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Un vent de jeunesse souffle sur les Côtes-de-Gascogne 

Rémi et Brice Mouton Domaine Burosse en cotes de gascogne

Brice et Rémi Mouton du domaine Burosse ©F. Hermine

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

08.10.2024

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Malgré la conjoncture et une série de petites récoltes, l’appellation côtes-de-gascogne, avec une production de blancs majoritaire, reste particulièrement dynamique et encourage l’installation des jeunes vignerons.

Au global, malgré la forte pression du mildiou, le gel, la grêle et le millerandage, les volumes de côtes-de-gascogne s’annoncent comme « un beau millésime, car nous avons connu cet été un temps idéal sans épisode caniculaire et avec des nuits fraîches pour l’aromatique et les thiols qui nous caractérisent », estime Alain Desprat, directeur de l’appellation. « Nous retombons dans une année moyenne, mais en trois ans, nous avions perdu l’équivalent d’une récolte. Cela nous a fait perdre des marchés à l’export qu’il va falloir reconquérir, mais ce n’est pas simple sur un marché international où la concurrence est rude, surtout sur le sauvignon, moins sur le colombard. » 

La production globale des côtes-de-gascogne avoisine désormais 600 000 hl, soit un potentiel de 80 millions de bouteilles. Mais l’export a régressé de 300 000 à 150 000 hl depuis cinq ans, bien que les prix se maintiennent. Le ciel est plus ensoleillé dans l’Hexagone où la baisse de consommation touche moins les blancs. Les côtes-de-gascogne sont même la seule appellation qui progresse encore en grande distribution (12,8 millions de cols à + 2,3 % sur un an, + 8,4 % en valeur*). 

Un groupe jeune pour échanger

Chez les cavistes, premier circuit de distribution qui pèse près du triple des volumes (35 millions de bouteilles), les ventes sont boostées chaque début de l’été depuis 7-8 ans par 320 partenaires. Ils bénéficient de kits de promotion pour dynamiser le linéaire (verres, tire-bouchons, drops stop, PLV), d’offres prix, de bouteilles de dégustation et d’animations par les vignerons (89 metteurs en marché y ont participé en 2024). « Les points de vente doivent proposer au moins cinq cuvées de côtes-de-gascogne, mais la moyenne avoisine plutôt les 14 aujourd’hui. Ce qui agrandit le linéaire », se réjouit Alain Desprats. 

Avec 87 % de blancs (dont 15 % de doux et moelleux), l’appellation a plutôt le vent en poupe. De quoi inciter de jeunes vignerons à s’installer. À l’union coopérative Plaimont, un groupe réunit depuis trois ans une vingtaine de jeunes de moins de 40 ans qui viennent de reprendre un vignoble familial ou de s’installer, ou qui sont en passe de le faire. « Cela leur permet à la fois de discuter de l’avenir de la cave, des problèmes sur leurs exploitations, mais aussi de rencontrer d’autres jeunes vignerons, car ils sont loin de tous se connaître » estime Olivier Dabadie, président de la section Côtes-de-Gascogne de Plaimont. « Il y a bien les quelques jours d’animations annuels obligatoires par an pour échanger, mais ils ne participent pas toujours aux mêmes déplacements en magasins. » 

Une diversification salutaire

D’autres jeunes coopérateurs ont choisi de prendre leur envol comme les frères Mouton au domaine Burosse. Brice et Rémi ont d’abord démarré leur projet vins en dehors de la coopérative avec des micro cuvées en négoce-vinification, en complément de l’armagnac et de la bière, avant de devenir vignerons indépendants en 2021. « On a eu jusqu’à 45 ha, mais on est redescendu à 30 en renonçant à un fermage, et on a semé de l’orge pour la bière. La diversification nous aide à tenir, car avec près trois ans de faible récolte et la crise économique, la situation aurait été compliquée avec juste le vin dont on vend encore une majorité en vrac » reconnaît Rémi.

Les premiers salons ont amorcé quelques rendez-vous (au moins de quoi amortir les stands, surtout à Toulouse). « Mais on se rend compte que si certains de nos vins ont un succès d’estime, les plus originaux suscitent la curiosité des cavistes comme le petit courbu, le petit manseng en fût de chêne, le floréal orange ou le rosé fer servadou. Mais ils se vendent plus difficilement auprès du grand public qui s’intéresse avant tout aux profils classiques. »

Louis Della Vedove au domaine le Broca a aussi maintenu la diversification en polyculture. Il a repris le domaine familial en 2021 qui ne vendait pas en direct et a développé la commercialisation de ses bouteilles depuis 2023 tout en conservant l’armagnac, l’activité céréalière et l’élevage avec une quarantaine de vaches. « Pour attirer des visiteurs, nous avons construit l’an dernier un caveau de dégustation et nous misons sur un sentier balisé entre vignes et vaches avec des panneaux explicatifs pour raconter ce que j’ai vu lors de mes voyages dans des vignobles du monde entier, et ce que j’aimerais voir dans mon vignoble. »

Louis Della Vedove du domaine de la Broca ©F. Hermine

L’œnotourisme pour se faire connaître

Baptiste Labenne, au domaine de Matilat, a repris en 2020 le domaine familial, produisant à 80 % des vins rouges. « J’ai dû replanter des cépages en blancs, notamment en colombard, mais aussi en viognier et muscats plus originaux pour répondre davantage à la demande. » La participation à des salons particuliers l’aide à vendre environ un quart de sa production en bouteilles. Il mise aussi sur l’accueil des camping-cars sur le domaine, la location de salles de réception et des journées portes ouvertes, ainsi que des concerts dans la cour avec son groupe de rock métal Boisson Divine. 

Au domaine du Hour repris en 2015 par Marlène Ducos à la suite de son père, on a d’abord misé sur l’armagnac avant que la jeune femme ne décide de vinifier ses propres vins à partir de 2023. Pour l’instant, elle n’élabore aux côtés de sa gamme de huit armagnacs qu’un seul vin blanc en gros manseng sec (et un mousseux Hour Time à base d’ugni blanc). « Je m’en sors surtout grâce aux ventes directes, sur les marchés locaux et au domaine où nous recevons beaucoup de visiteurs, en particulier pendant la campagne de distillation de l’armagnac avec des repas autour de l’alambic. 

Marlène Ducos du domaine du Hour ©F.Hermine
Baptiste Labenne du domaine de Matilat ©F. Hermine

« Une belle image auprès des consommateurs »

L’œnotourisme a rééquilibré aussi les ventes au domaine de Laguille qui commercialisait jusqu’à 80 % à l’export avant le Covid et le Brexit. « Comme les Côtes-de-Gascogne ont une belle image auprès des consommateurs, notamment avec de bons rapports qualité-prix, nous avons augmenté notre présence sur les salons en France pour nous faire connaître, explique Guy Vignoli, rejoint récemment par sa fille Nathalie venue d’une première carrière dans le marketing. Nous avons également investi dans des salles équipées pour accueillir mariages et séminaires. » Pendant VineArt, le programme estival œnotouristique de l’appellation lancé en 2021, le domaine propose de nombreuses activités toute la journée autour d’un pique-nique sous les arbres. « Ce qui nous a fait gagner une clientèle fidèle qui revient pendant leur séjour dans la région. »

*Source Circana