Dimanche 22 Décembre 2024
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20.12.2024
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Il y a bientôt deux siècles, en 1825, naissait Daniel Iffla Osiris, un homme dont la générosité allait marquer à jamais l’histoire du château La Tour Blanche. Ce domaine, classé Premier Cru en 1855 et situé au cœur de l’appellation Sauternes, fut offert par Osiris à l’État, à la condition qu’il devienne un établissement dédié à la formation. Désireuse d’exprimer sa gratitude, une classe de terminale Bac professionnel du lycée viticole La Tour Blanche a choisi de rendre hommage à cet illustre bienfaiteur avec une cuvée bien nommée.
Mais qui se souvient encore de Daniel Iffla, dit Osiris ? Issu d’une modeste famille juive bordelaise, il quitte tôt les bancs de l’école pour entrer dans la vie active à l’âge de 17 ans. Engagé comme homme à tout faire auprès d’un agent de change parisien, il connaît une ascension fulgurante et fait fortune grâce à des investissements avisés en bourse et dans l’immobilier. Son nom, « Iffla », serait d’ailleurs dérivé du mot arabe falaha, qui signifie « réussir ».
Il a 30 ans lorsque son épouse décède après qu’elle lui eut donné deux enfants qui ne survécurent pas. Il ne se remariera pas et c’est sans héritiers directs qu’il décide de se consacrer au mécénat. C’est ainsi qu’il décide d’acquérir, de rénover puis de léguer le château de Malmaison (demeure de Joséphine de Beauharnais, épouse de Napoléon Bonaparte) à l'État, en exigeant que le mobilier d’origine y soit restitué. Parmi ses autres œuvres, il destine une partie de sa fortune à l’Institut Pasteur, dont les fonds serviront en partie à la création de l’Institut du Radium en 1914, un lieu où brillera la figure de Marie Curie.
À Bordeaux, sa ville natale, Osiris laisse également une empreinte durable. Il offre six fontaines Wallace pour embellir l’espace public, cofinance la reconstruction de la Grande Synagogue et marque les esprits en léguant une somme importante à la ville. Celle-ci permettra, selon ses vœux, la construction d’un bateau-soupe qui, sur les eaux de la Garonne, distribuera des repas aux plus démunis jusqu’en 1940. Lorsqu’il s’éteint en 1907, Daniel Iffla-Osiris lègue le domaine de La Tour Blanche à l’État, avec le souhait qu’il devienne une école de viticulture. Depuis 1911, ce vœu est pleinement exaucé, faisant de ce lieu un héritage vivant de la générosité d’un homme hors du commun.
Les élèves de terminale Bac pro TCVA (Technicien Conseil Vente en Alimentation, produits
alimentaires et boissons) n’ont pas manqué le coche et ont fait d’une pierre deux coups. Faire œuvre de gratitude en se souvenant du geste généreux d'Osiris Iffla qui leur permet de se former aujourd’hui dans un cadre à forte notoriété, et trouver un prétexte à conduire un beau projet d’études pour acquérir des compétences en commerce et marketing. « On veut prendre appui sur ce projet pour voir des notions qui sont dans le programme » nous dit un des 8 élèves qui ont conduit ce projet avec leur professeur Gaëtan Conhil. Mais de quoi s’agit-il ?
Il s’agit de créer une cuvée spéciale fêtant le bicentenaire de la naissance d’Osiris Iffla dont les élèves se sentent les héritiers. « Les Héritiers », ce sera justement le nom de cette cuvée, bio s’il vous plait, dont le vin sera celui des Charmilles 2022 de La Tour Blanche, le second vin. « Il n’est pas issu des vignes les plus jeunes qui donnent « les brumes » le 3ᵉ vin », s’empresse de préciser un élève. Donc un vin plutôt qualitatif, avec du fond, sélectionné sur d’autres critères que la jeunesse et composé à 75 % de sémillon, le reste en sauvignon et muscadelle. À noter la bonne proportion de muscadelle (environ 10 %) qui devient une rareté en Sauternais du fait de sa fragilité, mais qui apporte beaucoup en aromatique (fleurs de chèvrefeuille et d’acacia).
Pour l’habillage, les élèves ont prévu de faire une étiquette et une contre-étiquette. Et c’est dans la discrétion que le groupe d’élèves se retrouve sur l’étiquette, sous la forme de silhouettes. Sur la contre-étiquette, un texte rappelant les motivations des élèves pour ce projet ainsi que leurs huit prénoms. Un exercice d’humilité et de reconnaissance bien conduit. Un QR code renvoie à la fiche technique. Rien n’est oublié dans le cadre des apprentissages.
La fierté pouvait se lire sur les visages des jeunes apprenants lorsqu’on évoque la commercialisation du produit. « Ce sera une diffusion interne bien sûr, et par bon de commande sur le site du lycée, mais aussi par le négoce que nous sommes en train de contacter » dit un élève.
Joli nez qui se démarque par des notes d’épices (poivre blanc), de raisin de Corinthe, de chèvrefeuille et de miel. La bouche se montre déliée, sur une liqueur mesurée qui permet de le boire facilement. Finale sur l’ananas frais, légèrement poivrée et piquante qui donne beaucoup de charme. Équilibré et élégant. Idéal à l’apéritif (toasts au bleu par exemple).
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