiant la gamme qu'il arrivera à conquérir de nouveaux amateurs - une idée que l'ensemble du vignoble bordelais serait inspirée de suivre, selon lui, pour sortir de l'ornière. "Nous voulons proposer des vins aux identités marquées, qui peuvent s'adresser à des sensibilités différentes et à des moments de consommation différents. Ainsi, au côté de notre cuvée principale Roc de Calon, nous avons notre cuvée premium 'Ecrin', une sélection de lots en vinification intégrale, notre collection de monocépages 'Théophile' (un 100% merlot en amphores, un 100% cabernet franc, un 100% cabernet sauvignon), une cuvée 100% malbec appelée "Sauvage", et depuis cette année, une nouvelle cuvée "Summer", un 100% merlot en Vin de France, à boire frais et en capsule à vis". Pour accompagner cette évolution, Thomas travaille depuis 2022 avec l'œnologue-consultant Thomas Duclos, du laboratoire ŒnoTeam. Et plein d'autres idées sont déjà dans les tuyaux. On l'aura compris, Roc de Calon fait partie des valeurs à suvire dans un vignoble bordelais qui, malgré la crise, s'emploie à se réinventer.
Roc de Calon 2019 : 80% merlot 15% cabernet franc 5% cabernet sauvignon, un joli jus sur la finesse, dont la palette s'inscrit entre cerise croquante, pivoine et notes poivrées. De la délicatesse dans la texture, pas une énorme matière, un léger creux en milieu de bouche mais un caractère très digeste. 14 €.
Coffret "Théophile" : trois expression monocépage, entre un merlot rond, aimable et épicé, un cabernet franc floral et réglissé, un cabernet-sauvignon riche, dense et structuré. 150 € le coffret (1000 exemplaires).
Sauvage 2022 : un 100% malbec en Vin de France. Nez pulpeux, profond, plein de caractère. La bouche est épicée, juteuse et sanguine, escortée de tanins vigoureux, tenue par une belle acidité. Belle étiquette taurine en prime. 50 €.
Voir site officiel de Roc de Calon
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