Accueil Actualités Assemblée Générale du CIVB : un vent de contestation contrarie l’exposé

Assemblée Générale du CIVB : un vent de contestation contrarie l’exposé

Assemblée générale CIVB

©M. Sarrazin

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

18.12.2024

Partager

Le CIVB tenait ce lundi 16 décembre son assemblée générale annuelle. L’occasion de faire le bilan du plan d’arrachage et de dresser des perspectives d’actions volontaristes.

La Confédération paysanne de la Gironde tenait un stand devant l’immeuble du CIVB, dans le cœur historique de Bordeaux. « Vigneron.nes en faillite » pouvait-on lire sur une banderole. Allan Sichel, ayant invité leur représentant, accompagné de quelques vignerons à l’AG, il était acquis que la contestation allait se faire entendre au cours de la réunion.

Si l’exposé d’Allan Sichel, l’actuel président du CIVB, a été clair, tant dans le diagnostic que sur les actions à mener, ce sont les propos de Dominique Techer, porte-parole de la Confédération paysanne, qui ont assombri l’ambiance d’une salle pourtant baignée de soleil. Sans concession, décrivant l’action du CIVB comme uniquement néfaste depuis une quinzaine d’années, le porte-parole a évoqué un « manque de réactivité » et un « bilan catastrophique ».

« En 2011, nous avions demandé une régulation du cours du vrac. Le président de l’époque (Bernard Farges, ndlr) avait évacué le sujet. Nous revoilà 13 ans après et vous mettez le sujet à l’étude », a-t-il affirmé. Avant d’ajouter : « On a privilégié l’intérêt et le maintien du système contre celui des vignerons. Il (Bernard Farges) a même maintenu sa politique expansionniste du vignoble, de modernisation des chais, ce qui a poussé encore plus à l’endettement. Les campagnes de distillation n’ont servi qu’à perpétuer un système déjà dépassé et ont cramé les caisses publiques. »

Réquisitoire sans concession

En conclusion de sa prise de parole, qui ressemblait à un réquisitoire, Dominique Techer a enfoncé le clou : « Nous assistons à l’effondrement global de l’économie girondine. Les maillons cèdent un à un. Après les domaines viticoles, ce sont les fournisseurs et les prestataires qui déposent les bilans, et les coopératives ne paient plus que des répartitions ridicules au regard des charges. Même les institutions comme les primeurs sont en panne. Vous avez ruiné une marque en deux décennies. » Et de conclure : « La seule solution honorable serait de reconnaître vos erreurs, de vous retirer, de déposer le bilan et de dissoudre cette institution obsolète, en permettant une refondation derrière vous. »

Allan Sichel, ne perdant pas son calme, a répondu que « Bordeaux a été le premier à faire de l’arrachage » et qu’il a « vu des équipes se battre pour faire avancer les points que nous connaissons. Peut-être qu’il aurait mieux valu faire de l’arrachage plutôt que de la distillation, mais, à l’époque, ce n’était pas possible. » Bernard Farges, vice-président, a rappelé que « ce n’est pas uniquement à l’intérieur du CIVB que les décisions se prennent », évoquant des décisions gouvernementales et régionales.

Cette confrontation, un peu rude, ne doit pourtant pas faire oublier le rapport moral du président et les présentations des projets de budget, du marketing et de la communication.

Un rapport attendu

Allan Sichel décrit une situation alarmante depuis 2017, avec « une consommation en constante décroissance et des chiffres à l’export en baisse ». L’élection récente de Donald Trump « plonge la filière dans l’expectative ». Il évoque ensuite « des procédures de liquidations judiciaires qui sont rares mais qui existent. La vente aux enchères de stocks saisis a fait la une des journaux. » Le CIVB milite pour « chercher à limiter ce genre de procédure en aiguillant les entreprises en difficulté vers des procédures à l’amiable ».

Puis vient le bilan du plan d’arrachage, qui a sonné en 2023 comme un coup de tonnerre dans le paysage viticole français. Bordeaux sera la première appellation à arracher. « Lancé en 2023 et cofinancé par l’État et le CIVB, le plan d’arrachage sanitaire de la filière, auquel s’est rajouté en octobre 2024 un plan d’arrachage national, va permettre de réduire durablement le volume de production. Entre le 1ᵉʳ août 2023 et le 5 décembre 2024, 10 100 ha de vignes ont été arrachées, dont plus de 6 000 dans le cadre du plan d’arrachage sanitaire, avec 60 % situés dans l’AOP Bordeaux rouge. En 2025, le vignoble comptera 91 000 ha de vignes contre 103 800 ha en 2023. Nous aurons atteint notre objectif : réduire fortement notre potentiel de production. On s’approche donc de l’équilibre, avec un volume de récolte inférieur à nos ventes. »

Dans l’air du temps, le président tenait à valoriser « la démarche RSE "Cultivons demain", qui compte désormais 102 entreprises labellisées (10 % du vignoble et 30 % des vins commercialisés) ». Une tendance à laquelle la génération Z (les jeunes de moins de 35 ans) reste sensible et qui fait l’objet de toutes les attentions.

©M. Sarrazin
assemblée générale civb
©M. Sarrazin

Perspectives

Le budget présenté pour 2025 a pour objectifs principaux de reconstituer les fonds de réserve et de favoriser des actions de communication bien ciblées. Les réserves sont passées de 21,572 millions d’euros en 2023 à 5,6 millions d’euros en 2024, l’objectif étant de les remonter à 7,2 millions d’euros grâce à la perspective d’un résultat bénéficiaire de 1,5 million d’euros sur l’exercice 2025, et ce, malgré des cotisations en recul de 7 %. Des économies ont été prévues, destinées pour moitié à reconstituer les fonds de réserve sur une période de 10 ans, et au bénéfice d’actions de communication.

Ces actions de communication visent principalement la génération Z, très choyée et qu’il faut reconquérir. En effet, la consommation à domicile, en unité d’alcool, pour les moins de 35 ans, est de 23 pour les vins tranquilles et de 34 pour la bière, contre respectivement 49 et 13 pour les plus de 65 ans. De quoi inquiéter la filière vin. Une génération que l’on entend toucher en adoptant ses codes et ses préférences.

70 % de la génération Z est sensible au développement durable et au respect de l’environnement. C’est ainsi que le CIVB a budgétisé un soutien au développement durable de la filière pour 450 000 €. De même, la présence sur les festivals sera renforcée, car 60 % des participants ont moins de 35 ans.

Il est aussi indispensable d’être présent sur les réseaux sociaux, où les jeunes passent en moyenne 4,5 heures par jour pour se distraire ou s’informer. La présence des vins de Bordeaux sur les réseaux a d’ailleurs été multipliée par 10 ces dernières années. Autant de pistes qui illustrent les efforts du CIVB pour s’adapter et aligner le produit aux attentes du monde d’aujourd’hui.