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Le vin vermeil au goût du jour 

homme avec verre de vin et bouteille

Alain PIERRE @vignerons buxy

Auteur

Lucie
de Azcarate

Date

07.04.2025

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Le nuancier du vin ne cesse de s’étoffer. Le vin bleu a fait couler beaucoup d’encre, sans pour autant conquérir les marchés, tandis que le vin orange commence à s’imposer dans les habitudes de consommation. Les initiatives colorées ne manquent pas pour séduire ceux qui se détourneraient du vin, à commencer par les jeunes. Même le vignoble bourguignon, pourtant si ancré dans la tradition, s’y met. Ce printemps, les vignerons de Buxy lancent un vin vermeil. Ce rouge léger se présente comme une innovation, à moins que ce soit une référence à une ancienne pratique… 

La couleur vermeille serait-elle désuète ? Sans doute un peu, tant elle émaille la littérature des siècles passés. Elle caractérise la couleur du vin, qu’on ne buvait guère que jeune jusqu’à la fin du XVIIIème siècle. En substantif, le vermeil est l’argent recouvert d’une dorure d’un ton chaud qui tire sur le rouge. Or, depuis que les ménagères en vermeil sont devenues un luxe suranné, grâce à l’acier inoxydable et la banalisation du lave-vaisselle, que les progrès de l’œnologie nous ont permis de distinguer deux couleurs affirmées, le rouge et le blanc, les occurrences du vermeil se sont taries. Jusqu’à ce que les vignerons de Buxy exhument la couleur dans une cuvée plus inattendue qu’iconoclaste. 

Tendances de consommation et méthodes anciennes 

D’où vient cette idée d’assembler pinot noir et chardonnay ? Côté innovation, c’est le Languedoc qui est en pointe tandis que la Bourgogne se présente plutôt comme une région gardienne de la tradition. Alors d’emblée, Alain Pierre, l’œnologue de la Cave, s’en défend : « Le vin vermeil a toujours existé. Nous en avons trouvé des traces dans la littérature. Notre apport a donc consisté à associer les deux cépages emblématiques de la Bourgogne, le pinot noir et le chardonnay. » Afin d’étayer son propos, il rappelle un usage préphylloxérique : la complantation, qui consistait à mélanger les cépages sur un même terroir et à les vinifier ensemble. Avec le vin vermeil, c’est donc une pratique ancienne que l’on exhume pour répondre à une nécessité, celle d’alléger les vins rouges. « Les consommateurs sont de plus en plus friands de vins moins chargés en tanins. Or, avec le réchauffement climatique, la tendance est plutôt inverse, nous sommes amenés à faire des vins de plus en plus riches, les extraits secs ne cessent d’augmenter ». 

Le vin vermeil mis au goût du jour, façon Vignerons de Buxy, consiste donc en un assemblage d’une majorité de pinot noir avec du chardonnay. Les deux cépages sont vinifiés séparément. Le pinot noir subit une macération courte, qui lui permet d’entrer dans la catégorie des vins rouges, avant un pressurage léger, puis une vinification comme un vin blanc. Après l’assemblage, une partie est élevée en demi-muids, pour apporter de la complexité. 

Oser le « Vin de France » 

Au fond, ce qui surprend le plus, ce n’est pas que le vin soit vermeil, la couleur lui sied bien tout en évoluant selon les millésimes : « En 2024, les raisins accusent un petit retard de maturité ce qui fait que le pinot noir est légèrement teinté. Il n’est donc pas exclu que d’année en année nous obtenions des variations de la nuance vermeille, en fonction des conditions météorologiques », mais qu’on renonce à des appellations bourguignonnes. Alain Pierre le concède : « c’est osé. » Mais pragmatique, il explique : « Il n’y a pas d’appellation prévue pour mélanger du pinot noir et du chardonnay alors nous avons choisi le Vin de France. C’est un peu l’attraction parce que nous ne sommes pas habitués à sortir des sentiers battus. Mais nous y croyons. » 

Sous l’appellation Vin de France, le vin vermeil ne rompt pourtant pas avec ses origines, il demeure même bourguignon dans sa conception, puisque son nom et son assemblage se réfèrent à d’anciennes traditions. L’innovation réside plutôt dans les nouvelles habitudes de consommation auxquelles sa légèreté se prête. « Le rouge qui n’en a pas l’air », se réserve au frais et s’accorde avec les repas et apéritifs estivaux, même (surtout) improvisés. 

Terre de vins aime 

Vin Vermeil 2024 (12%)

La promesse du vermeil est tenue : plutôt que rouge, la couleur est dorée-orangée. Pour 2024, millésime pluvieux, le vin est tout à fait translucide sans que les arômes soient dilués, avec un nez de fruits exotiques : fruit de la passion et ananas, et une attaque acidulée. Ses tanins évanescents taquinent les papilles et apportent de l’ampleur et de la persistance. Frais et salivant en finale.
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