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L’indispensable acidité du vin

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

16.01.2025

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Derrière la fraîcheur, il y a bien sûr l’acidité. Une acidité qui revient en force, alors que la maturité lui a longtemps volé la vedette et que le réchauffement climatique la rend parfois compliquée à obtenir. Revue de détail sur cette composante indispensable au vin. 

L'acidité joue un rôle crucial dans la qualité et le caractère des vins. Elle participe avec les autres composants (sucres, alcool et tanins) à l’équilibre du vin. Elle confère une sensation de fraîcheur et de vivacité en bouche. Par ailleurs, elle est souvent décrite comme apportant une sensation de croquant, d’incisivité pour les blancs secs ou les champagnes notamment, et les liquoreux équilibrent leur liqueur avec elle. 

En outre, l’acidité joue un rôle protecteur en inhibant la croissance des bactéries indésirables, ce qui aide à préserver le vin pendant son vieillissement et à garantir un meilleur potentiel de garde. Elle peut aussi jouer un rôle dans les accords mets-vins. En effet, l'acidité peut équilibrer les graisses. Elle améliore également la perception des tanins, surtout dans les vins rouges, en rendant ces derniers moins astringents. 

Enfin, elle peut influencer la perception de corps et de légèreté du vin. Un vin avec une bonne acidité peut sembler plus léger et plus rafraîchissant, tandis qu'un vin avec une acidité faible peut paraître plus lourd et plat. Mais cette recherche d’acidité n’est pas toujours simple à obtenir, surtout si l’on ne veut pas sacrifier la maturité du raisin.

Deux courbes antagonistes

La recherche de la maturité des raisins implique de trouver un équilibre entre deux composantes essentielles de la fameuse « maturité technologique » tant observée par les vinificateurs. Ce sont les niveaux de sucre (mesuré par la densité) et d'acidité (mesuré par le pH des baies) qui la définisse. Mais ces deux composantes évoluent de manière opposée au cours du processus de maturation : plus le taux de sucre augmente, moins il y a d’acidité, et le sucre seul ne peut amener un bon vin. 

Ainsi, à Bordeaux, on se souviendra du 2003 (année de canicule avec des nuits chaudes), annoncé comme un millésime exceptionnel : on célébrait alors la maturité et on avait trop facilement établi un lien entre chaleur et grand vin. Si le sucre était bien là, l’acidité faisait défaut. Très vite, les 2003 bordelais ont été jugés incomplets, avec un fruit limité, une structure légère, des tanins souvent trop mûrs et faute d’un potentiel de garde, l’évolution s’est avérée précoce. Alors, avec le réchauffement climatique, comment limiter cette perte d’acidité tout en conservant la maturité ?

Courbe acidité sucre vin

Des outils disponibles

Aujourd’hui, on sait limiter les effets du changement climatique. Axel Marchal, professeur d’œnologie à l’ISVV, indique qu’il faut « éviter d’avoir une exposition trop importante des grappes au soleil et qu’il faut donc limiter l’effeuillage », ceci afin de ne pas avoir une maturation trop rapide et perdre en acidité.  

Pour Julien Viaud du laboratoire Rolland & Associés, cette possible difficulté à obtenir l’acidité « se gère aussi avec la gestion des sols, la charge de grappes qu’on laisse sur le pied, mais aussi avec le choix des porte-greffes et la densité de plantations. En 2024, on sait ce qu’est une maturité et on sait la piloter en fonction des aléas climatiques. »

« La véritable acidité se fait avec des raisins mûrs »

Tout un savoir-faire viticole qui permet maintenant de contourner les difficultés induites par le réchauffement climatique, en trouvant cet équilibre dans la maturité technologique (sucre/acidité). C’est le cas par exemple à Bordeaux où le merlot est très observé, car il est un des cépages les plus vulnérables à la chaleur. Pour autant, Axel Marchal ne le condamne pas : « C'est un peu plus délicat parce que la fenêtre de tir entre pas assez mûr et trop mûr s’est réduite, mais c’est bien le travail précis et rigoureux sur le suivi du vignoble qui permet de détecter cette fenêtre de récolte. Le merlot s’en sort encore très bien à Bordeaux, comme en 2022. On a facilement voué le merlot aux gémonies, mais sur les meilleurs terroirs, il a de l’avenir, y compris dans un contexte de changement climatique. Cela ne veut pas dire qu’il faut rester naïf. »

La recherche d’acidité ne doit pas non plus faire oublier l’intérêt des autres composants de l’équilibre d’un vin. Axel Marchal nous éclaire : « Pendant longtemps, on a considéré que la richesse polyphénolique liée à la maturité était la clé d’un vin rouge réussi. Aujourd’hui, on a changé d’air : il ne faudrait pas que ce soit une course à l’acidité. Celle-ci ne doit pas être faite au détriment de la maturité. On ne doit donc pas ramasser des raisins pas mûrs sous prétexte de vouloir des vins acides. La véritable acidité se fait avec des raisins mûrs. C’est l’harmonie qui doit primer. »  

Un discours rassurant, car la technicité permet aujourd’hui d’avoir cet équilibre. Malgré le réchauffement climatique, l’indispensable acidité ne disparaît donc pas et concourt toujours à l’harmonie des vins.